LE TRAVAIL LOI DE LA VIE ET DE L'ÉDUCATION FAR LE R. P. F É L I X , De la Compa

LE TRAVAIL LOI DE LA VIE ET DE L'ÉDUCATION FAR LE R. P. F É L I X , De la Compagnie de Jésus, Prédicateur des Conférences de Notre-Dame. -oo- ODATRÏÊME ÉDITION PARIS C. D1LLET, LIBRAIRE Editeur <lu Messager de la Charité; 80, RUE bU BAC, PASSAGE SAINTE-VARIE, 3 1858 Biblio!èque Saint Libère http://www.liberius.net © Bibliothèque Saint Libère 2010. Toute reproduction à but non lucratif est autorisée. LE TRAVAIL PRÉFACE Il n'y a rien, dans l'ordre des choses humaines, de plus nécessaire, de plus décisif et de plus fé- cond que ce que nous désignons par ce mot : le travail. Comprendre et pratiquer, jeune encore, la grande loi du travail, selon le cours ordinaire des choses, c'est décider l'avenir et fixer la destinée; c'est assurer dans ses premiers jours la fécondité de tous ses jours ; c'est ouvrir dans la vie qui com- mence les sources profondes et larges d'où sor- tent les grandes choses, dont l'éclat doit rejaillir sur la vie tout entière. La paresse, au contraire, verse sur l'homme des maux incalculables. Elle blesse son enfance, elle flétrit sa jeunesse, elle brise sa virilité, elle atta- che à toutes ses puissances le déshonneur de la stérilité. C'est que le travail est sur la terre la su- prême fonction de l'homme, et toute sa vie dépend de la manière dont il sait l'accomplir. Et cependant, quand on suit d'un œil attentif le mouvement des choses et l'agitation du monde, rien n'apparaît dans l'humanité moins apprécié et moins compris que le travail. La vie des hommes, 6 enchaînée au travail, se révèle partout comme une fuite du travail; et Ton dirait que Ton ne consent à l'embrasser, que pour mieux arriver à se débar- rasser de lui. L'enfant, incliné à la paresse, éprouve pour le travail une répulsion native. Il s'y soumet au col- lège, mais comme à un joug que la nécessité im- pose à sa jeunesse. Tout au plus il l'accepte comme un âpre instrument destiné à lui ouvrir les portes de la science, qui, elle-même, plus tard, lui ou- vrira l'avenir. Il voit dans le travail une condition de savoir, non un élément d'éducation; il tra- vaille pour devenir savant, non pour devenir un homme; le travail n'est pour lui ni une formation, ni une fonction de la vie. Et souvent, par delà les jours laborieux des épreuves littéraires ou scienti- fiques, le jeune homme entrevoit de longs jours inoccupés, où le rien faire lui apparaît comme un idéal de félicité. Et en ceci Terreur des jeunes gens n'est pas autre que l'erreur des hommes faits. Presque nulle part, même dans l'âge mûr, je ne rencontre le travail ac- compli comme une fonction. On fait du travail un moyen de profit et un ressort de fortune ; où sont ceux qui en font un moyen de perfection et un res- sort de vertu? On travaille pour s'élever, on travaille pour jouir, on ne travaille pas pourdevenir meilleur en faisant son devoir. Pour la très-grande majorité des hommes le travail n'est qu'une préparation de loisir; c'est un eftort pour arriver à ne plus travailler. On se fatigue et on s'agite dix ans, pour se reposer, j'allais dire pour s'ennuyer vingt ans; 7 si bien, que l'agitation et la fatigue humaine n'est qu'une conspiration contre le travail, où le travail se trahit et conspire contre lui-même. Une erreur pratique si universelle, portant sur un point si capital, est un désordre immense; et ce désordre, en se propageant, enfante pour l'in- dividu, la famille et la société, des désastres que Ton ne peut énumérer ici, mais dont le tableau vivant serait, pour l'écrivain qui sonderait cette plaie humaine, le sujet d'un livre aussi utile qu'in- téressant. Nous serions trop heureux si ces quel- ques pages inspiraient à un homme ce généreux dessein, et peut-être un jour la Providence nous donnera-t-elle de l'essayer. Ce sujet, d'ailleurs de sa nature si plein d'un intérêt pratique, prend, des temps où nous sommes, un intérêt actuel etuneutilîtéspéciale. Nous vou- drions vainement nous le dissimuler, nos généra- tions tournent à la mollesse. Un je ne sais quoi, qui est dans l'air qu'on respire, détend les ressorts de l'âme, abaisse les caractères et diminue les hom- mes. Tout le mouvement qui nous emporte tend à supprimer l'effort ; et l'on ne s'aperçoit pas que. supprimer l'effort de l'homme, c'est affaiblir l'é- nergie humaine. Le siècle veut en toutes choses retrancher la difficulté, c'est-à-dire l'essence même du travail ; et le facile partout est devenu popu- laire. Je n'entends parler que de science facile, de littérature facile, de philosophie facile, de mé- thodes et de procédés faciles ! Et tandis qu'em- portée par le vent qui souffle sur cette route du facile, la jeunesse court à sa propre dégradation 8 et va perdant chaque jour sa vigueur et son éner- gie, le sensualisme de son côté, par les séductions du luxe, les charmes du plaisir et les prodiges du confortable, attaque au sein des générations les sources de la force et les puissances de la vie. Aussi, comme on devait s'y attendre, l'éduca- tion toujours plus ou moins pénétrée de l'atmos- phère contemporaine perd de sa vigueur géné- reuse et de son austérité salutaire : amollie au contact du siècle, elle forme des générations qui lui ressemblent. L'enfant, formé au foyer domes- tique à des habitudes énervantes, apporte d'ordi- naire au collège une horreur du travail et une im- puissance à l'effort, qui devient une difficulté pres- qu'insurmontable au façonnement de l'âme, à la trempe du caractère, en un mot, à la formation de l'homme. Des pères et des mères se rencontrent pris de ce mal du temps, qui redoutent pour l'enfance le nerf de la discipline, l'aiguillon du courage et le joug du travail; et cette faiblesse des parents, conspirant avec la mollesse des enfants, suscite à l'éducation des obstacles qui déconcertent quel- quefois, dans les maîtres les plus habiles et les plus dévoués, l'art d'élever des enfants et de for- mer des hommes. Certes, ce mal est grand, plus grand qu'on ne peut dire; car si l'éducation continue de former des générations amollies, celles-ci en formeront d'autres plus amollies encore; et l'on n'ose se de- mander où aboutirait cet énervement progressif de notre race. A ce mal profond il y a un remède : faire de la 9 force, en retrempant la vie dans son véritable élé- ment; or, le véritable élément de notre vie ac- tuelle, c'est le travail. A guérir ce mal, lui seul, sans doute, ne suffit pas, mais sans lui rien ne suffit. Nous voudrions que les pensées qu'on va lire pussent provoquer dans les âmes viriles une réac- tion courageuse contre ces molles tendances qui épuisent la vie, tuent l'éducation et préparent à la société des hommes sans énergie et des femmes sans dévouement. Ce désir de bien faire nous tien- dra lieu du bien dire, et sera notre excuse auprès du lecteur. Prononcées soudainement dans une circonstance particulière, et, si je puis le dire, en famille, ces paroles ne voulaient avoir d'autre écho que ceux de l'étroite enceinte où elles reten- tissaient au cœur de quatre cents jeunes gens en- vironnés de leurs familles. Elles n'ont rien, en effet, qui les autorise à retentir jusqu'au public. Ce discours n'est pas de ceux qui portent dans leur perfection la garantie de ses suffrages; et si l'auteur n'eût consulté que l'idée qu'il s'en fait, il n'eût demandé pour lui qu'un légitime oubli. En le laissant imprimer malgré son imperfection, il a suivi d'autres inspirations et cédé à des conseils mieux autorisés que les siens. Les pères et les mères, dont le cœur intelligent de ce qui est bon à leurs enfants comprend d'instinct ce qui les peut servir, ont pressenti dans la pratique de cet ensei- gnement une garantie pour leur avenir, et ils ont demandé que la parole écrite pût graver dans ces jeunes âmes une conviction réfléchie que le dis- 1. 1 0 cours parlé n'a pas la puissance de produire. A ce désir des parents se joignait celui des maîtres, qui trouvaient dans la parole d'un frère une expres- sion de leur pensée et une voix de leur cœur; et le vœu de l'apostolat répondait au vœu de la pa- ternité. J'ai dû céder à des vœux deux fois chers. C'était aussi, je l'avoue, céder au penchant de mon cœur, incliné à tout ce qui peut faire du bien aux jeunes gens, que j'aime. En parlant à un petit nombre, je songeais à tous, et à ceux-là surtout dont la sympathie me suit et me soutient à Notre- Dame dans un difficile apostolat. Ce discours leur appartient avec tous ceux que Dieu tire de mon cœur tout exprès pour eux. 1 1 leur revient comme une propriété qui veut tourner à leur profit. Puis- sent-ils l'accueillir comme un ami sacré qui vient à eux pour les encourager, les affermir, les con- soler!... Et puisse-t-il lui-même leur être un via- tique fortifiant dans ce rude chemin de la uploads/Religion/ le-travail-r-p-felix.pdf

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  • Publié le Aoû 10, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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