MERCREDI 25 MARS 2020 N° 23503 - 1,60 € 75 PARIS XIIe 16 décès et 84 personnes
MERCREDI 25 MARS 2020 N° 23503 - 1,60 € 75 PARIS XIIe 16 décès et 84 personnes contaminées à la maison de retraite CAHIER CENTRAL Disparition Astérix orphelin après la mort d’Albert Uderzo P. 22 ET 23 REUTERS/ALEX GRIMM REUTERS/CHRISTIAN HARTMANN Merci les soignants ! Le personnel médical nous raconte son combat contre l’épidémie qui a déjà tué 1 100 patients à l’hôpital depuis le 15 février. CRISE DU CORONA VIRUS RENDEZ-VOUS GARDONS LE MORAL Nos idées pour s’occuper sans sortir P. 16 ET 17 LInterview P. 6 « C’est vraiment le moment de penser aux autres » Mgr AUPETIT LPolitique P. 8 L’Elysée réfléchit au suivi par GPS des cas infectés LSports P. 18 ET 19 Toutes les questions que pose le report des Jeux de Tokyo LP/JEAN-BAPTISTE QUENTIN PAGES 2 À 4 Mulhouse, lundi 23 mars. Une équipe médicale s’apprête à embarquer dans un hélicoptère un patient victime du Covid-19. twipe_ftp LE FAITDU JOUR CRISE DU CORONAVIRUS 2 Le Parisien 2 MERCREDI 25 MARS 2020 Aurélie Calibre, INFIRMIÈRE EN RÉANIMATION « Vous pouvez compter sur nous, on sera là ! » ELLE A CONNU les attentats. Ceux de « Charlie Hebdo », puis du Bataclan. Aurélie Ca- libre est rompue aux blessu- res de guerre. Mais cette fois, pas de plaie, pas de cicatrice. « Le mal est à l’intérieur », dit-elle sobrement. Sur le front de la lutte contre le Co- vid-19, cette soignante de 27 ans est positionnée à l’avant-garde : elle est infir- mière en réanimation, à la Pi- tié-Salpêtrière à Paris, un des premiers hôpitaux de France à avoir accueilli les person- nes infectées. C’est par son équipe soudée que les pa- tients en détresse respiratoi- re sont pris en charge. Hier, ils étaient 12, un nombre qui ne cesse d’augmenter. Quand nous la retrouvons un soir, Aurélie a maquillé ses grands yeux bleus pour mas- quer ses cernes. D’emblée, elle parle vite, encore gonflée d’adrénaline après douze heures passées au chevet des malades les plus touchés par ce virus, dont elle d’abord cru, comme beaucoup, qu’il n’en- gendrait que des « grippet- tes ». Et puis, elle s’assied et reprend son souffle. « Les journées sont com- pliquées. Les patients se dé- gradent très vite. Face aux dé- cès, il est difficile de contenir nos larmes. Mais il y a aussi des sourires car certains s’en sortent. Cela aussi il faut le re- tenir. Vous le direz, hein, que réanimation ne signifie pas mort ? » demande-t-elle. Chaque matin, à l’aube, la jeune femme fait le trajet de- puis le Val-de-Marne avec cette seule idée en tête, pré- server des vies. Quitte, ces deux dernières semaines, à ne faire pipi qu’une fois en douze heures de garde et à avaler son déjeuner en mi- lieu d’après-midi. Des repas qui ont toutefois pris une sa- veur inédite. Voilà plusieurs jours que la « réa » reçoit mi- di et soir des pizzas, des tarti- flettes, des mousses au cho- colat, offertes par des commerçants du quartier. « Un patient est à peine plus âgé que moi... » D’aussi loin qu’elle s’en sou- vienne, Aurélie a toujours voulu être infirmière. Peut- être parce que petite, elle voyait sa grand-mère aider son papy, un des tout pre- miers dialysés à domicile de France. « Il y avait plein de matériel médical, on jouait avec les paquets de com- presses », raconte-t-elle. En 2015, elle sort diplômée et n’hésite pas une seconde : « J’aime les soins techniques, apprendre tous les jours, la réanimation était évidente pour moi. » Cinq ans plus tard, elle y est toujours – devenue la « vieille » de ce service éprouvant où le turn-over se fait tous les deux à trois ans. « Vous interrogez là une su- per, super-infirmière », nous dit dans un clin d’œil une de ses collègues en quittant l’hôpital. Mais elle aussi, nor- malement affectée à la réani- mation chirurgicale, a dû bousculer ses habitudes. « On s’est formés sur le tas aux nouveaux protocoles, à l’habillage et au déshabillage très minutieux pour ne com- mettre aucune faute d’hygiè- ne », insiste-t-elle. Enfiler lu- nettes de protection, casaque, masque FFP2 et la charlotte sur ses longs cheveux blonds… tout en « drivant », c’est son terme, les petits nouveaux — les « tout bé- bés » — venus en renfort d’une crise sanitaire majeure. « Cette maladie nous dés- tabilise tous, soignants com- pris. Un patient est à peine plus âgé que moi… J’ai peur pour mes proches, pour mes parents. » Alors, le soir, Aurélie confie ses tourments PAR FLORENCE MÉRÉO COMME UN RITUEL, nous les applaudissons tous les soirs à 20 heures. Eux entendent no- tre ferveur. Aurélie, Félix, Mellaz, Alain, Djilali… et les autres dont nous ne connaî- trons jamais les noms alors qu’ils nous maintiennent cha- que jour en bonne santé — et pour certains, en vie. En Fran- ce, deux millions de blouses blanches sont au front pour lutter contre le coronavirus. L’épidémie a déjà touché 22 300 personnes dans l’Hexagone, en a tué 1 100 (dont 240 en vingt-qua- tre heures) dans les hôpitaux, sans compter les morts des maisons de retraite. Pour l’en- rayer, les experts qui con- seillent le gouvernement ont estimé hier que le confine- ment devrait se poursuivre jusqu’au 28 avril. Mais déjà, contre le virus, les médecins, infirmiers, aides- soignants, jeunes ou moins jeunes, se sont mis en ordre de marche, oubliant parfois leur repos et leur repas. « On fait notre devoir », lance modeste- ment Aurélie Calibre, qui exer- ce en réanimation (lire ci-con- t r e ) . A l a i n H a b a b o u , pharmacien (lire en page 4), a, L’ÉDITO PAR... c @jbisaac Rêve de juillet Le 14 juillet 2020, ils sont des milliers à défiler sur les Champs-Elysées. Des infirmiers, des pneumologues, des urgentistes, des virologues, des brancardiers, des médecins de ville, des pharmaciens… En bataillons serrés, sous les vivats de la foule. Sur la plus belle avenue du monde comme dans le plus petit des villages, la France célèbre ses soignants. Ses nouveaux champions. Les vivants comme les morts, tombés au champ d’honneur de la guerre contre le coronavirus. J’ai fait ce rêve. L’épidémie n’était plus qu’un mauvais cauchemar. Notre pays se relevait enfin après des longues semaines de confinement et célébrait ses héros. Vivement juillet… JEAN-BAPTISTE ISAAC lui, quitté quelques semaines le domi- cile familial afin d’assurer sa mis- sion auprès des pa- tients, sans mettre en danger ses proches. « Notre société ne peut se passer d’eux » Saluant le courage des profes- sionnels de santé, « notre so- ciété ne peut se passer d’eux », a dit lundi le ministre de la Santé, Olivier Véran. Alors, bien sûr, un temps viendra où la collectivité devra s’interro- ger. Se demander si elle les a assez écoutés, ces soignants qui, depuis un an, manifes- taient et imploraient plus de moyens, plus de personnels. Mais l’heure est à la gratitu- de. Un agriculteur de Charen- te a creusé dans sa terre un immense « merci les soi- gnants ». Des citoyens ont lancé des cagnottes. Même Jean-Jacques Goldman a bri- sé son légendaire silence pour leur dédier une chanson. « Ils nous donnent du temps, du talent et du cœur », enton- ne-t-il. Et le président de la République, Emmanuel Ma- cron, se rendra aujourd’hui à l’hôpital militaire de campa- gne de Mulhouse (Haut-Rhin) « pour rendre hommage au personnel soignant ». Des moments importants pour eux, et pour nous tous. « Dans cette période surréa- liste, l’altruisme est un facteur de résilience. Ceux qui se tournent vers les autres résis- tent mieux moralement et psychologiquement. Là, on a identifié nos héros, ce sont les soignants », observe le psy- chiatre Michel Lejoyeux, lui aussi mobilisé depuis le début de la crise. Tout comme son confrère Serge Hefez, qui abonde : « Avoir ces moments est primordial. Chaque soir, en applaudissant à nos fenêtres, on se relie les uns les autres, d’abord à l’échelle d’une rue, puis d’une ville, d’un pays et même du monde. On fait corps, collectivement. » Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris (XIIIe). Aurélie, 27 ans, est infirmière en réanimation. Malgré des journées difficiles à traiter des patients en détresse respiratoire, elle se dit fière d’« être utile, de contribuer à la guerre ». Deux millions de soignants sont au front pour sauver des vies alors que la barre des 1 000 décès a été franchie hier. Portraits de héros modestes mais déterminés. CHAPEAU ! â LIRE LA SUITE DE NOS PORTRAITS DE SOIGNANTS EN PAGE 4 twipe_ftp GETTY ISTOCK Le Parisien 3 MERCREDI 25 MARS 2020 3 à son compagnon, puis es- saie de ne pas « se laisser bouffer » par le virus. « Nous aussi on est confinés quand on sort de l’hôpital » « Mais ce n’est pas simple. Nous aussi on est confinés quand on sort de l’hôpital ! On veut montrer l’exemple en uploads/Sante/ 25-03-2020-le-parisien-pdf.pdf
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- Publié le Jui 04, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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