Les Cahiers d’Orient et d’Occident Lettre bimestrielle n°24 – janvier/février 2
Les Cahiers d’Orient et d’Occident Lettre bimestrielle n°24 – janvier/février 2010 ____________________________________ Orient intérieur Ésotérisme occidental et oriental Romantisme allemand Documents littéraires rares ou inédits Libres destinations Tous droits réservés 2006-2010 Les Cahiers d’Orient et d’Occident Bulletin bimestriel n°24 _____________________________________________________________ 2 DE L’ORIENT INTÉRIEUR LA PRÉSENCE SURNATURELLE DE DIEU DANS LES ÂMES Dieu est donc présent dans la pierre que voici, et lui donne, par son action immédiate, d’être ce qu’elle est : une pierre. Mais Dieu, dans sa bonté infinie, a voulu créer des êtres « à son image et à sa ressemblance », qui, surélevés par la grâce, Lui sont beaucoup plus proches que ces choses inférieures auxquelles Il ne communique que l’être naturel. Dieu est esprit pur. Il a donc intelligence et volonté, et Il a créé à sa ressemblance des êtres qui ont aussi l’intelligence et la volonté, afin qu’Il pût, non seulement être présent en eux comme en toutes choses, mais, – en les élevant à l’ordre surnaturel par la grâce, – se communiquer à eux tel qu’Il est. Ainsi Dieu est présent dans les choses matérielles, et leur donne l’être naturel ; dans les créatures raisonnables, Il a voulu, par une générosité toute gratuite, être présent de telle sorte qu’Il ne leur communiquât pas seulement l’être naturel, mais SON ÊTRE A LUI, qu’Il les divinisât. Dieu n’était pas obligé de se donner ainsi. Mais Il est la Bonté même et le bien cherche à se répandre (« le bien est diffusif de lui-- même »). Dieu est comme un feu qui ne peut se retenir, qui doit se communiquer à tout ce qui est combustible : « Notre Dieu est un feu qui consume » (Deut., IV, 24). Ce feu, Notre-Seigneur est venu le porter sur la terre : « Et le verbe s’est fait chair ». Nous savons pourquoi ! « Je suis venu jeter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu’elle brûle » (Luc, XII, 49). Il a souffert pour nous obtenir la grâce, pour nous rendre susceptibles d’être incendiés par ce feu divin. Nous sommes préparés de la sorte lorsque nous avons écarté tout obstacle à l’action divine. Le plus grand de ces obstacles est le péché : « Si quelqu’un m’aime, il gardera mes commandements, nous viendrons en lui, et nous ferons en lui notre demeure » (Jean, XIV, 23). Notre-Seigneur ne nous a pas seulement mis en communication avec la vie du Père, mais Il a voulu rester parmi nous, dans la sainte Eucharistie, pour augmenter par la sainte Les Cahiers d’Orient et d’Occident Bulletin bimestriel n°24 _____________________________________________________________ 3 Communion cette même vie : « Personne ne vient au Père que par moi » (Jean, XIV, 6). Jésus est la voie, et la voie unique ; vouloir atteindre la vie divine sans Lui, serait présomption et illusion. Plus nous serons nourris de l’amour de sa sainte Humanité, plus nous aurons médité ses exemples, plus aussi la vie divine augmentera en nous : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient plus abondamment » (Jean, X, 10). Par un Chartreux DOCUMENTS D’ORIENT ET D’OCCIDENT DOCUMENTS POUR SERVIR A L’HISTOIRE DES AMIS DE DIEU Après l’édition dans les précédents Cahiers d’un article de Charles Schmidt, « Rulmann Merswin, le fondateur de la Maison de Saint- Jean de Strasbourg », paru dans La Revue d’Alsace, en 1856, nous poursuivons la publication des rares documents consacrés à la vie de Rulman Merswin et de l’Ami de Dieu de l’Oberland avec des extraits de la thèse d’Auguste Jundt, Les Amis de Dieu au quatorzième siècle, Paris, 1879. Ces recherches paraissent anciennes, et leurs auteurs sont parfois revenus sur telle ou telle de leurs affirmations concernant en particulier l’identité de l’Ami de Dieu de l’Oberland, ou sa retraite ; il n’en reste pas moins que s’appuyant sur des documents inédits pour la plupart, ils ont apporté l’un et l’autre à l’étude de Rulman Merswin et de l’Ami de Dieu de l’Oberland à peu près l’essentiel de nos connaissances actuelles. Nous tenons pour notre part à la distinction qu’ils ont soutenue de toutes les manières possibles entre Rulman Merswin et son mystérieux maître – qui fut peut-être aussi le maître de Jean Tauler –, l’Ami de Dieu de l’Oberland, contre ceux qui, parmi les Dominicains entre autres (DENIFLE), ont prétendu que ce dernier était une invention du pieux banquier strasbourgeois. J.M. Les Cahiers d’Orient et d’Occident Bulletin bimestriel n°24 _____________________________________________________________ 4 INTRODUCTION C’est à tort qu’on s’est parfois représenté les amis de Dieu comme ayant formé une secte ou une association religieuse particulière, dirigée par un chef et organisée en vue d’un but déterminé. Ce nom a été donné principalement au quatorzième, souvent encore au quinzième siècle, à tous les hommes qui se sont distingués par leur piété et leur attachement à Dieu, à quelque époque qu’ils aient vécu, tels que Moïse, Élie, les apôtres, les martyrs, les saints et les bienheureux. Il a été employé spécialement par les écrivains mystiques pour désigner les personnes qui ont partagé leurs doctrines et pratiqué leurs préceptes. Dans cette acception plus restreinte, il présente une grande analogie avec l’appellation moderne de piétistes. Le grand courant réaliste, qui sous l’impulsion d’Albert-le-Grand et de Thomas d’Aquin avait traversé l’ordre des Les Cahiers d’Orient et d’Occident Bulletin bimestriel n°24 _____________________________________________________________ 5 dominicains au treizième siècle, s’était transformé en un courant mystique non moins puissant. Eckhart, Tauler, Suso, Nicolas de Strasbourg avaient tiré de la théologie réaliste de leurs devanciers une conception plus profonde et par certains côtés plus vraie de la vie religieuse ; ils avaient entrevu quel degré d’intimité les rapports entre l’âme et Dieu sont susceptibles d’acquérir par l’idée de la parenté originelle et de l’union finale du Créateur et de la créature, et ils s’étaient fait un devoir de répandre parmi le peuple, par leurs doctrines mystiques, les tendances ascétiques et contemplatives, parfois aussi apocalyptiques et quiétistes de leur piété. Ils étaient puissamment secondés dans leur œuvre par les circonstances particulièrement douloureuses dans lesquelles se trouvait la chrétienté depuis le commencement du quatorzième siècle, et qui prédisposaient favorablement les esprits à l’égard de leurs enseignements. Après l’humiliation de la papauté à Anagni, était venue sa « captivité » à Avignon, prélude du grand schisme. Puis, en Allemagne, avait éclaté la guerre civile entre les deux empereurs Louis de Bavière et Frédéric d’Autriche, en attendant que se rouvrît pour celui qui sortirait victorieux de cette lutte la grande querelle du saint-siège et de l’empire, dont l’issue devait être si funeste à la fois aux deux pouvoirs rivaux, et qui devait faire peser pendant tant d’années l’excommunication sur l’empereur et l’interdit sur les populations. La seconde moitié du siècle devait être marquée par des calamités d’un autre genre, par des inondations, des tremblements de terre, notamment celui de l’année 1356, par de fréquentes apparitions de la peste, dont une surtout, celle de l’an 1348, devait laisser, sous le nom de mort noire, un souvenir ineffaçable dans l’esprit des populations. Ces malheurs frappèrent vivement l’imagination des hommes. Plus d’un rentra en lui-même et songea à faire sa paix avec Dieu, non par les moyens ordinaires recommandés par le clergé officiel, mais par une expiation personnelle de ses péchés, témoin les longues bandes de Flagellants qui sillonnèrent alors l’Allemagne et la France. Le terrain était on ne peut mieux préparé pour une diffusion rapide des doctrines mystiques ; aussi voyons-nous s’allumer de tous côtés, dans les monastères et au sein des populations des villes, des foyers nouveaux de vie religieuse. Les réunions pieuses, nous dirions volontiers les conventicules, se multiplient ; partout les prédicateurs mystiques reçoivent l’accueil le plus empressé ; leurs sermons sont notés avec soin et copiés par des disciples enthousiastes ; la piété des laïques se manifeste par de nombreuses fondations charitables. Les associations religieuses ainsi formées se groupent d’ordinaire autour de quelque personnalité marquante, dont l’histoire a Les Cahiers d’Orient et d’Occident Bulletin bimestriel n°24 _____________________________________________________________ 6 conservé le nom. Souvent elles entrent en rapport les unes avec les autres, tout en conservant leur indépendance réciproque. Leurs membres se communiquent des ouvrages religieux, échangent des lettres et quelquefois même des présents. Tous ceux qui ont pris part à ce grand mouvement spirituel ont été appelés par leurs contemporains et se sont appelés eux-mêmes amis de Dieu, d’après le passage Jean XV, 13 à 15, qui leur paraissait exprimer d’une manière frappante l’intimité du rapport dans lequel ils étaient entrés avec le Seigneur depuis qu’ils avaient cessé d’être ses « serviteurs » mercenaires pour devenir ses « amis », depuis que Christ leur avait fait connaître « tout ce qu’il avait entendu de son Père ». LES AMIS DE DIEU DE LA HAUTE ALLEMAGNE Strasbourg a été pendant tout le cours du quatorzième siècle un des principaux centres de la vie mystique. Eckhart déjà, dans les documents qui se rapportent à son séjour dans cette ville pendant les années 1312 à 1317, parle dans un langage d’une haute éloquence des « amis que uploads/Religion/ les-cahiers-d-x27-orient-et-d-x27-occident-24.pdf
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- Publié le Mar 11, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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