1 François Coppens 5 décembre 2007 Initiation à la recherche en éducation et No
1 François Coppens 5 décembre 2007 Initiation à la recherche en éducation et Notions d’épistémologie des disciplines 15h Notes de cours Sans doute faut-il avoir des objectifs modestes pour un cours d’Initiation à la recherche de 15h. Il s’agit avant tout de travailler ensemble cette dynamique particulière qu’est la recherche, en sachant que les étudiants en régendat se destinent à être des enseignants et non pas des chercheurs professionnels. Il n’empêche : un enseignant est aussi un chercheur1, et la capacité à mener une recherche fait bel et bien partie des compétences requises par les multiples facettes de son identité. Pour être limités, les objectifs de ce cours n’en sont pas moins décisifs dans la formation des régents. Ce cours n’est pas là seulement pour aider les étudiants dans le cadre des travaux qu’ils auront à effectuer au cours de leur formation, en particulier le Travail de Fin d’Etudes (TFE). De fait, la réalisation de ce travail sera déjà l’occasion de mettre en œuvre ce que ce cours doit leur apporter : une première acquisition de la capacité à mettre en pratique une démarche de recherche, mais aussi une première conscience de l’attitude que cette dynamique suppose et traduit dans la pratique. Toutefois, l’appropriation des compétences et de l’attitude du chercheur fait aussi partie de la formation de l’enseignant lui-même, tant pour l’exercice pratique de son métier d’enseignant que pour la compréhension de son rôle et de son identité en démocratie libérale2. Il y faut certes de l’inventivité et de la créativité : celles-ci doivent cependant se structurer par une méthode sans laquelle on ne peut distinguer la recherche de la poésie, dans le meilleur des cas, ou de l’idéologie, dans le pire. 1 Cfr Devenir enseignant. Le métier change, la formation aussi (p. 15), brochure publiée par l’AGERS (Administration de l'Enseignement et de la Recherche scientifique), Ministère de la Communauté Française de Belgique, disponible à partir du site de l’Agers www.enseignement.be . 2 Cfr la partie du cours Identité enseignante donnée en troisième année. 2 Les notes présentées ici reprennent le contenu des séances de ce premier quadrimestre 2007-2008. Dans la seconde partie (pages 6 à 19) elles se concentrent sur les premiers moments de la dynamique de la recherche telle qu’elle est présentée dans un ouvrage clair et apprécié : R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, Paris, Dunot, 1995. La recherche en éducation Contexte « Je m’intéresse au problème de la violence dans les classes » ; « Je suis préoccupé par l’obésité et je voudrais voir quel rôle je peux jouer, en tant qu’enseignant, par rapport à cela » ; « J’aime les chevaux, et je suis intéressée par tout ce qui tourne autour de l’hippothérapie » ; « Je pense que l’encouragement est très important en pédagogie » ; «Je comprends le retour d’un discours qui prône l’autorité, mais je trouve cela dangereux » ... Nos centres d’intérêt ou de préoccupation sont nombreux et variés. Ils dessinent un faisceau de curiosités qui dynamisent notre attention (et notre inattention) dans le jeu permanent de nos échanges avec les autres : nos lectures, nos conversations, le regard et l’oreille que nous prêtons (ou ne prêtons pas) à ce qui nous entoure et à ceux qui nous entourent, nos ruminations. Tel est le contexte dans lequel s’inscrit une recherche. Celle-ci est cependant une forme particulière de curiosité ou d’attention, qui requiert une méthode particulière pour se déployer ou se réaliser. Toute attention ou toute curiosité mue par un intérêt n’est pas une recherche au sens propre du mot. La recherche Utilisons un dictionnaire3 pour une première approximation de ce que signifie ce mot : il désigne « l’effort de l’esprit pour trouver » ou « le travail, les travaux faits pour trouver des connaissances nouvelles, pour étudier une question ». Faire une recherche, c’est 3 Ici, le Petit Robert. 3 participer à « l’ensemble des travaux, des activités intellectuelles qui tendent à la découverte de connaissances et de lois nouvelles ». Trois traits ressortent de ces définitions de la recherche : 1°. Il s’agit de découvrir quelque chose, avec ce que cela implique de nouveauté, et pas seulement de répéter quelque chose. Elle désigne, pour le dire autrement, une tension ou une ouverture. 2°. Elle est un travail, avec ce qu’il implique d’effort, de structuration, de continuité. Cette dynamique n’est pas immédiate, elle a une certaine durée, elle demande une résistance ou une capacité à surmonter les difficultés qui font partie inhérente de cette démarche. 3°. Elle vise une connaissance, il s’agit pour elle de connaître ou de savoir. Elle est donc liée à la vérité, elle est soucieuse de distinguer, parmi les représentations que l’on peut produire ou répéter, celles qui répondent aux exigences d’une connaissance. Ajoutons encore que la recherche suppose un travail qui à la fois est personnel et s’inscrit dans une communauté. C’est bien une personne en particulier qui est amenée, pour des raisons qui peuvent être très diverses, à entreprendre une recherche sur un objet déterminé : mais l’attention qu’elle porte à cet objet s’inscrit nécessairement dans une dynamique de dialogue et d’échanges avec d’autres. La recherche en éducation Qu’en est-il, en particulier, de la recherche en éducation ? 1. Elle ne vise pas seulement à savoir ce qu’il en est de l’éducation en posant celle-ci comme objet d’étude (ce qu’est l’éducation, les phénomènes qui relèvent de son domaine, les problèmes qui s’y posent). Elle ne vise pas seulement à connaître cette réalité dans son objectivité, de la manière la plus adéquate possible. D’aucuns considèrent que cette approche « objectiviste » correspond davantage à ce que l’on appelle la « recherche en science(s) de l’éducation » plutôt qu’à la « recherche en éducation » proprement dite4. Celle-ci ne vise pas non plus seulement, à l’inverse, à créer subjectivement quelque chose de nouveau, à produire ou imaginer de manière spontanée et/ou arbitraire. En tant que recherche, elle est mue par une démarche spécifique qui la distingue de toute autre activité, si proche qu’elle en soit. Nous pouvons dire pour résumer qu’elle 4 Voir par exemple les contributions de René BARBIER, de l’Université de Paris VIII, dont la forte orientation existentielle tient à se démarquer d’une conception seulement scientifique de la recherche en éducation. 4 est de l’ordre de l’invention, dans l’ambiguïté propre à ce terme : inventer, c’est tout à la fois découvrir ce qui était déjà là et produire quelque chose de nouveau. 2. Si l’on en croit les discours qui se tiennent en son nom ou à son propos, la recherche en éducation tient à la fois de la science et de l’action sociale : - de la science, par o la rigueur du travail intellectuel d’attention au réel o et de la participation à une pratique discursive commune, - de l’action sociale, par o son lien avec l’éthique - ou son inscription dans un moment et un lieu marqué par des valeurs particulières o la destination pratique des résultats de la recherche. La recherche en éducation n’est donc pas réductible, c’est vrai, à la démarche et l’attitude du savant. Elle peut se décliner en plusieurs attitudes. A titre d’exemple de cette pluralité possible, lisons une proposition de Brent Davis : « En réfléchissant à mes engagements en recherche durant les dernières années, je trouve que j’ai emprunté des attitudes très différentes, voire contradictoires, au fur et à mesure des développements des projets. Pour arriver à donner du sens à ces différentes façons de s’engager, je suis récemment arrivé à décrire mes activités de recherche du point de vue de trois attitudes différentes, mais ayant plusieurs points en commun : l’attitude d’observation, d’interprétation et de participation. En bref : • l’attitude d’observation se caractérise par un accent particulier mis sur l’explicite et sur la recherche d’explications par les acteurs. Elle se rapproche des orientations de recherche classiques des empiristes dans lesquelles les intentions sont de saisir et de caractériser des objets à l’étude dans ce qu’ils ont de manifeste et de non ambigu. Dans ce cas, les distinctions entre les chercheurs et les praticiens (et en conséquence entre la recherche et la pratique) tendent à être accentuées. • l’attitude interprétative est plus de type exploratoire, plus en lien avec l’implicite et l’implication des acteurs dans la recherche. Elle est enracinée dans une conscience du fait que la connaissance qui donne forme aux expériences quotidiennes et rend possibles des interactions chargées d’inférences n’est pas (et ne peut jamais) être explicite. Une telle connaissance est vécue et est en perpétuel déroulement, élaboration ; elle est incarnée, personnifiée et située. Ainsi, il n’est pas nécessairement possible de l’examiner de façon consciente. Dans ce cas, la relation entre les chercheurs et les praticiens est plus une question de travail partagé, bien qu’il soit possible que leurs rôles et leurs intentions continuent d’être clairement différenciés ; • l’attitude participative émerge lors de la prise de conscience d’une certaine complicité dans la recherche et dans le phénomène à l’étude. Elle est caractérisée 5 uploads/Science et Technologie/ initiation-a-la-recherche.pdf
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- Publié le Dec 03, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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