Citations Jacqueline Kelen Ma sélection Consoler, cela signifie, à la manière a

Citations Jacqueline Kelen Ma sélection Consoler, cela signifie, à la manière antique, consolider. Ce n’est pas plaindre l’autre, s’apitoyer, parce que cette attitude le rétrécit, l’enferme dans la tris- tesse et la douleur et le dépossède de sa force d’âme. Consoler quelqu’un revient à lui redonner toute sa confiance, à lui permettre de mobiliser toutes ses ressources afin de traverser l’épreuve et d’en resurgir. Consoler, c’est comme l’indique l’étymologie « aller avec le seul » : ne pas se contenter de belles paroles ni de vœux pieux, mais être présent, payer de sa personne, comme on dit, ce qui est le plus difficile. [. . .] dès qu’on est touché par l’amour, on est délivré de toute psychologie. C’est à la fois un grand risque et une grande grâce. Je pense à ces bien-aimées happées par la mort et chantées : Eurydice, Béatrice, Laure, ou encore l’épouse pour qui fut édifié le Taj Mahal. . . Comme si l’homme ne pouvait célébrer la bienaimée que disparue et non lors- qu’elle vivait à ses côtés. Comme si l’homme ne pouvait aimer qu’à distance et se montrait indifférent ou mal à l’aise avec la femme présente, vivante. Les humains oscillent entre l’amour de compromission (tous ces arrange- ments conjugaux, ces tromperies, ces doubles vies) et l’amour de perdition (tourments et délires passionnels ou sexuels). Ils ne connaissent pas, et sans doute ne désirent pas, l’amour vrai qui, tel l’Esprit, est intransigeant, lu- mineux et salvateur. Au fond, ils n’aiment pas la clarté, ils préfèrent être enchevêtrés dans leurs propres lacis, ils se sentent rassurés dans le labyrinthe qu’ils se sont construit : ils sont à l’abri de la liberté. 1 Le catholicisme ne supporte pas que Jésus ait vécu dans la compagnie d’une femme magnifique, riche, pleine d’amour et follement libre. Ils auraient tellement préféré que Jésus ne fût entouré que de mendiantes, de pécheresses et de lépreuses. Le catholicisme romain a donc réussi ce tour de force, après les rédacteurs des Évangiles et l’apôtre Paul, de ne retenir parmi les femmes qui suivaient Jésus que les courtisanes, les adultères, les possédées ou les obscures. Comme la belle de Magdala résistait et jetait trop de lumière, ils l’ont qualifiée de prostituée, mais repentie, se traînant aux pieds du Sauveur ; et à ce prix ils l’ont déclarée sainte. . . Non seulement c’est insultant pour Marie Madeleine, mais c’est également injurieux à l’égard de Jésus : c’est comme si ce dernier ne s’intéressait, dans un rapport de condescendance, qu’à des faibles et des égarées, comme s’il ne fréquentait jamais de femmes cultivées, fines, loyales et aimantes. Or, c’est le fait d’un esprit pusillanime, non d’un fils de Dieu, de ne frayer qu’avec des individus inférieurs. Lorsqu’un individu est éveillé, il n’a plus de famille nulle part. C’est en ce sens que Jésus parle de « haïr son père et sa mère » et affirme n’avoir nul endroit où reposer sa tête. Aujourd’hui, je ne puis croire, croire sans questionner, que Jésus est le Fils unique de Dieu, comme l’enseigne le dogme chrétien, qu’il est venu sauver l’humanité par son sacrifice et sa mort ignominieuse. Mais de tout mon cœur je l’aime et l’admire et je le révère immensément parce que j’ai entendu sa voix qui indique à l’homme sa liberté insigne. Jésus est un grand éveilleur, comme le fut Socrate, comme le fut Bouddha. Or, un éveilleur n’est pas, ne peut pas être un fondateur de religion. Cela, c’est une invention postérieure, une récupération humaine. Un éveilleur ne requiert ni disciples ni dévots, mais il suscite des amis. Autrement dit, Jésus n’est ni catholique, ni orthodoxe ni protestant, à peine est-il chrétien. Lorsqu’un individu est éveillé, il n’est plus désireux de former un groupe, une communauté, ni de fonder une religion. Mais il n’a de cesse d’éveiller d’autres consciences à leur liberté infinie. 2 Le Château de l’Amour se construit par le toit. Et ses plans sont d’abord tracés dans le Ciel. Tant que les humains n’auront pas compris cela, ils s’in- génieront à édifier des châteaux de sable ou de sinistres pavillons qui les garderont prisonniers toute leur vie. Bâtir le Château de l’Amour n’a rien à voir avec le « projet de couple » que la plupart nourrissent. C’est également très éloigné d’une psychologie amoureuse qui ne se préoccupe que du bien-être humain. Ce peut être une entreprise solitaire (point n’est besoin de rencontrer l’être désiré pour com- mencer) et, par grâce, cela peut s’édifier à deux, à savoir deux cœurs unis. Mais ce qui importe et qui demeure, c’est le Château, invisible et radieux. Il est toutefois permis aux bâtisseurs de laisser discrètement un signe, tel un sourire dans la pierre. Soit l’homme bâtit, soit il s’abêtit. Tu ne peux pas vivre en beauté si tu n’as pas l’amour en ton cœur. Le sens profond et primordial d’une religion ou d’une voie spirituelle consiste à éveiller l’homme à sa dimension éternelle, à le faire naître à une conscience nouvelle, à « naître d’en Haut », comme Jésus le déclare à Nicodème. Mais, dans les faits, la religion maintient ses fidèles sujets sous le joug d’un pouvoir ou d’une Divinité conçue à son image, sous la coupe du clergé, savant parfois, mais rarement éveillé. Dès qu’une religion cesse d’être initiatique, elle perd son cœur, sa saveur, sa raison d’être, elle n’est plus qu’un garde-fou moral et social. 3 L’amour ne vit que d’espace, de liberté, d’ouverture infinie. Ce sur quoi l’homme et la femme devraient méditer, au lieu de se précipiter dans la vie de couple, c’est la juste distance entre présence et absence, autrement dit ce jeu délicieux et indispensable entre ouverture et clôture, conversation et silence, entre être ensemble et se tenir éloigné. La révérence envers l’amour s’exprime par cette distance qui est de confiance, qui est aussi l’aveu que jamais l’amour ne sera capturé, qui consent même à son envol. Il s’agit de réfléchir à la distance que chacun est capable d’offrir à l’amour au lieu de le retenir au bout de sa longe. L’image du cerf-volant ici apparaît. Est-ce que chacun laisse du champ à l’amour ? Ou, mieux, tout le ciel et l’espace en renonçant à tenir la ficelle dans sa main ? Étonnant, ce terme de « rendez-vous », surtout lorsqu’il s’agit d’un rendez- vous amoureux. Est-ce une injonction (le mode impératif), une fatalité à quoi on se soumet avec plaisir, ou déjà une reddition ? C’est un art très difficile de se rendre à un rendezvous sans se rendre, sans vouloir complaire à l’autre. Si on réussit, cela s’appelle une rencontre. . . . la révélation - qui déchire tout assujettissement à une croyance, tout réconfort pieux - est bien celle-ci : au-delà de l’Amour il n’y a rien, aucun dieu ne tient. Quel scandale. Or, c’est le sens profond et ultime de la fin’amor, et on com- prend que les tenants de l’Église officielle, alliés aux puissants du royaume de France, aient combattu avec fureur et sauvagerie les troubadours et la mystique courtoise. La fin’amor n’est pas une religion de l’amour, mais le dépassement, l’abroga- tion de toute religion au nom de l’Amour innommé, lointain. Quel vertige. Le fin amant se retrouve infiniment libre face au ciel, il n’a plus besoin de prières ni d’obéissance, le péché ne signifie plus rien, pas plus que le repentir. Il est happé par l’Amour et cet Amour qui n’admet aucun qualificatif en aucune langue ne supporte pas même le nom de Dieu. 4 L’Amour ne saurait faire allégeance devant quiconque, devant nulle insti- tution ni religion. Quelle leçon ! Trouver sa voie, c’est trouver sa joie. Le désir apparaît comme un problème exclusivement masculin parce que, pour un homme, il est d’abord désir sexuel : il s’agit donc de le maîtriser ou, mieux, de l’annihiler pour pouvoir vaquer aux affaires de Dieu. Une femme ne subit pas la tyrannie du désir sexuel, aussi en est-elle libre et ne le repousse-t-elle pas comme mauvais. Elle est capable de vivre dans le désir sans que son corps en soit affecté ou tourmenté. Pour l’homme le désir est un problème, pour la femme c’est un élan. Aussi les penseurs et théologiens tenteront-ils de trouver une échappatoire dans la réflexion et la sublimation, tandis que les amoureuses et les mystiques ne cessent de célébrer le « désir désiré ». Dans le désir elles se sentent infiniment vivantes, là où les hommes se sentent déjà perdants. Les religions engendrent des « renonçants » (ermites, ascètes, prêtres céli- bataires. . .), mais sur la voie de l’eros il n’y a que des « embrassants », des êtres qui ne se coupent de rien, qui ne méprisent rien, qui voient l’or briller en chaque chose. Pour les premiers la porte est étroite, tandis que pour les seconds la voie est large parce qu’elle coïncide avec la vie entière. La voie est large mais elle n’est pas facile ; précisément en raison de son ampleur, de l’abondance des signes, de la richesse des uploads/Religion/ jacqueline-kelen-citations.pdf

  • 40
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Oct 18, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0959MB