1 LETTRE DE POLYCARPE DE SMYRNE AUX PHILIPPIENS (SC 10BIS) S. Polycarpe, pagano
1 LETTRE DE POLYCARPE DE SMYRNE AUX PHILIPPIENS (SC 10BIS) S. Polycarpe, pagano-chrétien mort martyr entre 155 et 170, nous est principalement connu à travers les lettres d'Ignace d'Antioche, le compte rendu de son martyre, la correspondance et l'Adversus Hæreses (III, 3, 4) de S. Irénée1. Dans une lettre à un certain Florinus conservée par Eusèbe de Césarée, Irénée, pour ramener son correspondant à la foi catholique, lui parle de leurs souvenirs communs auprès de l'évêque Polycarpe ; il note le sens de la Tradition chez celui-ci et sa détestation de l'hérésie : Je t'ai vu, quand j'étais encore enfant, dans l'Asie inférieure, auprès de Polycarpe ; tu avais une situation à la cour impériale et tu cherchais à te faire bien voir de lui. Car j'ai meilleur souvenir de ces jours d'autrefois que des événements récents. Ce que l'on a appris dès l'enfance, se développe en même temps que l'âme, en ne faisant qu'un avec elle. Si bien que je puis dire le lieu où s'asseyait pour nous entretenir le bienheureux Polycarpe, ses allées et venues, le caractère de sa vie et l'aspect de son corps, les discours qu'il faisait à la foule et comment il racontait ses relations avec les autres qui avaient vu le Seigneur, et comment il rapportait leurs paroles, et ce qu'il tenait d'eux au sujet du Seigneur, de ses miracles, de son enseignement, en un mot, comment Polycarpe avait reçu la tradition de ceux qui avaient vu de leurs yeux le Verbe de vie, il était dans tout ce qu'il rapportait d'accord avec les Écritures. J'écoutais cela attentivement, par la faveur que Dieu a bien voulu me faire et je le notais non sur du papier, mais en mon cœur et, par la grâce de Dieu, je ne cesse de le ruminer fidèlement. Je puis témoigner devant Dieu que si le bienheureux vieillard, l'homme apostolique, avait entendu quelque chose de pareil [les doctrines gnostiques], il se serait récrié, il aurait bouché ses oreilles, il aurait dit comme à son ordinaire : « Ô Dieu de bonté, pour quels temps m'as- tu réservé, faut-il que je supporte de telles choses », et il aurait fui loin du lieu où, assis ou debout, il aurait entendu de pareils discours. Hist. Eccl. 5, 20, 5-7 Et dans son Adversus Hæreses, Irénée écrit : Non seulement [Polycarpe] fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c'est encore par des apôtres qu'il fut établi, pour l'Asie, comme évêque dans l'Église de Smyrne. Nous-même l'avons vu dans notre prime jeunesse – car il vécut longtemps et c'est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage, il sortit de cette vie. Or il enseigna toujours la doctrine qu'il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l'Église transmet et qui est la seule vraie. C'est ce dont témoignent toutes les Églises d'Asie et ceux qui jusqu'à ce jour ont succédé à Polycarpe, qui était un témoin de la vérité autrement digne de foi et sûr que Valentin, Marcion et tous les autres tenants d'opinions fausses. Venu à Rome sous Anicet, il détourna des hérétiques susdits un grand nombre de personnes et les ramena à l'Église de Dieu, en proclamant qu'il n'avait reçu des apôtres qu'une seule et unique vérité, celle-là même qui était transmise par l'Église. Certains l'ont entendu raconter que Jean, le disciple du Seigneur, étant allé aux bains à Éphèse, aperçut Cérinthe à l'intérieur ; il bondit alors hors des thermes sans s'être baigné, en s'écriant : « Sauvons-nous, de peur que les thermes ne s'écroulent, car à l'intérieur se trouve Cérinthe, l'ennemi de la vérité ! » Et Polycarpe lui-même, à Marcion qui l'abordait un jour et lui disait : « Reconnais-nous », « Je te reconnais, répondit-il, pour le premier-né de Satan ». [...] Il existe aussi une très importante lettre de Polycarpe écrite aux Philippiens, où ceux qui le veulent et qui ont le souci de leur salut peuvent apprendre et le trait distinctif de sa foi, et la prédication de la vérité. AH III, 3, 4 D'après S. Irénée toujours dans son exhortation à Florinus, Polycarpe aurait écrit plusieurs lettres2. Aujourd'hui, il ne nous reste que celle aux Philippiens, qui est très probablement une compilation d'un billet (le § XIII) et d'une lettre. Le billet règle des affaires de correspondance après le passage d'Ignace. La lettre, écrite quelques années plus tard, vise à consoler la 1La Vie de Polycarpe écrite au IVe s. par Pionos n'est quant à elle pas suffisamment fiable. 2« Et par les lettres qu'il envoyait, soit aux Églises voisines pour les affermir, soit à certains frères pour les avertir et les exhorter... » (HE, 5, 20, 7). 2 communauté éprouvée par la défection d'un de ses chefs, Valens (XI). Son texte est fondé sur une tradition grecque de neuf manuscrits, plus une version en latin qui seule en donne l'intégralité (X–XIV)3. Il est tissé de citations du Nouveau Testament, particulièrement des lettres de S. Paul et de la première lettre de S. Pierre. Polycarpe exhorte la communauté de Philippes à demeurer ferme dans la foi en menant une vie sainte et en se gardant des hérésies, notamment du docétisme. Doctrine de la lettre Comme dans la lettre de S. Clément de Rome aux Corinthiens4, il est souligné que les chrétiens sont des pèlerins sur la terre, et ceci dès l'adresse : « Polycarpe et les presbytres qui sont avec lui à l'Église de Dieu qui séjourne comme une étrangère [paroikein] à Philippes ». Parmi eux, les martyrs sont considérés comme « les images de la véritable charité » (I, 1), c'est-à-dire les imitateurs du Christ « qui a accepté pour nos péchés d'aller au-devant de la mort » (I, 2). Les autres sont appelés à faire de même en vivant saintement selon les vertus de foi, d'espérance et de charité (III) et en pratiquant la justice pour parvenir à la résurrection (II) : « Si nous lui sommes agréables en ce temps présent, Il nous donnera en échange le temps à venir, puisqu'il nous a promis de nous ressusciter d'entre les morts, et que, si notre conduite est digne de lui, “nous régnerons nous aussi avec lui” (2 Tm 2, 12), si du moins nous avons la foi » (V, 2). Et Polycarpe de décliner ce qui convient à plusieurs états de vie : les épouses, appelées entre autres « à donner à leurs enfants l'éducation dans la crainte de Dieu » (IV, 2) ; les veuves qui sont « l'autel de Dieu » (IV, 3), c'est-à-dire probablement « en ce sens que les veuves, qui vivent des offrandes des fidèles, sont comme l'autel sur lequel ces offrandes sont présentées à Dieu » et que par elles « monte vers Dieu la prière ininterrompue de l'Église »5 ; les diacres qui sont « les serviteurs de Dieu et du Christ, et non des hommes » (V, 2) ; les jeunes gens exhortés à veiller « avant tout » sur la pureté, et à se soumettre « aux presbytres et aux diacres comme à Dieu et au Christ » (V, 3) ; les vierges qui « doivent vivre avec une conscience sans reproche et pure » (V, 3) ; les presbytres dont la qualité première tient en la miséricorde « envers tous » (VI, 1), que la misère de ceux-ci soit pécuniaire, physique ou spirituelle ; dans leurs jugements, ils doivent aussi se rappeler leur propre misère « sachant que nous sommes tous débiteurs du péché » (VI, 1) et qu'il « nous faudra tous comparaître devant le tribunal du Christ » (VI, 2). Outre du mal moral, les chrétiens doivent se garder du mal doctrinal que représentent les hérésies de « ceux qui portent hypocritement le nom du Seigneur et qui égarent les têtes vides » (VI, 3), notamment les docètes qui nient la chair, les souffrances et la résurrection corporelle du Christ : Quiconque, en effet, ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, est un antéchrist (cf. 1 Jn 4, 2-3), et celui qui ne confesse pas le témoignage de la croix est du diable, et celui qui détourne les dits du Seigneur selon ses propres désirs, et qui nie la résurrection et le jugement, est le premier-né de Satan. VII, 1 Les conseils ici pour éviter de tomber dans les filets du démon et résister à la tentation hérétique sont simples : attachement à la doctrine reçue des Apôtres, prière, jeûne (VII, 2), imitation de la patience du Seigneur et des martyrs (VIII – IX), charité fraternelle (X). Les égarés, tel le presbytre Valens, l'un des chefs de la communauté de Philippes, ne sont pas à rejeter et à regarder « comme des ennemis » tant qu'il leur reste place pour le repentir, mais à secourir « comme des membres souffrants [...] pour sauver [le corps de l'Église] tout entier » ; 3Le chapitre XIII est néanmoins connu en grec uploads/Religion/ lettre-de-polycarpe-de-smyrne-aux-philippiens.pdf
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- Publié le Oct 01, 2022
- Catégorie Religion
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