Claude Tresmontant Introduction à la Théologie chrétienne INTRODUCTION Le chris

Claude Tresmontant Introduction à la Théologie chrétienne INTRODUCTION Le christianisme est une doctrine, parmi d'autres, qui sont actuellement vivantes sur notre planète: le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme, le judaïsme, l'islam, le marxisme, et quelques autres. Comme toute doctrine, le christianisme a un contenu, ce qu'on peut appeler, dans le langage moderne, un contenu d'information, qui est susceptible d'être communiqué, enseigné, expliqué aussi. Nous nous proposons, dans le présent ouvrage, d'introduire à la connaissance de cette doctrine des lecteurs qui ne la connaîtraient pas, qui désireraient savoir en quoi elle consiste, et qui ne se refusent pas à priori à fournir un effort pour comprendre des notions techniques, effort analogue à celui qui est requis pour s'initier aux mathématiques modernes, à la physique, à la biologie ou à toute autre discipline scientifique. Une maladie qui sévit parmi les chrétiens, aujourd'hui, — nous aurons souvent l'occasion de le vérifier — consiste dans le refus de prendre en considération le contenu de la doctrine chrétienne, et de se donner la peine de l'étudier. Ils répugnent obstinément à faire l'effort nécessaire pour comprendre des notions théologiques qui sont de caractère technique, ou, disons mieux, scientifique. La maladie généralisée parmi les chrétiens en cette seconde moitié du xxe siècle, c'est qu'ils confondent le christianisme avec une certaine forme d'affectivité, ou de sentiment, d'ailleurs assez mièvre. Pour échapper à cette sentimentalité, ils se précipitent aujourd'hui dans l'action politique. Mais ils veulent absolument ignorer que le christianisme est d'abord une science, une connaissance certaine, bien fondée, justifiée, et que, comme toute science, celle-ci peut s'enseigner et s'apprendre. Il suffit de faire l'effort nécessaire. Eh bien non ! Les chrétiens d'aujourd'hui veulent bien apprendre toutes les sciences, depuis les mathématiques et la physique jusqu'aux sciences dites humaines. Mais la théologie chrétienne, ils ne veulent pas l'apprendre. Ils contestent même qu'elle soit une science. Ce n'est pas d'ailleurs qu'ils y soient allés voir. Mais cela se dit, et donc cela se répète, depuis un siècle. A la suite du positivisme et du néopositivisme, à la suite du kantisme et du néokantisme, il est entendu parmi les chrétiens instruits que la théologie n'est pas une science. Il n'y a donc rien à apprendre. Le christianisme concerne le " cœur " et non pas la raison. C'est là que se trouve l'erreur de base. Le christianisme est aujourd'hui entouré, enveloppé par une haie de malentendus et de contresens. La haie des malentendus et des contresens, des quiproquos, est si haute et si touffue, que pratiquement, avec la meilleure volonté du monde, un esprit formé aujourd'hui aux sciences positives ne peut plus comprendre ce qu'est le christianisme. Il ne peut plus entrer dans l'intelligence du christianisme, à moins qu'on ne lui explique terme à terme, concept par concept, ce que signifient les principales propositions qui constituent le corps de la doctrine chrétienne. C'est à ce travail tout à fait élémentaire que nous voulons essayer de nous appliquer. Le christianisme est une doctrine apparentée au judaïsme et à l'islam. Nous n'avons pas à exposer ici ce que sont le judaïsme et l'islam : des spécialistes s'en chargent. Il faut simplement que le lecteur, ignorant en ces domaines, sache que le judaïsme actuel, le christianisme actuel, et l'islam, dérivent d'un tronc commun, qui est le monothéisme hébreu, lequel apparaît dans l'histoire, à notre connaissance, avec cette migration qui s'est effectuée vers le xixe ou xviiie siècle avant notre ère, et qui nous est connue par le nom d’Abraham1. 1 Sur les origines du monothéisme hébreu qui est le tronc commun du judaïsme, du christianisme et de l'islam, voir 2 Le judaïsme actuel, le christianisme et l'islam sont trois espèces de monothéisme, qui dérivent d'une souche commune. Le judaïsme, le christianisme et l'islam comportent des éléments communs, un fonds commun, qui s'explique par leur origine commune : le monothéisme hébreu. Dans la première partie de notre ouvrage, nous exposerons brièvement ce qui est commun au judaïsme, au christianisme et à l'islam : la doctrine de Dieu, la doctrine de la création, la doctrine de la révélation. Dans la seconde partie et les suivantes nous exposerons ce qui est propre au christianisme : la doctrine de l'incarnation, la théologie trinitaire, etc. Le christianisme est une doctrine qui se définit elle-même : I. Par la bibliothèque hébraïque2 des livres considérés comme inspirés par le judaïsme et par le christianisme. Le christianisme a donc en commun avec le judaïsme cette bibliothèque qui est l'œuvre des prophètes, des historiens et des sages hébreux. Elle remonte, pour ce qui est de la tradition orale, jusqu'à Abraham, et, pour ce qui est de la mise par écrit, sans doute aux alentours du Xe siècle avant notre ère. Elle achève de se constituer vers le ive siècle avant notre ère. 2. Une bibliothèque qui est propre aux chrétiens : les livres rassemblés, réunis, dans cet ensemble que l'on appelle aujourd'hui " nouveau testament3 ". C'est là, c'est dans ces deux bibliothèques, que se trouve inscrite " l’information " qui constitue l'essence, la substance et la nature du christianisme. C'est à ces deux bibliothèques que les docteurs chrétiens, à travers les siècles, et les assemblées de docteurs chrétiens, se réfèrent pour établir, pour définir, pour formuler ce qu'ils pensent. Si le christianisme, pour nos contemporains, est de plus en plus inintelligible, cela s'explique d'abord par une raison simple. La bibliothèque hébraïque, qui est pour les chrétiens comme pour les juifs une bibliothèque dans laquelle on peut trouver un enseignement qui vient de Dieu même, cette bibliothèque est l'œuvre de gens qui pensaient et s'exprimaient évidemment en hébreu. Cette bibliothèque a d'abord été traduite en grec, vers les IIIe et IIe siècles avant notre ère, à Alexandrie, et c'est ainsi qu'elle a été lue, en traduction grecque, pendant des siècles, sur tout le pourtour de la Méditerranée. Puis elle a été traduite du grec en latin. Cette traduction a été ensuite revue et corrigée sur l'hébreu. Les églises de langue latine ont lu cette traduction latine de la traduction grecque d'une bibliothèque pensée et écrite en hébreu. Enfin on a traduit, d'abord à partir du latin, puis directement à partir de l'hébreu, les livres de cette bibliothèque, dans la langue de chaque nation moderne. Dans toutes ces traductions, de l'information s'est perdue, ou a été bloquée. Le fondateur du christianisme, le rabbi juif Ieschoua de Nazareth, pensait et s'exprimait dans un dialecte araméen galiléen. Son enseignement a été pensé et communiqué d'abord dans ce dialecte. Puis cet enseignement a été traduit en grec, le grec populaire des colonies grecques qui parsemaient le pourtour de la Méditerranée. Puis les livres écrits en grec, qui contenaient l'expression de sa doctrine, ont été traduits en latin. Puis du latin en français, et dans les autres langues des nations. On est revenu au maintenant le grand livre de R. DE VAUX, Histoire ancienne d'Israël, Paris, 1971, éd. Gabalda. 2 Cette bibliothèque est appelée par tout le monde aujourd'hui, " la Bible ". L'expression française " la Bible " est un décalque du latin biblia, qui est lui-même un décalque du grec ta biblia, qui signifie les livres, ou les rouleaux. Donc, l'expression française " la Bible " signifie : les livres, les rouleaux. C'est un terme qui désigne une collection, ou un ensemble, et non un seul livre. C'est pourquoi nous dirons constamment " la bibliothèque " hébraïque, pour rappeler qu'il ne s'agit pas d'un seul livre, mais d'un ensemble de livres écrits à des époques différentes par des auteurs différents. Un peu comme si l'on rassemblait dans un seul volume les grandes œuvres de la littérature française, après avoir pris soin de les brasser, de les mêler, afin que l'ordre historique de composition ne soît pas respecté. 3 Nous expliquerons cette expression plus loin, p. 146 (ici p. 93). 3 texte grec pour traduire directement à partir du grec. Mais on n'a pas de documents suffisants pour reconstituer ce qu'a été l'enseignement du rabbi Ieschoua en araméen galiléen. Là encore, de l'information a été perdue, et bloquée, dans les transmissions. Il nous faudra donc faire un effort constant de traduction, pour que l'information passe de nouveau, autant que cela est possible, depuis les textes originels jusqu'à nous, sans trop de déformation, sans trop de " bruit " comme disent les théoriciens actuels de l'information. Le fait est que la plupart des termes fondamentaux qui constituent et caractérisent la langue de la théologie chrétienne, et que les prédicateurs continuent imperturbablement d'employer, sont du " bruit " pour nos contemporains. Ils ne contiennent plus aucune " information ", aucune signification, tout simplement parce qu'ils ne sont pas traduits dans une langue intelligible pour nos contemporains. Les langues se modifient au cours du temps, elles se déforment constamment dans le temps et dans l'espace. C'est peut-être regrettable, mais c'est ainsi. Si donc on ne repense pas constamment, pour les ré-exprimer dans les nouvelles formes de langue, les notions que l'on a reçues, héritées, exprimées dans les langues anciennes, il est évident que les notions du passé ne pourront plus uploads/Religion/ claude-tresmontant-introduction-a-la-theologie-chretienne.pdf

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  • Publié le Aoû 02, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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