Une figure gruérienne: Le mime CHALAMALA Par Robert Nidegger INTRODUCTION Les n
Une figure gruérienne: Le mime CHALAMALA Par Robert Nidegger INTRODUCTION Les nombreux visiteurs qui se rendent à Gruyère ne manquent pas de s'arrêter devant une maison de curieuse apparence, dont la façade est ornée de soleils, de têtes grimaçantes, et les fenêtres encadrées de montants de pierre délicatement sculptés. Les guides la désignent sous le nom de « Maison de Chalamala, bouffon du comte Pierre IV ». Qui est ce bouffon, dont le souvenir s'est conservé depuis six siècles si vivant et pourtant si imprécis, parmi les populations ? A-t-il réellement existé, ou est-il le fruit de l'imagination fertile des montagnards ? Question intéressante pour un peuple si fier de sa noble histoire et qui garde précieusement les trésors de son folklore. Nous allons scruter l'énigme de ce personnage dont les gestes sont racontés dans des chroniques qui ont emprunté une plus large part de leurs récits à la légende et à la poésie qu'à l'histoire. LES MIMES DANS L'HISTOIRE Dans les vastes demeures seigneuriales, la vie s'écoulait monotone, souvent mélancolique. Pour tromper l'ennui des longs jours et créer un peu de gaieté, il y avait, à part les batteleurs, jongleurs, joueurs de viole et troubadours, les bouffons qu'on appelait aussi fous de cours et quelquefois mimes. Dès le Xe siècle paraît le fou de cour, mais ce n'est qu'à partir du XIVe siècle que la charge de bouffon apparaît érigée en titre d'office particulier et payée sur les deniers royaux. On le voit, dès lors, adopter un costume particulier, destiné à le faire facilement reconnaître et à symboliser en quelque sorte le caractère de folie inhérent à sa charge. Il passait, vêtu d'une jaquette généralement bariolée de jaune et de vert découpée à angles aigus. La culotte était assortie à cet habit bizarre. Le seigneur de la marotte portait une épée en bois doré, ou parfois, une vessie renfermant des pois secs, suspendue à l'extrémité d'une baguette; une sorte de bonnet ou plutôt de grand capuchon avec deux oreilles en forme d'oreilles d'âne, terminées par des grelots, couvrait sa tête benoîte; enfin, à la main, comme attribut distinctif de sa charge, une marotte avec un bonnet semblable. On trouve la description de ce costume dans un petit poème du XVe siè- cle intitulé «Les Souhaiz du Monde»: "Pour mon souhait qui nuyl et jour m'assolle, Je souhaite des choses nompareilles: Premièrement une belle marotte Echaperon garni de grans oreilles, Des sonnettes faisant bruyt à merveilles; Fy de soucy, de chagrin, de deul, Danser de l'ait dessoubs buissons et treilles. Bon appétit pour vuider pots, bouteilles. Et à la fin, pour iréser, un linceul..." Si la personnalité de quelques bouffons a été créée par les littérateurs, qui les ont habillés de laideur et de verve impertinente ou naïve, d'autres ont leur nom dans l'histoire. Il y eut en France, durant les temps moyenâgeux, toute une floraison de bouffons dont la mode pénétra aussi dans nos contrées montagneuses. On les voit apparaître, pour la première fois, auprès de Hugues le grand-père de Hugues Capet. À partir du début du XIVe siècle, les rois de France eurent leurs bouffons en titre d'office; la fonction fut dès lors avidement recherchée. Rolet fut 1 le fol de Philippe de Valois et Colart celui de Charles VII. Louis XII eut pour premier bouffon Caillette, dont parle Bonaventure des Perriers, puis Triboulet, que Rabelais appelait le "Marosophe", le fou-sage. Brantôme, Guillaume Bouchet, Noël du Fail nous ont raconté les nombreux exploits de Brusquet, de son vrai nom Jean-Antoine Lombart, le fou de Henri II, de François II et de Charles IX, Sous Henri III, il y eut d'abord Sibliot, puis le fameux Chicot, dont Alex. Dumas a fait un personnage si important de «La Dame de Montsoreau», Louis XIII s'entoura de plusieurs autres personnages du même genre: Engoulevent, Marais, Jean Doucet. Le dernier fou d'office fut l'Angely qui se montra très effronté et se fit beaucoup d'ennemis parmi les courtisans au temps de Louis XIII et de Louis XIV. Il finit par se faire chasser et la charge de bouffon à la cour de France si élégante et raffinée, fut définitivement supprimée, A l'instar des cours royales et des grandes cités étran- gères. Gruyère eut ses bouffons attitrés. Girard Chalamala fut le principal et d'ailleurs le seul connu des mimes — c'est ainsi que nous l'appelleront — de la cour de Gruyère, tandis que d'autres fous sur lesquels nous ne possédons guère de renseignements égayaient la place publique. CHALAMALA: LÉGENDE OU VÉRITÉ ? Tant de fois, les historiens qui furètent dans les paperasses des archives n'ont fait apparaître qu'une pauvre et timide légende où des siècles avaient vu une histoire merveilleuse et véridique. Cette fois, la légende a pris une éclatante revanche en devenant de la joyeuse et solide histoire. Car Chalamala n'est plus un personnage inventé par l'esprit Imaginatif d'un peuple montagnard avide de merveilleux et créateur de traditions. Le mime populaire dans le pays aimé des Gruériens a bel et bien existé. Un jour de ce XIXe siècle, pour la Gruyère si fertile en découvertes historiques, le bruit courut que Chalamala n'était pas un mythe, que son testament subsistait encore et qu'il y donnait «une vache ou sa valeur, c'est-à-dire 15 sols de Lausanne à son ami de Arano, curé de Gruyère », Pour lors, on n'en apprit rien de plus, tout rentra dans le silence et l'oubli, et même un vent de scepticisme passa sur l'existence du prétendu document. L'auteur de l'« Histoire du comté de Gruyère », Hisely, qui réunit une si belle collection de pièces historiques concernant la Gruyère, n'a pourtant jamais connu celle- ci. L'abbé Gremaud, ancien président de la Société d'histoire, le père de l'histoire gruérienne, dans une lettre adressée à Hisely, en date du 9 octobre 1854, lui apprend que ce testament, qui avait été catalogué par Fr. Chouczon, curé de Gruyère, en 1464, dans un inventaire des titres du clergé, ne se trouvait alors ni aux archives paroissiales ni à la bibliothèque de Berne parmi les manuscrits du curé Girard. Par quel hasard cette pièce avait-elle disparu ? Confiant dans la perspicacité de l'abbé Gremaud, Hisely ne continua pas ses investigations. Du moins, s'il accomplit de nouvelles recherches, elles n'aboutirent pas plus que les précédentes. Plus heureux fut Hubert Thorin qui, quelque vingt ans plus tard, découvrit le parchemin contesté, là où on l'avait repéré: à la sacristie de l'église paroissiale de Gruyère, dans un vieux coffre. Ce testament, qui ne présente que peu d'importance au point de vue de l'histoire générale de la Gruyère, en a beaucoup pour la question que nous étudions, à savoir: que Chalamala fut, non point un fou légendaire, mais un personnage historique, au même titre que Colart, Chicot ou Triboulet. Nous en donnons un fac-similé, ainsi que le texte latin original et une traduction française. In nomine Domine Amen. Ego Girardus dictus Chalamala mimus illustris viri et potentis Domini Pétri Comitis et Domini Gruèrie, notum facio universis quod ego sanus mente et corpore per Dei gratiam considerans et atten- dens quod nichil est incertius hora mortis ne decedam intestatus meum nuncupativum testamentum seu ultimam voluntatem meam et ordino in hune modum. In primis animam meam commendo Altissimo creatori. Et quia heredis institutio est caput fundamentum ipsius testamenti idcirco instituo michi heredem universalem Michaelem dictum Brisizon mimum fratrem meum in universis et singulis bonis 2 meis mobilibus et immobilibus presentibus et futuris acquisitis et acquirendis quibuscumquemimus salvis conditionibus in fra scriptis. Et volo quod débita et clamores mei emendentur et solvantur etiam et legata infra scripta sine strepitu et figura de nobis meis que in die obitus mei relinquero simpliciter et de piano per execuitores meos quos inferius nominabo. Sepultura vero mea ! eligo in capella beatï Nicolai ecclesiae parochialis de Grueria in qua per Dei gratiam cupio sepelleri. Gui capella do et lego vigenti et sex solidos Lausanneannensium census pro una missa celebranda in dicta capella seipel in hepdomada pro remédie anime mee et predecessorum levandos et recuperandos quolibet anno in festo Martini iemalis super quandam petiam prati sitam eis Àdos in territorio de Espagnye que partitur cum illis de la Lou et super sexdecim libras Lausanneanin quibus michi tenetur Roletus dictus Brener de Espagnye prout in litteris inde confectis plenius continentur. Item do et lego ecclesie beati Theodoli de Grueria sexagenta solidos Lausanne. semel tantum pro tribus bichetis frumenti ad mensuram Gruerie census emendis pro anniversario meo aiinuatim fàciendo. Item predicte ecclesie decem solidos Lausanne. semel do et lego pro sex denariis Lausanne. census emendi nomine et ad opus dicti Blier mimi de Arberg pro remédie anime sue et predecessorum suorum. lego unam cupam frumenti census eo casu quod dicta contratria durabit et perpetuabitur et si dicta confratria in posterum detrimentum patiatur quod absit ipsam cupam do confratrie sancti spiritus de Grueria levandam et recuperandam anno quolibet in festo beati Martini predicto super quincjuaginta solidos Lausanne. in quibus michi tenetur Roletus Brener predictus. Item cuilibet Cartusie de Ogo unam vachànii semel tantum do et lego. Item abbatie de Marsens similîter uploads/Religion/ chalamala.pdf
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- Publié le Jui 23, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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