Réanimation (2014) 23:548-557 DOI 10.1007/s13546-014-0915-8 RÉFÉRENTIEL / GUIDE

Réanimation (2014) 23:548-557 DOI 10.1007/s13546-014-0915-8 RÉFÉRENTIEL / GUIDELINES La prise en charge en réanimation du choc cardiogénique (CC) n’a pas fait l’objet, contrairement au choc septique, de recommandations internationales. Parmi les raisons, on peut évoquer la rareté de la pathologie mais aussi le fait que les patients souffrant de CC sont souvent pris en charge par une filière uniquement cardiologique. Il existe une partie « CC » dans les recommandations récentes de l’European Society of Cardiology (ESC) concernant la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë [1]. Néanmoins, ces recom­ mandations sont peu précises pour le réanimateur et par­ fois obsolètes (concernant les vasopresseurs par exemple). L’absence d’approche spécifique des formes graves dans les dernières recommandations internationales sur la prise en charge du CC nous a conduits à élaborer ces recomman­ dations. Il a paru aussi intéressant au jury de se prononcer sur la filière de soins pour ces patients très particuliers en insistant sur la notion d’expertise. Méthodologie Ces recommandations sont le résultat du travail d’un groupe d’experts réunis par la Société de réanimation de langue française (SRLF). Les différentes disciplines contribuant à la prise en charge du CC de l’adulte (réanimation, anesthé­ sie, chirurgie cardiaque, cardiologie, médecine d’urgence) étaient représentées. Dans un premier temps, le comité d’organisation a défini, avec le coordonnateur d’experts, les questions à traiter et a désigné les experts en charge de chacune d’entre elles. L’analyse de la littérature et la for­ mulation des recommandations ont ensuite été conduites avec la méthodologie GRADE (Grade of Recommendation Prise en charge du choc cardiogénique chez l’adulte Management of Cardiogenic Shock in Adults — Guidelines and Expert Panel Reports Recommandations formalisées d’experts B. Levy ∙ O. Bastien ∙ K. Bendjelid ∙ A. Cariou ∙ T. Chouihed ∙ A. Combes ∙ A. Mebazaa ∙ B. Mégarbane ∙ P. Plaisance ∙ A. Ouattara ∙ C. Spaulding ∙ J.-L. Teboul ∙ F. Vanhuyse ∙ T. Boulain ∙ K. Kuteifan Recommandations formalisées d’experts sous l’égide de la Société de réanimation de langue française (SRLF) avec la participation de la Société française d’anesthésie-réanimation (SFAR), de la Société française de cardiologie (SFC), de la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et de la Société française de chirurgie cardiaque et thoracique (SFCTCV) Coordonnateur d’experts : Bruno Lévy (Nancy) Groupe d’experts : Olivier Bastien (Lyon), Karim Bendjelid (Genève), Alain Cariou (Paris), Tahar Chouihed (Nancy), Alain Combes (Paris), Alexandre Mebazaa (Paris), Bruno Mégarbane (Paris), Patrick Plaisance (Paris), Alexandre Ouattara (Bordeaux), Christian Spaulding (Paris), Jean-Louis Teboul (Le Kremlin-Bicêtre), Fabrice Vanhuyse (Nancy) Organisateurs : Thierry Boulain (Orléans), Khaldoun Kuteifan (Mulhouse) Commission des référentiels et de l’évaluation de la SRLF : Jérôme Boué, Thierry Boulain, Olivier Brissaud, Vincent Das, Laure de Saint Blanquat, Laurence Donetti, Khaldoun Kuteifan, Cyrille Mathien, Vincent Peigne, Fabienne Plouvier, Jean-Christophe Richard, David Schnell, Ly Van Vong © SRLF et Springer-Verlag France 2014 B. Levy (*) Groupe Choc Inserm, U1116, faculté de médecine, CHU de Nancy, F-54000 Vandœuvre-lès-Nancy, France Service de réanimation médicale Brabois, pôle cardiovasculaire et réanimation médicale, CHU de Nancy, hopital Brabois, F-57511 Vandœuvre-lès-Nancy, France e-mail : blevy5463@gmail.com Réanimation (2014) 23:548-557 549 Assessment, Development and Evaluation) [2]. Un niveau de preuve devait être défini pour chacune des références bibliographiques en fonction du type de l’étude. Ce niveau de preuve pouvait être réévalué en tenant compte de la qua­ lité méthodologique de l’étude. Les références bibliogra­ phiques communes à chaque critère de jugement étaient alors regroupées. Un niveau global de preuve était déterminé pour chaque critère de jugement en tenant compte des niveaux de preuve de chacune des références bibliographiques, de la cohérence des résultats entre les différentes études, du caractère direct ou non des preuves, de l’analyse de coût. Un niveau global de preuve « fort » permettait de formuler une recommandation « forte » (il faut faire, ne pas faire…). Un niveau global de preuve modéré, faible ou très faible aboutissait à l’écriture d’une recommandation « option­ nelle » (il faut probablement faire ou probablement ne pas faire…). Les propositions de recommandations étaient pré­ sentées et discutées une à une. Le but n’était pas d’aboutir obligatoirement à un avis unique et convergent des experts sur l’ensemble des propositions, mais de dégager les points de concordance et les points de discorde ou d’indécision. Chaque recommandation était alors évaluée par chacun des experts et soumise à leurs cotations individuelles à l’aide d’une échelle allant de 1 (désaccord complet) à 9 (accord complet). La cotation collective était établie selon une méthodologie dérivée de la RAND/UCLA : après élimina­ tion des valeurs extrêmes haute et basse (experts déviants), la médiane et l’intervalle de confiance (IC) des cotations individuelles étaient calculés. La médiane définissait un accord entre les experts lorsqu’elle était comprise entre 7 et 9, un désaccord entre 1 et 3 et une indécision entre 4 et 6. L’accord, le désaccord ou l’indécision étaient dits « forts » si l’ensemble des cotations était situé à l’intérieur d’une des trois zones : (1–3), (4–6) ou (7–9) et « faibles » dans le cas contraire. En l’absence d’accord fort, les recommandations étaient reformulées et, de nouveau, soumises à cotation dans l’objectif d’obtenir un meilleur consensus. Champs 1 : Épidémiologie 1‑ En présence d’un choc cardiogénique, une étiolo­ gie coronarienne doit être systématiquement cherchée. (Accord fort) Plus de 70 % des CC sont liés à un infarctus aigu du myo­ carde (IDM), ST+, avec ou sans complications mécaniques (rupture du septum, de la paroi ventriculaire ou du pilier mitral). Néanmoins, la survenue d’un choc au cours d’un IDM est rare (4,2 à 8,6 % selon les séries) et en décroissance [3]. Un électrocardiogramme (ECG) et un dosage (répété si nécessaire) de troponine plasmatique, et d’un peptide natriurétique doivent être systématiques et une angiogra­ phie coronaire doit être envisagée. Les patients en choc ou avec risque élevé de CC doivent être hospitalisés de préfé­ rence en réanimation. À l’exception des patients mis sous assistance ventriculaire, le CC est associé à une mortalité immédiate d’environ 40 % [4]. Les survivants ont un très bon pronostic avec une très bonne qualité de vie. Champs 2 : Choc cardiogénique de l’infarctus du myocarde 1‑ Les facteurs prédictifs d’évolution vers un choc cardio­ génique en particulier une fréquence cardiaque supérieure à 75/min et des signes d’insuffisance car­ diaque doivent être recherchés chez tout patient présen­ tant un IDM. (Accord fort) Dans deux tiers des cas, le choc n’est pas présent à l’admis­ sion et survient dans les 48 premières heures suivant l’ad­ mission pour IDM [5]. Les facteurs prédictifs de survenue d’un CC d’origine ischémique sont l’âge, une fréquence cardiaque à l’admission de plus de 75/min, un diabète, des antécédents d’IDM, de pontages aortocoronaires, la pré­ sence de signes d’insuffisance cardiaque à l’entrée et la localisation antérieure de la nécrose [6]. 2‑ Il faut faire une coronarographie suivie d’une revas­ cularisation coronaire par angioplastie ou exception­ nellement par pontage aortocoronaire dans les chocs cardio­ géniques secondaires à un IDM quel que soit le délai par rapport au début de la douleur. (Accord fort) L’étude SHOCK menée d’avril 1993 à novembre 1998 dans 30 centres et le registre associé ont évalué les effets de la revascularisation précoce (angioplastie ou chirurgie de pon­ tage effectuées dans les six premières heures), comparés à la stabilisation par traitement médical chez les patients hos­ pitalisés pour CC post‑IDM. Alors qu’à 30 jours la mortalité ne diffère pas significativement dans le groupe revasculari­ sation précoce par rapport au groupe témoin (46,7 vs 56 %) [7], la revascularisation précoce diminue la mortalité à un an (50,3 vs 63,1 %, p = 0,027) [8] et les résultats sont maintenus à six ans [9]. L’étude SHOCK n’a pas montré de bénéfice de la revascularisation chez les patients de plus de 75 ans, mais cette étude de sous‑groupe est limitée par le faible nombre de patients. Des registres suggèrent un bénéfice de la revas­ cularisation chez les patients de plus de 75 ans. En raison de la gravité du pronostic du CC secondaire à un IDM, l’ESC recommande de réaliser une revascula­ risation quel que soit le délai après le début de l’IDM. Ces recommandations suggèrent l’utilisation de la thrombolyse en cas d’impossibilité de réaliser rapidement (dans les deux heures) une angioplastie avec transfert secondaire dans un centre disposant d’un service d’angioplastie coronaire et de chirurgie cardiaque [10]. La réanimation précoronaro­ graphie des CC secondaires à un IDM doit être de type scoop 550 Réanimation (2014) 23:548-557 and run, l’important étant d’amener le patient vivant sur la table de coronarographie sans aucun retard occasionné par une quelconque tentative de stabilisation. 3‑ La prise en charge d’un choc cardiogénique secon­ daire à un IDM ou d’un IDM présentant des facteurs prédictifs d’évolution vers un choc cardiogénique doit être réalisée dans des centres « experts » disposant d’un service de cardiologie interventionnelle, d’une chirurgie cardiaque et de moyens d’assistance cardiaque lourde. À défaut, la prise en charge initiale peut être réalisée dans un centre d’angioplastie coronaire travaillant en réseau avec un centre « expert » afin de planifier un transfert secondaire éventuel après réalisation d’un geste de désocclusion uploads/Sante/ 2014-rfe-choc-cardioge-nique.pdf

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  • Publié le Oct 12, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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