Revue théologique de Louvain Henri Crouzel, Origène (coll. Le Sycomore. Chrétie

Revue théologique de Louvain Henri Crouzel, Origène (coll. Le Sycomore. Chrétiens d'aujourd'hui, 15). 1985 André De Halleux Citer ce document / Cite this document : De Halleux André. Henri Crouzel, Origène (coll. Le Sycomore. Chrétiens d'aujourd'hui, 15). 1985. In: Revue théologique de Louvain, 18ᵉ année, fasc. 2, 1987. pp. 224-227; https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1987_num_18_2_2241_t1_0224_0000_1 Fichier pdf généré le 29/03/2018 224 COMPTES RENDUS Henri CROUZEL, Origène (coll. Le Sycomore. Chrétiens d'aujourd'hui, 15). Paris, Lethielleux - Namur, Culture et Vérité, 1985. 349 p. 22 x 14. 115 FF. Parmi les nombreuses publications suscitées par le dix-huitième centenaire de la naissance d'Origène (185 ou 186 - 254 ou 255), il faut compter comme l'une des plus remarquables le portrait de l'homme, de l'œuvre et de la pensée, dû au P.C., dont plus de trente ans de familiarité avec le grand Alexandrin ont fait le meilleur des spécialistes. D'un style accessible à un large public (d'où, peut-être, la regrettable absence de tout index), l'exposé n'entre pas dans la discussion technique des nombreuses questions qui divisent les origéniens, mais il présente chaque fois, avec les réserves nécessaires, la solution que son expérience a fait préférer à l'A. Le penseur, présenté dans l'avant-propos comme un «signe de contradiction», se trouve naturellement réhabilité du long procès d'hérésie gnostique qui lui fut intenté au cours des siècles. Le retour à l'Origène «homme d'Église», inauguré voici un demi-siècle par le P. Urs von Balthasar et le cardinal de Lubac, trouve ici sa consécration, sans que l'A. transforme pour autant son admiration en panégyrique, car il demeure parfaitement conscient de ce qui apparaît, à dix-huit siècles de distance, comme les insuffisances d'un des premiers exégètes et théologiens chrétiens, qu'il convient d'apprécier en fonction de son époque. Le plan général de la présentation du P.C. est d'une simplicité classique. Ses quatre parties, successivement intitulées: le personnage, l'exégète, le spirituel, le théologien, marquent discrètement une échelle de valeurs. En ce qui concerne la biographie, le lecteur curieux de connaître le jugement de l'A. sur la récente étude de P. Nautin le trouvera p. 18, n. 3: «Nous [...] jugeons [ses affirmations] en bonne partie trop contestables pour qu'on puisse s'appuyer sur elles et sur la chronologie qu'il en tire». C'est donc sans hypercritique que le P.C. examine les données biographiques, conservées en bonne partie par Eusèbe de Césarée. Ses options entraînent presque toujours la conviction; nous nous demandons cependant si ses recherches récentes sur la théologie du sacerdoce ne l'ont pas entraîné dans un certain anachronisme, malgré toute la prudence de l'expression, lorsqu'il aperçoit dans l'ordination presbytérale d'Origène, plus honorifique que pastorale, «une certaine approximation de ce que l'on appellera plus tard, en Occident, le 'caractère' sacerdotal» (p. 40). L'A. ne s'attarde pas dans la description des œuvres d'Origène, mais il souligne à plusieurs reprises qu'une de leurs visées majeures fut de «fournir aux chrétiens des réponses en accord avec l'Écriture pour éviter qu'ils n'aillent les chercher dans les grandes sectes gnosti- ques» (p. 33); ainsi se trouvent retournées dans le bon sens les anciennes accusations d'ésotérisme. Relevons aussi une règle de lecture essentielle, que l'A. doit au cardinal de Lubac et qu'il a sans cesse appliquée: «En présence de difficultés d'ordre critique que présentent les traductions et les fragments [d'Origène], on a parfois eu la tentation de s'en tenir, pour reconstituer sa pensée, aux seuls textes des grandes œuvres conservées en grec: mais on faisait habituellement exception pour le Traité des Principes, que [...] chaque spécialiste reconstituait à sa manière pour y retrouver l'Origène qu'il s'imaginait. En agissant ainsi on se prive de bien des richesses et on risque de déséquilibrer dangereusement le portrait d'Origène [...]. La vraie méthode à suivre est [de] multiplier les citations. Les passages parallèles se contrôlent alors, se déterminent COMPTES RENDUS 225 et se commentent mutuellement. [En effet, la pensée d'Origène] est pleine de tensions internes et aucun texte ne la livre complètement sur un fait précis» (p. 78). C'est en suivant cette méthode que le P.C. rend compte de l'interprétation origénienne de l'Écriture. Réagissant contre le cliché invétéré de l'allégorisme du grand Alexandrin, il souligne justement la part considérable que tiennent chez celui-ci la critique textuelle et l'exégèse littérale, cette dernière étant comprise comme «la matérialité brute de ce qui est dit»: dans ce sens, Origène «croit en fait à l'historicité de la Bible bien plus que le plus traditionaliste de nos exégètes» (p. 93-94). L'A. rappelle également que le sens spirituel tient, pour Origène, à ce que «l'Ancien Testament est tout entier une prophétie du Christ, qui en est la clef» (p. 95); ceci permet d'incorporer une bonne partie de l'exégèse spirituelle origénienne dans ce que nous qualifions aujourd'hui de sens littéral; elle est donc, «d'une certaine façon le processus inverse de la prophétie» (p. 103). D'autre part, tout en croyant à la liberté des auteurs sacrés, Origène n'y accordait guère d'attention, car, comme bien des Anciens, il se représentait l'inspiration à la manière d'une dictée de l'Esprit Saint. Cette «parole intime de Dieu doit être entendue par l'âme, à l'occasion de sa lecture. Le charisme de l'interprète est le même que celui de l'auteur inspiré» (p. 106), mais il n'existe que dans l'Église. Le P.C. estime inadéquats les divers classements de l'herméneutique origénienne, qu'ils soient inspirés de la trichotomie anthropologique, du quadruple sens de l'exégèse médiévale ou de la distinction entre typologie et allégorie (p. 113-117). Il plaide pour la compatibilité et la complémentarité de l'exégèse spirituelle avec l'exégèse scientifique: celle-ci détermine les intentions des auteurs sacrés, que celle-là insère ensuite dans le mystère du Christ, de manière à offrir au chrétien une nourriture spirituelle. Pareille conception de l'herméneutique chrétienne débouche naturellement sur la dimension ascétique et mystique de la personnalité d'Origène, qui fait l'objet de la deuxième partie du volume, où l'A. revient avec prédilection à ses premières recherches origéniennes. La présentation de l'anthropologie nous est apparue particulièrement éclairante. La trichotomie d'Origène est essentiellement paulinienne, et non platonicienne. L'esprit (pneûma), à ne pas confondre avec l'intelligence (nous), est l'élément divin présent dans l'homme, participation créée à l'Esprit Saint et don transcendant ne faisant pas, à proprement parler, partie de la personnalité humaine. Celle-ci réside plutôt dans l'élément supérieur de l'âme, appelé cœur ou intelligence. Cette faculté hégémonique, siège du libre- arbitre, rend l'homme spirituel ou charnel selon qu'il se livre à la conduite de l'esprit ou à celle de la chair. Dans ce dernier cas, il cède à l'élément inférieur, ajouté à l'âme, après la chute originelle, comme le principe des instincts et des passions. Quant au corps, il est le signe de la condition de créature. Éthéré dans la préexistence, il a revêtu, avec le péché, une «qualité» terrestre, tout en subsistant dans sa nature primitive au titre de «raison séminale», d'où il germera pour s'épanouir dans le corps glorieux de la résurrection. La trichotomie origénienne est donc «plutôt d'ordre dynamique ou tendanciel qu'ontologique, tout en ayant une base ontologique» (p. 124). L'Image de Dieu, au sens propre, est le Verbe dans sa divinité, car, selon Origène, le Dieu invisible ne peut avoir qu'une Image également invisible. L'homme, créé «selon l'Image», est image de 226 COMPTES RENDUS l'Image, et cette dignité réside donc, chez lui aussi, non pas dans le corps mais dans la partie supérieure de l'âme, qu'elle rend «logikê» en la faisant participer aux «èpinoiai» du Logos, c'est-à-dire à ses attributs de Sagesse, de Vérité, de Vie et de Lumière. Comme la raison séminale du corps éthéré, le «selon l'Image» est créé dans l'âme à l'état d'un germe, dont le développement n'atteint sa perfection que dans la «ressemblance», qui consiste dans la connaissance de Dieu et de son Fils. Malgré l'homonymie, cette connaissance (gnôsis) n'est pas une gnose, puisqu'Origène, par réaction contre Clément, n'appelle jamais le chrétien un «gnostique». Elle coïncide plutôt avec l'amour et l'union, compris comme rencontre de deux libertés, celle de Dieu et celle de l'homme. Elle fait également pénétrer les «idées» ou «raisons» de la création, c'est-à-dire la signification de celle-ci dans le dessein de Dieu. Il s'agit d'une sagesse dont «le Père est l'origine, le Fils le ministre, l'Esprit le milieu» (p. 145). A la mesure de l'ascension spirituelle, les symboles de la nature et de l'Écriture, à travers lesquels Dieu parle à l'homme, perdent progressivement de leur opacité; mais Origène considère l'Évangile temporel lui-même comme une lettre, «qui sauve les plus simples mais qui n'en doit pas moins être dépassée», par une vision directe des réalités déjà possédées en espérance, ou sacramentellement. Les étapes de la voie mystique sont donc: l'Ancien Testament, le Christ historique, le Christ présent dans l'âme, le Christ Sagesse, le Christ transfiguré, la vision face à face (p. 156). La connaissance religieuse origénienne consiste en «une vision ou un contact direct, elle est participation à un objet, bien mieux elle est union, 'mélange' avec son objet, et amour» (p. 160). Le P.C. se dit convaincu que les thèmes mystiques du mariage, de la lumière ou de la nourriture transcrivent chez Origène une expérience personnelle. Redescendant alors de ces hauteurs dans le domaine uploads/Religion/ de-halleux-andre-henri-crouzel-origene.pdf

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  • Publié le Aoû 31, 2022
  • Catégorie Religion
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