Marion Duvauchel Alternativephilolettres 1 Voir sur le site « spécial prof » :
Marion Duvauchel Alternativephilolettres 1 Voir sur le site « spécial prof » : le texte fait partie d’une annale Notion : la science et la religion Bertrand RUSSEL, Science et religion (1872-1970) Russell est considéré comme l'un des plus importants philosophes du XXe siècle. Avec Frege, il est l'un des fondateurs de la logique contemporaine. Scientiste absolu, il soutient l'idée d'une philosophie scientifique et propose d'appliquer l'analyse logique aux problèmes traditionnels, tels que l'analyse de l'esprit, de la matière (problème corps-esprit), de la connaissance, ou encore de l'existence du monde extérieur. Père de la philosophie analytique, l’un des plus formidables instruments de l’antichristianisme moderne. Le texte suivant est un concentré du programme de Russell : discréditer la religion et lui ôter toute valeur de connaissance. Elle n’est plus désormais qu’une certaine subjectivité, tout à fait tolérable, un « état d’esprit », que l’on admet avec un certain dédain. Russell se reconnaît dans cette lignée de libres penseurs qui ont contribué à la libération de l’esprit religieux, sans lequel il n’y a aucune sagesse véritable. La conclusion est claire : la religion est un obscurantisme qui génère une attitude de crainte devant la science, dont il convient de se libérer pour accéder à la sagesse véritable. Il existe un aspect de la vie religieuse, le plus précieux peut-être, qui est indépendant des découvertes de la science et qui pourra survivre quelles que soient nos convictions futures au sujet de la nature de l’univers. La religion a été liée dans le passé, non seulement aux credos et aux Eglises, mais à la vie personnelle de ceux qui ressentaient son importance (…) L’homme qui ressent profondément les problèmes de la destinée humaine, le désir de diminuer les souffrances de l’humanité, et l’espoir que l’avenir réalisera de meilleurs possibilités de notre espèce, passe aujourd’hui pour avoir une « tournure d’esprit religieuse », même s’il n’admet qu’une faible partie du christianisme traditionnel. Dans la mesure où la religion consiste en un état d’esprit, et non en un ensemble de croyances, la science ne peut l’atteindrel . Peut-être le déclin des dogmes rend t-il temporairement plus difficile l’existence d’un tel état d’esprit, tant celui-ci a été intimement lié jusqu’ici aux croyances théologiques. Mais il n’y a aucune raison pour que cette difficulté soit éternelle : en fait, bien des libres penseurs ont montré par leur vie, que cet état d’esprit n’est pas forcément lié à un credo. Aucun mérite réel ne peut être indissolublement lié à des croyances sans fondement ; et, si les croyances théologiques sont sans fondement, elles ne peuvent être nécessaires à la conservation de ce qu’il y a de bon dans l’état d’esprit religieux . Etre d’un autre avis, c’est être rempli de crainte au sujet de ce que nous pouvons découvrir, craintes qui gêneront nos tentatives pour comprendre le monde ; or, c’est seulement dans la mesure où nous parvenons à le comprendre que la véritable sagesse devient possible. Marion Duvauchel! 21/9/y 11:52 Commentaire [1]: C’est très généreux de la part du Comte Russell. Il autorise la religion à continuer d’exister sous une certaine forme.. Marion Duvauchel! 21/9/y 17:46 Commentaire [2]: Vous comprenez que c’est là-‐dessus que va insister le scientisme. La vie personnelle, c’est très bien, ça ne mange pas de pain, ça ne gêne personne, c’est du ressenti. Tout à fait noble même parfois. Mais on peut objecter qu’il n’est nul besoin d’être religieux pour ressentir les aspects de la destinée (Homère et les Grecs le ressentaient déjà). La charge est contre le christianisme. Marion Duvauchel! 21/9/y 17:46 Commentaire [3]: Ce qui signifie que seuls des incroyants peuvent être des scientifiques. Marion Duvauchel! 21/9/y 18:34 Commentaire [4]: Les croyances disparaîtront donc un jour, il ne restera que la tournure religieuse, qui d’ailleurs, même si ce n’est pas dit, finira bien aussi par disparaître pour que tous puissent entrer enfin dans la vision béatifique de la science pure. Marion Duvauchel! 21/9/y 17:50 Commentaire [5]: La seule sagesse possible et véritable est celle du scientifique. Marion Duvauchel Alternativephilolettres 2 EXPLIQUER LE TEXTE L’auteur appartient au courant scientiste et c’est le credo d’un scientiste. La religion (en l’occurrence le christianisme) est constituée de deux éléments : les croyances – ce que la théologie appelle les « dogmes » - et une sorte de capacité à la vie intérieure : la capacité de ressentir la question de la destinée humaine, la souffrance, et l’espérance que l’avenir réalisera de meilleurs possibilités pour notre espèce. Il convient de souligner que cette dernière dimension de l’esprit religieux appartient essentiellement aux scientifiques : leur credo est précisément la capacité pour notre espèce de réaliser tout les possibles. En particulier, dans le domaine de la médecine et des technologies du vivant. Mais comme Russell est un logicien, il est probable que cela lui échappe. S’il parle de la nature, c’est sans doute qu’il a à l’esprit le problème de Galilée et l’attitude de l’Eglise en face de la conception nouvelle de la nature qu’il ouvrait. Cet état d’esprit religieux ainsi caractérisé n’appartient pas aux seuls esprits religieux selon Russell. Les libres penseurs aussi ont été soucieux des destinées humaines et de la souffrance de l’humanité. Cela signifie que cet état d’esprit religieux est en réalité un état d’esprit universellement partagé. Lorsque la religion aura été libérée des dogmes et qu’il ne restera plus que quelques esprits soucieux du destin de l’humanité, il leur suffira de basculer dans le camp scientiste. Car le jugement de Russel est sans appel : « aucun mérite réel ne peut être indissolublement lié à des croyances sans fondement » , autrement dit des croyances religieuses. La religion est pour lui « l’asile d’ignorance » que fustigeait avant lui Spinoza. Et si les croyances théologiques sont sans fondement, elles sont inutiles pour conserver ce qu’il y a de bon dans l’état d’esprit religieux (la sensibilité au destin, à la souffrance et l’espérance d’un accomplissement terrestre pour l’humanité). C’est l’expression d’un mépris profond pour deux choses : l’histoire des religions (et même la « science des religions ») et ce qu’on appelle la théologie, autrement dit la connaissance des choses divines. La définition de la religion de Russell exclut d’ailleurs la question de Dieu. Et pour cause, car si elle admettait que la religion a pour « objet » autre chose qu’un certain ressenti pour la destinée humaine, elle ne pourrait plus parler de croyances obscures : il lui faudrait admettre la pertinence d’un savoir sur ce qu’on appelle Dieu, et tout ce qui accompagne : le sacrifice, les religions dans l’histoire des hommes, leur apparition, leur développement etc… Ce qui est bon de l’esprit religieux pourra survivre indépendamment de l’état du savoir sur la nature en particulier. Voilà qui est aimable. En disqualifiant ainsi radicalement les dogmes et en les ramenant à des croyances sans fondement, il peut disqualifier l’esprit religieux ou l’étendre à d’autres que ceux qu’à la sphère des croyants. Il s’agit de fonder la seule sagesse possible, une sagesse laïque, athée, détachée de tout socle religieux. Désormais, les seuls sages sont les scientifiques… des sages qui ont pour Tout a été fait selon nombre, poids et mesure Marion Duvauchel Alternativephilolettres 3 religion la science. En désolidarisant les deux aspects qui constituent pour Russel le fait religieux, il peut asseoir son argumentation qui consiste à dire : il y a d’un côté des croyances sans fondement, de l’autre un certain état d’esprit tout à fait respectable. Mais si les croyances sont sans fondement, elles ne sont pas utiles et il suffit de garder l’état d’esprit religieux, qui a été partagé par ces gens respectables que sont les libres penseurs. Mais la charge la plus lourde est dans les dernières lignes : la crainte liée à l’obscurantisme religieux empêcherait les scientifiques de découvrir le monde. Autrement dit la religion est un obstacle à la science. Car les vrais sages sont les scientifiques, la seule sagesse valable est dans la science. Il faut donc libérer les hommes de toute religion. C’est très clairement un texte d’une franche hostilité envers la religion chrétienne et à la toute religion en général, même si apparemment il semble admettre qu’on puisse garder l’esprit religieux. Ce n’est qu’une feinte. Libre pensée est une expression attribuée à Victor Hugo dans un discours de 1850. Cela désignant, dans l'idéal, un mode de pensée et d'action qui ne se réfère pas à des postulats religieux, philosophiques, idéologiques ou politiques, mais se fie principalement aux propres expériences existentielles du libre-penseur, à la logique et à la raison (rationalisme, empirisme pour se faire une opinion, doute pour éviter tout dogme). Les divergences sur les moyens à employer pour parvenir à plus de justice ont mené à des scissions entre les athées, les agnostiques ou déistes, les libertaires, léninistes ou autres. Bertrand Russell se situe dans la lignée des libres penseurs athées. Nota bene : le texte de Russell traduit une profonde ignorance de l’histoire, de l’histoire des idées et de celle des religions ; il reflète un mépris profond pour un pan entier de uploads/Religion/ russel-science-et-religion-1-1.pdf
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- Publié le Jan 11, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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