Arthur Schopenhauer Essai sur les apparitions et opuscules divers Parerga et Pa
Arthur Schopenhauer Essai sur les apparitions et opuscules divers Parerga et Paralipomena Traduit par Auguste Dietrich, 1912 Numérisation et mise en page par Guy Heff Otobre 2013 www.schopenhauer.fr TABLE DES MATIÈRES PRÉFACE .................................................................................................................................. 4 ESSAI SUR LES APPARITIONS ET LES FAITS QUI S’Y RATTACHENT ...................... 30 SUR LE BRUIT ET LE VACARME ...................................................................................... 99 ALLÉGORIES, PARABOLES ET FABLES ........................................................................ 103 REMARQUES DE SCHOPENHAUER SUR LUI-MÊME .................................................. 109 4 | E s s a i s u r l e s a p p a r i t i o n s e t o p u s c u l e s d i v e r s PRÉFACE C'est un Schopenhauer assez inattendu, et, on peut le dire, tout nouveau, que nous présentons aujourd’hui au lecteur. L’ « Essai sur les apparitions », qui ouvre le présent volume,— le dernier des Parerga et Paralipomena — témoigne que son auteur, quoique philosophe intégral, ou plutôt pour cette raison même, ne résolvait pas si aisément et d'un cœur léger tous les problèmes que soulève l’existence du monde et de l'homme, toutes les questions qui s’agitent obscurément au fond de l’être, et qu’il se disait, dans son for intérieur, avec Hamlet, qu’ « il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, qu’il n’en est rêvé dans la philosophie ». En prêtant une attention sérieuse aux phénomènes dits psychiques, au lieu de les rejeter a priori, comme dénués jusque-là de base suffisamment scientifique, Schopenhauer a, d’une part, élargi le domaine de la philosophie ; et, d’autre part, grâce à cette étroite porte laissée ouverte sur l’invisible, il a donné en même temps satisfaction aux besoins de beaucoup d’âmes, hantées avec une obsession plus ou moins angoissante par la préoccupation des choses occultes et de l’au-delà terrestre. Ce n’était d'ailleurs pas la première fois que ce thème captivant était l'objet, en Allemagne, d’un examen « philosophique ». Dès 1766, Kant avait publié, sous l’anonymat, un opuscule : Les rêves d’un visionnaire éclaircis par les rêves de la métaphysique (Träume eines Geistersehers, erläutert durch Träume der Metaphysik), dans lequel il admet entre les esprits une loi d'universelle dépendance, analogue à la loi de l’attraction assignée par Newton aux substances matérielles. « Dans les mobiles les plus intimes, dit-il, nous nous trouvons dépendre de la règle de la volonté universelle, et il en résulte, dans le monde de toutes les natures pensantes, une unité morale et une constitution mathématique suivant des lois purement spirituelles. » Il va même jusqu'à affirmer que « le sentiment moral est le sentiment de cette subordination de la volonté particulière à la volonté universelle », la traduction par la conscience individuelle de l'effort commun des esprits vers l'unité morale. Cette affirmation fait ainsi entrevoir, pour l'action morale, la possibilité de se réaliser pleinement dès cette vie dans un univers spirituel, ou nouménal, comme l'aurait nommé plus tard le philosophe : car cette rapide lueur est en quelque sorte la première esquisse de la distinction du « phénomène » et du « noumène », que la Critique de la raison pure ne tardera pas à fonder. Kant, dont l’opuscule a surtout en vue l’illuminisme du fameux Swedenborg, est loin, du reste, d’accorder grande créance aux 5 | E s s a i s u r l e s a p p a r i t i o n s e t o p u s c u l e s d i v e r s élucubrations du théosophe suédois. Il déclare au contraire que les visions de celui-ci ne sont que des images projetées au dehors par un cerveau malade, et il conclut ironiquement qu’un bon purgatif en aurait aisément raison. Il pose toutefois ici des principes qui peuvent aboutir logiquement à l’acceptation de 1’occultisme. « J’avoue, dit-il, que j’incline fort à affirmer dans le monde l’existence de natures immatérielles, et à placer mon âme même dans la classe de ces êtres. » « En conséquence, il faudrait regarder l’âme humaine comme reliée, dès la vie présente, à deux mondes à la fois, mais, de ces deux mondes, dès qu’elle est parvenue à l’unité personnelle, grâce à un corps, elle ne perçoit clairement que le monde matériel » « Il n’y a donc qu’un seul sujet, qui forme un membre du monde visible et invisible à la fois, mais ce n’est pas la même personne, parce que les représentations de l’un de ces mondes, par suite de sa nature différente ne sont aucunement des idées accompagnatrices de celles de 1’autre monde, et, en conséquence, ce que je me représente comme esprit n’est pas reconnu par moi comme être humain, et réciproquement. » Un ouvrage postérieur de Kant, Leçons sur la psychologie, est plus explicite et plus net encore à cet égard. On y trouve ces assertions à tournure scolastique : « La vie consiste dans le commercio de l’âme avec le corps. Le commencement de la vie est le commencement du commercii, la fin de la vie est la fin du commercii. Le commencement du commercii est la naissance, la fin du commercii est la mort. La durée du commercii est la vie. Le commencement de la vie est la naissance ; celle- ci toutefois est non le commencement de la vie de l'âme, mais celui de la vie de l’être humain. La fin de la vie est la mort ; celle-ci toutefois est non la fin de la vie de l’âme, mais la fin de la vie de l’être humain. Naissance, vie et mort ne sont donc que des états de l’âme ». « En conséquence, la substance demeure, quand le corps disparaît, et la substance doit donc avoir existé aussi, quand le corps a pris naissance. » « La vie chez l’homme est double : il y a la vie animale et la vie spirituelle. La vie animale est la vie de l’être humain, comme tel; et ici le corps est nécessaire, pour que l’être humain vive. L’autre vie est la vie spirituelle, dans laquelle l’âme, indépendante du corps, doit continuer a exercer ces mêmes actes de la vie. » Schelling, dont le système de 1’ « identité » n'est guère que le système de Fichte fondu avec celui de Spinoza, se rallia aux vues de Kant en cette matière : l'objet et le sujet, le réel et l'idéal, la nature et l’esprit étant identiques pour lui dans l'absolu, considéré comme créateur du principe idéal, il étendit sa théorie jusqu'à l’étude des forces occultes, qu’il traita 6 | E s s a i s u r l e s a p p a r i t i o n s e t o p u s c u l e s d i v e r s en tout sérieux, mais en tombant bien vite dans le mysticisme. Quoi qu’il en soit, Schopenhauer, devenu pour ce fait même moins sévère à son égard, lui rendit à sa mort, en 1854, le témoignage qu'il avait « essentiellement amélioré et fait progresser la conception de la nature ». En 1848, les Américains avaient introduit en Europe, et tout d'abord en Allemagne, les phénomènes dénommés par eux « spiritualités ». Lorsque, dans l’hiver de 1834, le célèbre magnétiseur italien Regazzoni vint donner des séances à Francfort, Schopenhauer les suivit avec la plus grande attention : et bien que les expériences du magnétiseur fussent sur plus d’un point sujettes à caution, il prit en définitive parti pour elles. Un physiologiste connu ayant même entrepris de démasquer Regazzoni comme « charlatan », Schopenhauer se rangea énergiquement du côté de ce dernier, et ne ménagea pas, dans ses conversations et dans ses lettres, ses attaques contre les « médicastres », qui ne voyaient pas plus loin que leur petit savoir positif terre à terre1. Hostile comme il le fut de tout temps à la conception mécanique de la nature, qui, avec les hégéliens de l'extrême-gauche et surtout les matérialistes irréductibles tels que Moles-chott et Louis Buchner, allait s’implanter en Allemagne pour une durée d'un demi-siècle, il se reprit d'une belle ardeur pour l'étude des faits de l’hypnotisme, du somnambulisme et du spiritisme, qui l'avaient préoccupé et intéressé de longue date. Son « Essai sur les apparitions » est le fruit d’observations et de recherches poursuivies pendant beaucoup d'années. Son livre sur La volonté dans la nature, publié en 1836, renferme déjà un chapitre étendu sur « le magnétisme animal et la magie ». S'il n'avait pas lu, cela va sans dire, les trente mille volumes qui, d'après le professeur bernois Maximilien Perty, constituent la « littérature » des sciences occultes, il connaissait au moins les principales sources, celles qui forment la base de cette étude. Son « Essai » et toutes les indications à cet égard répandues dans ses autres ouvrages, le prouvent surabondamment. Une prédisposition naturelle portait d'ailleurs Schopenhauer à prêter une vive attention aux phénomènes de l’occultisme. Au plus profond de son cœur, en effet, et quoi que sa raison fit pour s’en défendre, il crut toute sa uploads/Religion/ essai-sur-les-apparitions-et-opuscules-divers-140215030924-phpapp01-pdf.pdf
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- Publié le Dec 22, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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