Thomas d’Aquin Somme Théologique. Ia Pars QUESTION 63 : LE MAL DES ANGES QUANT
Thomas d’Aquin Somme Théologique. Ia Pars QUESTION 63 : LE MAL DES ANGES QUANT À LA FAUTE ARTICLE 2 : Quelles sortes de péché peut-il y avoir chez l’ange ? Objections : 1. Il semble que l’ange ne puisse pas pécher seulement par orgueil et par envie. En effet, la délectation prise à propos d’un péché rend coupable de ce péché. Or, au dire de S. Augustin, les démons se délectent dans les obscénités des péchés charnels. Il peut donc y avoir dans les démons des péchés de la chair. 2. Aussi bien que l’orgueil et l’envie, l’acédie, l’avarice et la colère sont des péchés spirituels qui relèvent de l’esprit, comme les péchés charnels relèvent de la chair. Les anges ont donc pu les commettre. 3. Selon S. Grégoire, la plupart des vices naissent de l’orgueil et de l’envie. Or, une fois la cause posée, l’effet s’ensuit. Donc si les anges ont connu l’orgueil et l’envie, ils ont possédé aussi les autres vices. En sens contraire, S. Augustin écrit que « le démon n’est ni fornicateur, ni ivrogne, ni rien de semblable ; il est cependant orgueilleux et envieux ». Réponse : Un péché peut se trouver chez un individu de deux manières : sous forme de culpabilité et sous forme d’attachement. Selon la culpabilité, il arrive que tous les péchés existent chez les démons, car, en portant les hommes à les commettre, ils encourent la culpabilité. Selon l’attachement, seuls les péchés qui ont rapport à la nature spirituelle se trouvent chez les anges. Une nature spirituelle, en effet, ne s’attache pas aux biens proprement corporels, mais aux biens qui peuvent se trouver dans les réalités spirituelles ; car on ne désire que ce qui peut convenir de quelque manière à sa propre nature. Or, il n’y a péché à s’attacher aux biens spirituels que si on le fait sans tenir compte de la règle établie par le supérieur. Et c’est un péché d’orgueil de ne pas se soumettre à son supérieur lorsqu’on le doit. C’est pourquoi le premier péché de l’ange ne peut être qu’un péché d’orgueil. Mais, par voie de conséquence, il a pu y avoir chez lui un péché d’envie. Le même motif, en effet, qui porte l’affectivité à désirer quelque chose, lui fait aussi repousser tout ce qui s’y oppose. Or l’envieux se désole du bien d’autrui parce qu’il y voit un obstacle à son propre bien ; c’est ce qui arrive à l’ange mauvais qui, désirant une excellence singulière, voit cette singularité lui échapper du fait de l’excellence d’un autre. C’est pourquoi, après son péché d’orgueil, l’ange éprouve le péché d’envie, parce qu’il se désole du bien de l’homme ; il en veut même à l’excellence divine, car Dieu utilise ce bien à sa gloire et contrarie ainsi la volonté du diable. Solutions : 1. Les démons ne se plaisent pas aux obscénités des péchés de la chair, comme s’ils étaient attirés par les délectations charnelles. La joie qu’ils éprouvent des péchés des hommes, quels que soient ces péchés, procèdent de l’envie, car ces péchés sont un obstacle au bien de l’homme. 2. L’avarice, comme tout péché spécial, est un appétit immodéré des biens corporels qu’utilise la vie humaine, et de tout ce qui peut être estimé à prix d’argent. Les démons ne sont pas affectionnés à ces biens, pas plus qu’aux plaisirs de la chair. C’est pourquoi l’avarice, au sens propre, n’existe pas chez eux. Mais on peut entendre par avarice tout désir immodéré du bien créé, et en ce sens l’avarice fait partie de l’orgueil qui se trouve chez les démons. Quant à la colère qui suppose une passion, comme la concupiscence, elle ne trouve place chez les démons que par métaphore. L’acédie est une certaine tristesse qui rend l’homme paresseux dans les activités spirituelles, en raison d’une certaine langueur physique ; or cette dernière ne convient pas aux démons. En définitive, il apparaît clairement que seuls l’orgueil et l’envie sont des péchés purement spirituels et peuvent exister chez les démons. Encore est-il que l’envie ne doit pas être considérée comme une passion sensible, mais comme une volonté qui refuse le bien d’autrui. 3. Dans l’envie et l’orgueil, tels que nous les plaçons chez les démons, sont inclus tous les péchés qui en dérivent. Somme Théologique. IIa Pars QUESTION 35 : LA DOULEUR OU TRISTESSE EN ELLE-MÊME ARTICLE 8 : Les espèces de tristesse Objections : 1. Il semble que S. Jean Damascène énumère maladroitement quatre espèces de tristesse : l’acédie, l’accablement (ou anxiété, d’après S. Grégoire de Nysse), la miséricorde et l’envie. En effet, la tristesse est opposée au plaisir, et pourtant on ne distingue pas d’espèces dans le plaisir. Donc il n’y a pas à attribuer des espèces à la tristesse. 2. Le regret est une espèce de tristesse, et de même, l’indignation et la jalousie, dit Aristote. Or elles ne figurent pas dans les espèces en question ; cette division n’est donc pas complète. 3. Toute division doit se faire par termes opposés. Or ces quatre espèces ne sont pas opposées l’une à l’autre. D’après S. Grégoire en effet « l’acédie est une tristesse qui coupe la parole ; l’anxiété, une tristesse qui appesantit ; l’envie, une tristesse du bien d’autrui ; la miséricorde, une tristesse du mal d’autrui ». Or il arrive qu’on s’attriste et du mal et du bien d’autrui, et qu’en même temps on se sente le cœur lourd, et que la voix vous manque. Cette division n’est donc pas appropriée. En sens contraire, elle a pour elle deux autorités, celle de S. Grégoire de Nysse et celle de S. Jean Damascène. Réponse : La raison d’espèce se réalise par addition au genre. Or on peut ajouter au genre de deux manières. D’abord, en ajoutant ce qui, de soi, lui appartient et est contenu virtuellement en lui : c’est ainsi qu’on ajoute raisonnable à animal. Une telle addition constitue les véritables espèces d’un genre, comme on le voit dans la Métaphysique d’Aristote. – On peut encore ajouter au genre quelque chose d’étranger à son essence : comme si, à animal, on ajoutait blanc ou quelque chose de semblable. Une telle addition ne forme pas de véritables espèces de genre au sens où l’on parle couramment de genre et d’espèce. Parfois cependant une chose est appelée espèce d’un genre en ce sens qu’elle contient un élément étranger à quoi l’on applique la notion de genre ; ainsi le charbon et la flamme sont appelés des espèces de feu par application de la nature du feu à une matière étrangère. Selon la même manière de parler, l’astronomie et la science de la perspective sont dites des espèces de mathématique, en ce sens que les principes mathématiques y sont appliqués à une matière d’ordre physique. C’est selon cette manière de parler que sont distribuées ici les espèces de tristesse, par application de la raison de tristesse à un élément extrinsèque. Celui-ci peut se prendre du côté de la cause, de l’objet, ou du côté de l’effet. L’objet propre de la tristesse est le mal personnel du sujet. De sorte que l’objet extrinsèque de la tristesse peut être pris selon l’un de ces deux termes seulement : c’est un mal, mais non le mal du sujet ; et nous avons ainsi la miséricorde, qui est la tristesse du mal d’autrui, considéré cependant comme un mal personnel. – Ou bien, selon les deux termes, si la tristesse ne porte pas sur le mal du sujet, ni même sur le mal, mais sur le bien d’autrui, tenu cependant pour le propre mal du sujet : à ce titre nous avons l’envie. – L’effet propre de la tristesse consiste en ce que l’appétit est poussé à fuir. Aussi l’élément étranger par rapport à l’effet de la tristesse pourra alors être pris quant à l’un des termes seulement, en ce sens que la fuite devient impossible : et nous aurons l’anxiété qui appesantit tellement l’âme qu’elle ne voit plus où fuir, aussi bien l’appelle-t-on d’un autre nom : l’angoisse. Si cet appesantissement va jusqu’à paralyser les membres extérieurs et les empêcher d’agir – ce qui constitue l’acédie – l’élément extrinsèque se vérifiera par rapport aux deux termes, car il n’y aura de fuite ni en réalité ni en désir. On parle spécialement de la suppression de la voix dans l’acédie, parce que la voix, plus que tous les mouvements extérieurs, exprime la pensée et les sentiments, non seulement chez les hommes, mais aussi chez les animaux, comme il est dit dans la Politique. Solutions : 1. Le plaisir a pour cause le bien, qui ne se dit que d’une seule manière. C’est pourquoi il n’y a pas d’espèces de plaisir, comme il y en a pour la tristesse, car celle-ci est causée par le mal qui « se produit de multiple manières », selon le mot de Denys. 2. Le regret porte sur le mal personnel du sujet, qui est, de soi, l’objet de la tristesse. Elle n’appartient donc pas aux espèces considérées. – Quant uploads/Religion/ thomas-d-x27-aquin-acedie.pdf
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- Publié le Mar 13, 2022
- Catégorie Religion
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