Lambert-Lucas Sciences du langage et neurosciences Actes du colloque 2015 de l’
Lambert-Lucas Sciences du langage et neurosciences Actes du colloque 2015 de l’Association des Sciences du Langage Textes réunis et présentés par Alain Rabatel, Malika Temmar et Jean-Marc Leblanc Ce volume rassemble les contributions du colloque bisannuel de l’Association des Sciences du Langage, Sciences du langage et neurosciences, qui s’était tenu le 21 novembre 2015 à Paris. La linguistique moderne s’est constituée dans une rupture avec les approches naturalistes du langage et ce geste inaugural a été suivi par des manifestations de méfiance durables. Cependant, cette situation a évolué, avec la diversification des sciences du langage et des neurosciences et les évolutions de leurs cadres théoriques et de leurs objets de recherche, grâce aussi à la montée en puissance des techniques de neuro-imagerie-cognitive, depuis la fin du siècle dernier, qui ont permis une meilleure investigation du cerveau et de ses opérations. L’ouvrage propose des contributions qui abordent la caractérisation structurale des langues naturelles, l’identification des processus cognitifs des messages verbaux, la localisation du substrat biologique de la parole et du langage, notamment en ce qui concerne certaines structures syntaxiques et prosodiques, les structures hiérarchiques et musicales ; l’acquisition, les troubles des apprentissages, en lecture et en écriture ; les relations entre SDL, neurosciences et clinique ; enfin, il présente des hypothèses originales sur les relations entre neurosciences et sciences du langage à partir de cadres théoriques énonciatif et énactif. Contributions de Marcela Perrone-Bertolotti et Monica Baciu ; Asaf Bachrach, Alexandre Gramfort, Vincent Michel, Élodie Cauvet, Bertrand Thirion et Christophe Pallier ; Élodie Cauvet, Pierre Pica, Stanislas Dehaene et Christophe Pallier ; Liliane Sprenger-Charolles ; Irène Altarelli ; Cyril Perret et Thierry Olive ; Frédérique Gayraud et Gilles Rode ; Barbara Köpke ; Gabriel Bergounioux ; Laurent Perrin ; Didier Bottineau. Couverture : Paul Klee, Sons anciens, huile sur carton,1925. 240 pages 20 euros ISBN 978-2-35935-191-0 SCIENCES DU LANGAGE ET NEUROSCIENCES Actes du colloque 2015 de l’ASL Association des Sciences du langage Textes réunis et présentés par Alain Rabatel, Malika Temmar et Jean-Marc Leblanc (éds) Ouvrage publié avec le concours de la DGLFLF Délégation générale à la langue française et aux langues de France © Lambert-Lucas, 2016 ISBN 978-2-35935-191-0 Introduction Sciences du langage et neurosciences, une nouvelle donne ? Alain Rabatel Université de Lyon 1, ICAR (Université Lyon 2) Malika Temmar Université d’Amiens et Céditec (Université Paris Est-Créteil) Jean-Marc Leblanc Céditec (Université Paris Est-Créteil) Cet ouvrage rassemble 11 contributions présentées le 21 novembre 2015, à l’université Paris 3, dans le cadre des colloques bisannuels de l’Association des Sciences du Langage 1. Le thème de ce colloque portait sur les relations entre Sciences du langage et Neurosciences. La linguistique moderne s’est résolument constituée dans une rupture avec les approches naturalistes du langage et ce geste inaugural a été suivi par des manifestations de méfiance durables comme le rappellent par exemple les propos suivants : La linguistique du XXe siècle s’intéressait plus souvent aux langues qu’au langage ; il s’agissait de décrire, plutôt que les ressemblances, les différences à forte valeur anecdotique entre langues ; le détermi- nisme culturel semblait plus intéressant à décrire que le déterminisme biologique, souvent nié ; la seule diachronie considérée était de nature historique et non phylogénétique ; le langage était souvent présenté comme un système abstrait, doté de sa logique interne, indépendam- 1. Conformément à ses missions, qui ont notamment pour but de favoriser les contacts entre les différents domaines de recherche ou d’application des sciences du langage et entre les chercheurs qui relèvent de cette discipline, en France et dans d’autres pays, l’ASL organise tous les deux ans un colloque concernant les avancées dans certains sous-champs disciplinaires des SDL ou les relations des SDL avec d’autres disciplines ou activités connexes. Dans un passé récent, l’ASL s’était penchée sur les relations des SDL à d’autres disciplines ou des problématiques sociales : SDL et nouvelles technologies (2009), SDL et demandes sociales (2007), et SDL et Sciences de l’homme (2005), ou encore sur Les SDL en Europe (2011). Sans abandonner ce principe, l’ASL a décidé il y a trois ans qu’un colloque sur deux soit une occasion de revenir sur une interrogation lancée lors du colloque de 2003 (Mais que font donc les linguistes ? Les sciences du langage vingt ans après) en proposant des focales sur de grands domaines de recherche internes au champ. C’est ce qui avait conduit l’ASL à s’interroger, lors de son colloque 2013 – dont les actes ont été publiés en janvier 2015 – sur La sémantique et ses interfaces. 8 SCIENCES DU LANGAGE ET NEUROSCIENCES ment de son usage par des locuteurs ; et surtout, toute hypothèse sur les états cognitifs des locuteurs était à éviter. La révolution cognitive de la fin du siècle n’a que partiellement changé ce tableau. Le langage restait une faculté humaine sans origine biologique et sans fonction. (Dessalles 2016 : 129) On peut ne pas partager la totalité des arguments exposés ici (qui grossissent le trait en postulant une linguistique du XXe siècle bien plus diverse que ce qui en est dit), ni certaines formulations (il serait sans doute plus juste de parler de « déterminations » plutôt que de déterminisme, toutes les dissemblances ne se réduisent pas à des traits anecdotiques) : mais il est vrai que l’auteur reconstruit pour mieux la contester une position dominante qu’il juge réductrice. Retenons pour notre part tout d’abord qu’un courant mainstream diffus a considéré avec réserves, pour ne pas dire plus, les rapports entre le langage – a fortiori entre les langues – et le cerveau, et, plus largement, les relations entre systèmes symboliques et la « question » biologique et par ailleurs que ceux qui regrettent cette situation sont parfois enclins à en durcir les points de conflit. Qu’en est-il vraiment du point de vue de l’histoire de la linguistique ? 1. Bref retour sur des évolutions et des points de convergence Certes, la recherche d’une structure formelle à partir d’unités discrètes a impliqué, historiquement, le refus de l’approche localisationniste. De ce fait, la plupart des branches de la linguistique se sont déve- loppées, pour l’essentiel, en ne s’intéressant guère aux travaux de chercheurs qui travaillent dans la lignée de F. J. Gall ou P. Broca, res- pectivement précurseurs et fondateurs de la neuropsychologie mo- derne, le premier en proposant de distinguer les capacités cognitives du cerveau humain et en les localisant dans différentes zones céré- brales, le deuxième en publiant ses travaux sur l’aphasie. Quelques décennies plus tard, une méfiance envers les travaux de S. Freud est même apparue. Depuis la fin du siècle dernier, la donne a pourtant changé, notam- ment avec la montée en puissance des techniques de neuroimagerie- cognitive, tomographie par émission de positons (TEP), imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF), magnéto-électro-encé- phalographie (MEEG). L’idée fondamentale, selon laquelle le cerveau au travail dégage plus d’énergie 2 que lorsqu’il est au repos, permet 2. Dépense qui, de surcroît, augmente à proportion de la complexité de la tâche (Dehaene 2006 : 19). Par exemple le traitement des digraphes ou polygraphes con- somme plus de temps et d’énergie que celui de l’écriture phonologique, ce qui confirme les hypothèses de Martinet sur la réforme de l’orthographe... INTRODUCTION 9 désormais d’observer l’activité cérébrale en millisecondes, de pro- duire un maillage du cortex en millimètres. Ces progrès aboutissent à une meilleure cartographie de l’activité cérébrale, sur la base d’expérimentations toujours plus précises, « l’imagerie cérébrale fourni[ssan]t le plus aiguisé des scalpels » (Dehaene 2006 : 25) et permettant de s’affranchir de la nécessité où se trouvait un Dejerine de passer par l’étape de l’autopsie pour vérifier ses hypothèses, e.g. celles relatives à la cécité verbale pure, sans agraphie 3. Mais bien des questions demeurent pendantes, en dépit de ces avancées. Quelle est la pertinence des cartes cérébrales spatio-temporelles des activités mentales pour la compréhension du langage ou des langues ? Quelle place accorder à la prise en compte du substrat biologique du cerveau, de ses opérations ? Outre les progrès technologiques qui ont permis une meilleure investigation du cerveau et de ses opérations, les positions de dé- fiance 4 ou d’ignorance ont évolué, au fur et à mesure de la diversification des sciences du langage et des neurosciences ainsi que de leurs cadres théoriques et de leurs objets de recherche : c’est ainsi notamment que les neurosciences ont relativisé l’approche locali- sationniste en soulignant la plasticité du cerveau et son aptitude à la vicariance (Berthoz 2013). Certains secteurs de la linguistique se sont depuis longtemps ouverts à ces approches : apprentissage et acquisi- tion des langues, pathologies du langage 5, processus de reconnais- 3. Ce trouble consiste à pouvoir lire les chiffres, faire des calculs, mais à ne pas pouvoir lire les lettres, alors que le patient ne présente pas de trouble de vision. Cela permet à Dejerine, à la fin du XIXe siècle, de montrer que la lecture ne dépend pas que de la seule vision, et qu’une lésion occipito-temporale-ventrale affecte le processus – ce que les recherches ultérieures ont confirmé. 4. Par exemple le refus du structuralisme linguistique de prendre uploads/Science et Technologie/ sciences-du-langage-et-neurosciences.pdf
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- Publié le Dec 09, 2022
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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