PÉLADAN LES IDÉES ET LES FORMES LA DOCTRINE DE DANTE PARIS BIBLIOTHÈQUE INTERNA

PÉLADAN LES IDÉES ET LES FORMES LA DOCTRINE DE DANTE PARIS BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉDITION H. SANSOT &- Cie 7, rue de l'Eperon, 7 MCMVIII LA DOCTRINE DE DANTE PAR PÉLADAN 2 LA DOCTRINE DE DANTE L'obscurité des textes affecte deux formes : ou ils parurent obscurs, en leur temps, en leur lieu, par la volonté ou la faute de l'auteur; ou ils le sont devenus, par l'abolition du milieu et la succession des jours. Il n'est pas sûr que les contemporains de saint Jean aient mieux compris l’Apocalypse que nous : les voiles accumulés sur la pensée l'ont été à dessein ; les termes se concrétisent en images si nettes que le crayon pourrait entièrement se substituer à l'écriture du voyant. Au contraire, le Songe de Poliphile ne se révèle pas à la description, parce que les amours de Polia représentent autre chose que des amours ; il faut réduire chaque scène à une formule métaphysique cachée sous un véritable rébus. Parmi les œuvres admirables que l'humanité a élevées au-dessus des autres comme synthétiques d'une période, aucune n'égale en beauté littéraire celle de Dante Alighieri. Homère de l'ère chrétienne, c'est le plus grand de tous les poètes. Découvrir sa doctrine, la dégager du symbole vieilli, semble une entreprise téméraire. On peut du moins la conduire avec piété et coordonner les éclaircissements qu'il a donnés lui-même et qui serviront de base à la recherche LA DOCTRINE DE DANTE PAR PÉLADAN 3 VITA NUOVA La Vita Nuova se présente à nous, par sa date, comme le premier mot d'une immense énigme. A neuf ans, Allighieri vit pour la première fois une fillette également âgée de « neuf » ans. Dès lors l'amour s'empara de son âme. Neuf jours après les neuf ans, depuis l'apparition de cette très noble créature et merveilleuse dame, elle se montra au poète... L'heure à laquelle elle lui fit grâce de son doux salut était précisément la neuvième heure du jour. Le Dante a pris soin de se commenter lui-même : « Parce que le nombre neuf s'est offert souvent dans ce que j'ai dit, et que Ton peut, croire que cela n'a pas été sans raison ; qu'en outre ce nombre remplit un grand rôle, surtout à sa mort, il me faut en dire quelque chose. Je dirai d'abord comment le nombre neuf intervint dans l'événement de sa mort ; puis je signalerai quelques raisons pour lesquelles ce nombre fut tellement favorable à cette Dame. Je dirai donc que la belle âme de cette Dame s'est séparée de son corps pendant la première heure du neuvième jour du mois, et selon l'usage de Syrie pendant le neuvième mois de l'année qui équivaut chez nous au mois d'octobre, et, selon notre usage, elle quitta cette vie dans cette année du Seigneur en laquelle le nombre parfait (10) s'était écoulé « neuf» fois dans^ce siècle. « Si l'on désirait savoir pourquoi ce nombre neuf sympathisait autant avec elle, je pourrais en donner une raison probable, car il y a neuf cieux et ces neuf cieux se transmettent ici-bas les diverses combinaisons harmoniques auxquelles ils sont soumis là-haut. Ce nombre fut ami de Béatrix ; quand elle fut engendrée, tes neuf mobiles s'harmonisaient parfaitement ensemble. Voilà déjà une de ces raisons. Mais en pénétrant plus au fond de la chose, selon l'infaillible vérité, ce nombre fut Béatrix elle-même. « Voici comment j'entends la chose : le nombre trois est la racine de celui de neuf, qui, sans l'aide d'un autre nombre et multiplié par lui-même, fait neuf. LA DOCTRINE DE DANTE PAR PÉLADAN 4 Donc si le trois par lui-même est facteur du neuf, et si le facteur des merveilles est par lui-même trois, Père, Fils, Saint-Esprit, c'est qu'ils sont neuf pour donner à entendre qu'elle était un neuf, c'est-à-dire une merveille dont la racine est seulement l'adorable Trinité. Peut-être pourrait-on, par des raisons plus subtiles encore établir cette vérité... » II n'est pas besoin de recourir à la Kabbale, puisque le gibelin a défini lui- même le symbole numérique avec une extrême clarté. Béatrice fut l'incarnation d'un nombre; mais à supposer qu'il s'agit d'amour dans la Vita Nuova, le nombre d'e la femme est 2, et 6 celui de la sexualité. La neuvième carte du Tarot s'appelle l’Ermite, et représente un vieillard couvert de la bure franciscaine, qui se dirige prudemment, tenant d'une main une lanterne (V. dans la Clé de Rabelais (Sansot) la signification de Dame Lanterne comme figure de l'initiation et les spécimens de langage lanternais, argot corporatif de la fin du xve siècle.), et de l'autre un bâton de pèlerin, exacte figure du pauvre volontaire qui suit un idéal que les autres ne voient pas. Les commentateurs ont essayé de découvrir dans ces expressions un mélange de mysticisme et de kabbalisme, et une manifestation purement littéraire du mauvais goût d'alors. Ce qui les a conduits à cette erreur c'est que les sonnets de la Vita Nuova n'apparaissent pas isolés, ils s'intercalent dans une série antérieure au Dante et qui se développa ensuite jusqu'au xvi siècle. L'épithète de Vie neuve ou nouvelle appliquée à la neuvième année, n'a aucun sens. Que serait donc la vie vieille, vita vecchia ? Celle des langes et de l'abécédaire ? Quel enfant ou quel homme à la vue d'une petite fille s'écriera : Ecce Deus fortior me, qui veniens dominabitur mïbi, et trouve en pleine Florence de 1256, que la petite fille paraît née « non d'un mortel mais d'un Dieu ». Si nous acceptons ces expressions comme nées du délire passionnel, le poète nous démentira: « la noble vertu dont elle était douée, ne permit jamais que l'amour me guidât sans le fidèle conseil de la raison. » LA DOCTRINE DE DANTE PAR PÉLADAN 5 Les commentateurs ont jugé plus simple d'assimiler les sonnets d'Alighieri au sonnet d'Oronte, et d'y voir un maniérisme spécial, une préciosité, un jargon amoureux, que d'accepter le problème d'une si singulière inspiration. A l'analyse, on ne trouve ni concetti, ni gongorisme, mais au contraire une solennité d'expression telle que les versets de Jérémie et du Psalmiste s'intercalent naturellement dans cette œuvre prétendument galante. L'immense répertoire des rimes amoureuses fournit une comparaison qui tourne à l'exceptionnalité de la Vita Nuova. Il voit parfaitement TOUT SALUT qui voit ma dame parmi les autres dames : et celles qui vont avec elle, doivent, de cette belle grâce, remercier Dieu. Car sa beauté est de telle vertu que nulle envie elle ne donne aux autres, elle les fait marcher à côté d'elle, elle les revêt de gentillesse, d'amour et de foi. Sa vue rend tout humble, et non seulement elle plaît de soi mais chacune, par elle, reçoit du prestige. Une femme qui incarne le salut, qui n'inspire aucune envie aux autres femmes, qui les fait marcher à côté d'elle et les revêt d'amour et de foi ; une femme qui plaît aux femmes en les éblouissant, ne serait-ce pas l'absurdité la plus niaise qui ait jamais été écrite ? Il faut trouver un sens plus rationnel. O vous qui, parla voie d'Amour, passez, arrêtez-vous et regardez : Est-il douleur aucune, autant que la [mienne, grande. Je prie seulement que d'écouter vous ayez [patience ; et puis vous imaginerez, si je ne suis pas de tout tourment la [demeure et la clé 1 Amour, non pour mon peu de [mérite, mais par sa magnanimité, m'a mis dans une vie si douce et suave que j'entendais dire derrière moi : LA DOCTRINE DE DANTE PAR PÉLADAN 6 « Par quel mérite a-t-il le cœur si léger, celui-là ! » Maintenant j'ai perdu toute mon assurance qui venait de l'amoureux trésor. Or, pauvre je demeure et â ce que je veux dire, j'hésite. Ainsi voulant faire comme ceux qui par honte, cachent leur défaite, au dehors je montre de l’allégresse et dans mon cœur je me consume et pleure. Immédiatement, le poète se commente ainsi : «Je fais appel aux fidèles d'amour.» Il n'y a aucun moyen de lire « au cœurs constants, ni aux amoureux fidèles ». Cette appellation désigne non une catégorie flottante des soupirants, mais une secte. Les trois premiers vers sont de Jérémie et font partie de l'office de la Passion en qualité de répons. Vittoria les a illustrés d'une musique à trois parties, adorable. « Je demande » à ceux qui suivent la voie d'Amour « de me permettre de parler». S'agit-il d'une simple déférence ou bien s'excuse-t-il de transgresser une défense ? « Dans la seconde partie, je dis où l'amour m'avait placé con altro intindimento, que la fin du sonnet ne montre point. » En soudant les uns aux autres les passages caractéristiques, voici à peu près la page rouge (rubrica) qu'il écrivit à vingt-six ans (1291). « La Dame glorieuse de mon esprit pour beaucoup de gens s'appelait Béatrice, beaucoup d'autres ignoraient le nom. Quand elle apparut, les esprits sensibles parlant aux esprits de la vision, dirent : Apparuii jam beattudo vestra. « Alors l'esprit matériel se lamenta. « En pensant à cette uploads/Religion/ dante-par-peladan.pdf

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  • Publié le Mar 25, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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