Marie-France Auzépy Les Vies d'Auxence et le monachisme «Auxentien» In: Revue d

Marie-France Auzépy Les Vies d'Auxence et le monachisme «Auxentien» In: Revue des études byzantines, tome 53, 1995. pp. 205-235. Résumé REB 53 1995 France p. 205-235 Marie-France Auzépy, Les Vies d'Auxence et le monachisme « Auxentien». — Sur les six Vies d'Auxence, cinq dépendent de BHG 199, intégrée au corpus métaphrastique, mais écrite à la fin du 5e siècle par ou pour le monastère tou Hypatiou de Rufînianes. L'une d'entre elles, BHG 202, inédite, a été écrite, probablement au 11'' siècle, par une moniale du monastère de femmes des Trichinaréai, fondé par Auxence sur le mont qui porte son nom. Auxence peut être identifié avec l'Auxence dont parle Sozomène, de tradition macédonienne et ami des spoudaioi. Le monachisme qu'il a mis en place sur le mont Skopa (= Auxence) après le concile de Chalcédoine porte la marque de son origine. Citer ce document / Cite this document : Auzépy Marie-France. Les Vies d'Auxence et le monachisme «Auxentien». In: Revue des études byzantines, tome 53, 1995. pp. 205-235. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1995_num_53_1_1905 LES VIES D'AUX EN CE ET LE MONACHISME «AUXENTIEN» Marie-France AUZÉPY Auxence est un saint homme qui a suffisamment marqué son époque, le 5e siècle, pour que son nom ait servi à dénommer la mon tagne la plus proche de Constantinople sur la rive asiatique1, où il s'était installé sur la fin de sa vie. C'est un honneur rare : les mon tagnes où se constituèrent, plus tard, des ensembles de monastères, gardèrent leur nom et ne prirent pas celui du saint homme qui y établit la vie monastique. Après la mort d'Auxence, le mont Skopa devenu mont Saint-Auxence continua sa carrière monastique et joua le rôle de sainte montagne proche de la capitale jusqu'à la conquête turque2. Pargoire a, en son temps, consacré une excellente monog raphie au Mont Saint-Auxence : il ne s'agit pas ici de la reprendre, mais plutôt de s'intéresser, plus qu'il ne l'a fait, au personnage d'Auxence et au type de monachisme qu'il a établi sur le mont. La renommée d'Auxence se mesure aussi au nombre de Vies qui lui furent consacrées, pas moins de six. Démêler leurs relations, distin guer quels furent leurs auteurs et établir une date, même approximat ive, pour chacune d'elles, est le premier objectif de cet article. Ceci fait, il est plus facile de distinguer les traits du personnage et de voir comment, au cours des siècles, les différents hagiographes les ont fait évoluer. 1 . Le mont Skopa fut appelé, après qu'Auxence y ait vécu et fondé un monastère de femmes, le Mont Saint-Auxence : c'est, l'actuel Kaigdag, situé à une dizaine de kil omètres de Chalcédoine ; la bibliographie est rassemblée par R. Janin, Les Églises et les Monastères des grands centres byzantins, Paris 1975 (désormais abrégé Janin, Égl. et Mon. II), p. 43-44. Description des restes archéologiques du Mont Auxence par un visiteur du siècle dernier : I. P. Miliopoulos, Βουνός Αυξεντίου - Τουφινιαναί, BZ 9, 1900. p. 63-71. 2. Historique rapide dans Janin. Égl. et Mon. II, p. 44-45. Étude complète d'Auxence à la conquête turque dans J. Pargoire. Mont Saint-Anxence (Bibliothèque Hagiographique Orientale 6). Paris 1904 (désormais abrégé Pargoire. Mont). Revue des Études Byzantines 53. 1995, p. 205-235. 206 MARIE-FRANCE AUZÉPY Les Vies d'Auxence (14 février) La comparaison entre les différentes Vies d'Auxence suppose leur contenu connu. Nous proposons donc un résumé d'une des Vies d'Auxence. Nous avons choisi la Vie métaphrastique éditée dans la Patrologie (BHG 199) 3, parce qu'elle est le plus ancien texte hagio graphique consacré à Auxence. Auxence, qui venait de Syrie, arrive dans la capitale sous Théodose et est enrôlé dans la quatrième Schole ; sa piété égale sa vaillance : il assiste assidûment aux pannychies, il fréquente un anachorète, Jean, reclus à l'Hebdomon, et des hommes pieux comme Marcien, économe de la Grande Église ; il fait quelques miracles urbains (le riche men diant et le voleur, par exemple). Il quitte la vie militaire et s'établit comme ermite sur le mont Oxeia, à 10 milles de Chalcédoine : pour premier miracle, il rend la vue à une femme aveugle ; il reste au moins dix ans sur le mont Oxeia et se spécialise dans la guérison de possédés, de femmes surtout, quand l'empereur Marcien convoque le concile de Chalcédoine. Il convoque également Auxence, qui, par humilité, refuse de se déplacer. L'empereur envoie alors une assemblée choisie de moines et de clercs, accompagnés de soldats, avec ordre de le ramener. Auxence refuse à nouveau d'obtempérer, ce qui fait penser à ces gens qu'il est du parti des hérétiques et les convainc d'employer la force. Les ouvriers réquisitionnés ne peuvent ouvrir le kloubos de l'ascète tant qu'Auxence n'a pas fait une déclaration de foi, suivie d'un signe de croix et de trois «Béni soit le Seigneur». On le met dans une charrette, parce que son ascèse l'a rendu si faible qu'il ne peut marcher4. À nouveau, la charrette, clouée au sol, ne peut démarrer que lors- qu'Auxence a signé les bêtes avec la croix qu'il a d'habitude à la main. En chemin, il guérit une série de possédé(e)s, dont l'un au vil lage de Sigides ; au martyrium de saint Thalélaios, les soldats forcent les pauvres qui l'accompagnaient à déguerpir; il est finalement enfermé dans le monastère έν τη Φί,λίω, où se trouve une église du Prodrome. Il y fait un certain nombre de miracles, étonne tant les moines par son ascèse qu'ils n'y croient pas et qu'un miracle doit les convaincre; il reçoit les visites des habitués du mont Oxeia, notam ment celle du stratélate Constantin et du comte Artabios : il refuse l'or qu'ils lui ont apporté et le fait distribuer aux pauvres du mont Oxeia au grand dépit des moines du monastère ; après quoi il est transféré au monastère tou Hypatiou à Rufinianes. 3. PG 114, 1377-1436; appelée dans cet article : Vie Aux. 1. 4. À cette occasion, un dévot, Théophile, arrache à l'ascète, qui paraît insensible, un ongle de pied, ce qui entraîne de sa part une vive réaction (Vie Aux. 1, § 25, 1397 D). LES V I ES lï Al IXEN CE 207 Là, les foules des environs et de la capitale viennent le voir et se faire guérir par lui. L'empereur envoie par deux fois un drômon le chercher et a avec lui deux entrevues, la première ayant lieu à l'Heb- domon ; à la seconde, Auxence consent enfin à faire une déclaration de foi qui rassure l'empereur; celui-ci l'emmène à Sainte-Sophie, répète ses paroles au patriarche et lui fait lire les décisions du concile. Ensuite, Auxence quitte le monastère tou Hypatiou et se retire sur le mont Skopa, plus proche de Rufinianes que le mont Oxeia. Beaucoup de gens viennent l'y voir : il les instruit, leur fait chanter des hymnes de sa composition et délivre les énergumènes ; il les nourrit aussi, et des pauvres sont là à demeure, mais il ne fonde pas de monastère, bien que beaucoup veuillent vivre auprès de lui la vie monastique ; à ceux qui insistent, il donne un vêtement de poils et dit : «Va où Dieu te conduira». Il rend la vie à l'un d'eux, Basile, trouvé sans connaissance par des bergers pour avoir été roué de coups par les démons. Il annonce un jour à ceux qui l'entourent que l'étoile de l'Orient, à savoir Syméon Stylite, s'est éteinte : or, c'était le jour même de la mort de Syméon. Une femme, Éleuthéra, qui faisait partie de la mai son de l'impératrice Pulchérie, qui montait souvent sur le mont avec la foule et apportait des reliques à Auxence, voulait à tout prix mener la vie monastique auprès de lui : après avoir longtemps refusé, il cède et l'installe dans un proasteion nommé Γυρήτα à un mille de sa cellule. Elle y étudie les Écritures et est bientôt rejointe par une autre femme, Kosmia. Auxence leur donne un vêtement de poils et, quand elles atteignent le nombre de soixante-dix, il leur fait construire un monast ère et joue pour elles le rôle de père spirituel. Après dix jours de maladie, il meurt un 14 février, sous le règne de l'empereur Léon. Son cadavre est l'enjeu d'âpres contestations entre trois ayants droit, les gens de Voikos de Saint-Zacharie, les moines de tou Hypatiou de Rufinianes et les religieuses du couvent qu'il a fondé. Celles-ci l'emportent et mettent sa dépouille dans l'église du monast ère. Le mnêma d' Auxence fait encore des guérisons «aujourd'hui». Telle est la fort intéressante vie d'Auxence, racontée pas moins de six fois par des hagiographes différents. On s'intéressera maintenant à ces six textes. En voici la liste : — BHG 199 {Vie Aux. 2)5 Vie longue, attribuée au Métaphraste et éditée comme telle dans la Patrologie. — BHG 200 {Vie Aux. 2)* Γ). Cf. n. 3. 6. K. Doi'kakis, Μέγχς Συνχξχρίστής, Athènes 18'JO, Février, p 208 MARIE-FRANCE AUZÉPY Vie brève, éditée par Doukakis dans le Grand Synaxaire. Le texte édité a été copié sur un manuscrit du monastère d'Iviron7. — BHG 201 uploads/Religion/ marie-france-auzepy-les-vies-d-x27-auxence-et-le-monachisme-auxentien-revue-des-etudes-byzantines-tome-53-1995-pp-205-235.pdf

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  • Publié le Apv 16, 2021
  • Catégorie Religion
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