LES CAHIERS DE LA CELLULE DE PROSPECTIVE LA GOUVERNANCE DANS L'UNION EUROPÉENNE

LES CAHIERS DE LA CELLULE DE PROSPECTIVE LA GOUVERNANCE DANS L'UNION EUROPÉENNE COMMISSION EUROPÉENNE La gouvernance dans l’Union européenne Édité par Olivier De Schutter, Notis Lebessis et J ohn Paterson De nombreuses autres informations sur l’Union européenne sont disponibles sur Internet via le serveur Europa (http://europa.eu.int). Une fiche bibliographique figure à la fin de l’ouvrage. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2001 ISBN 92-894-0314-4 © Communautés européennes, 2001 Reproduction autorisée, moyennant mention de la source Printed in Italy IMPRIMÉ SUR PAPIER BLANCHI SANS CHLORE Gouvernance et aventure collective Avant de s’engager résolument au sein de cette « gouvernance dans l’Union européenne» , le lecteur a droit à un avertissement. La problématique de l’art de gouverner à laquelle nous initient les auteurs rassemblés par Olivier De S chutter, Notis Lebessis et John P aterson n’est pas celle qui alimente depuis une dizaine d’années une littérature de sciences politiques abondante autour des nouveaux modes de gouvernance européenne. C elle-ci,en effet,adopte le plus souvent un point de vue descriptif. E lle tend à rendre compte des processus originaux de prise de décision suscités par le sys- tème politique européen,qui lui ont permis avec succès d’établir un cadre juridique supranational tout en s’accommodant d’une multiplicité de pouvoirs « horizontaux» ou « verticaux» ,non soumis aux hiérarchies classiques d’un É tat. Nos auteurs,au contraire,ne s ’intéressent pas directement à l’Union européenne ni à son système politique original.Leur attention se focalise en amont de ce système sur ce qu’ils décrivent comme une mutation profonde de la démocratie dans les nations eu- ropéennes et au-delà de l’E urope.Ils en détectent l’origine dans une transformation du savoir qui irrigue la formation des règles de la vie publique:non plus le « savoir» donné a priori et accessible par des mécanismes de représentation élective ou de concentration d’expertise,mais le « savoir à construire» ,à actualiser dans un apprentissage collectif pre- nant appui sur le pluralisme social.C e point de départ est philosophique;il débouche donc sur des recommandations qualifiées de « procédurales» ;mais il s ’agit bien de re- commandations:nous sommes dans le normatif. B ien qu’elle ne soit pas propre à l’animal politique qu’est l’Union euro- péenne,la problématique ainsi proposée y trouve un sujet de prédilection.L’Union européenne en effet, en tant que système politique, n’est pas passée par l’étape d’une « rationalité substantielle» qui imprègne si fortement les systèmes institution- nels nationaux marqués par une stricte séparation entre les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.E lle est donc vouée à la coopération entre ces trois ordres.De même,parce qu’elle ne dissout pas les nations,l’Union rencontre au quotidien l’im- possibilité d’établir des règles exclusivement basées sur une rationalité matérielle:il lui faut prendre en compte,au cours d’une variété de processus transnationaux et transculturels,la diversité du tissu européen.E n ce sens,il y a peu d’écheveaux plus complexes que celui des multiples canaux de consultation qui innervent aujour- d’hui l’exercice du monopole d’initiative de la C ommission.De même la « comitolo- gie» peut-elle prétendre constituer un effort procédural remarquable pour associer intimement toutes les administrations nationales à l’application des directives eu- ropéennes,dans une variété de contextes nationaux. E t pourtant, ce vécu original de la construction européenne subit lui aussi une crise démocratique.Les auteurs nous aident à comprendre en quoi il ne s’agit pas d’abord d’un déficit, c’est-à-dire de l’absence d’une institution parlementaire analogue à celle que l’on trouve au centre de la vie publique nationale.P our eux — et je dois dire qu’ils m’ont convaincu —, la crise de la légitimité politique euro- péenne trouve d’abord son origine dans le caractère devenu formel des procédures développées par la C ommunauté européenne. Il faut insister sur ce « devenu» , car telle n’était pas la situation initiale. E n suivant leurs analyses, force est d’admettre que la gestion actuelle de la complexité par les pouvoirs nationaux et communau- taires en charge de l’E urope,bien qu’admirable à bien des égards,ne fait pas réelle- ment justice ni à la richesse des savoirs,ni à la diversité des contextes en E urope. La richesse des savoirs sociaux,culturels ou scientifiques ne trouve plus son compte,par exemple,dans une organisation certes très structurée de la consultation préalable à l’énoncé des propositions législatives.P rivilégiant à l’excès une optique de filière sectorielle par domaine,cette organisation consultative ne fait droit ni au pluralisme de l’expertise ni à la globalité des problèmes à résoudre. La crise de la vache folle en fut le révélateur. La diversité des contextes ne se trouve pas non plus reflétée dans un système législatif pourtant très ouvert à l’exercice des influences nationales lorsqu’il s’agit de définir les modalités de son application.C ontinuant d’être bâtis sur le modèle de la séparation entre « loi» et « modalités d’application» ,la comitologie et le système de la transposition nationale des directives passent à côté de la vraie difficulté d’aujour- d’hui; celle-ci réside dans la rétroaction de l’application des règles « vues du terrain» sur la conception « vue d’en haut» des législations,qui met en jeu la vérité des éva- luations,l’implication des usagers,la confiance dans les dispositifs de contrôle. T out se passe comme si la « gouvernance européenne» au sens de la science politique,initiatrice de voies nouvelles pour le partage des pouvoirs législatif et exé- cutif dans une communauté de nations partageant leur souveraineté, n’avait fait qu’une moitié du chemin. Il lui faut prendre complètement au sérieux des procé- dures aménagées dans un but d’efficacité sectorielle,pour les mettre au service d’une vision authentiquement participative et respectueuse des diversités.La dimension territoriale,intersectorielle par nature et encline à la participation ne s’impose pas par hasard à la nouvelle gouvernance européenne. Les voies de celle-ci — qui concernent particulièrement le futur livre blanc de la C ommission européenne— ne coulent cependant pas aisément de la source lim- pide du diagnostic procédural.D’abord parce que les processus de décision à réfor- mer ont,en leur temps,établi le succès même de la démarche communautaire.Il fau- dra beaucoup de lucidité pour reconnaître que des dispositions ayant permis de préserver les pouvoirs de nos institutions doivent aujourd’hui être mises en cause pour que ce pouvoir s’exerce à nouveau véritablement et à bon escient. E nfin,si la ra- tionalité procédurale nous alerte sur l’importance de la formation d’un savoir et d’un apprentissage collectifs,elle ne peut faire l’économie de cette tâche éminemment politique qui consiste dans l’expression d’une vision et d’un sens subjectifs, voire symboliques.L’une et l’autre demeurent nécessaires à toute aventure collective. Jérôme V ignon C onseiller principal chargé du livre blanc sur la gouvernance européenne 4 P réface Table des matières Remerciements .............................................................................................................................................. 13 Les contributeurs ....................................................................................................................................... 15 La gouvernance dans l’Union européenne:présentation ............... 19 Partie I — Le contexte théorique Les mutations de l’art de gouverner .............................................................................. 31 Approche généalogique et historique des transformations de la gouvernance dans les sociétés démocratiques ........................................ 31 Le modèle formaliste du droit et de l’É tat ......................................................................... 32 L e contrat et la nature ................................................................................................................. 33 L ’organis ation de l’É tat ............................................................................................................... 34 L ’émergence de l’É tat social .......................................................................................................... 35 La « matérialis ation» du droit .................................................................................................. 36 Modifications de la gouvernance ......................................................................................... 38 L e vers ant économique:le fordis me ..................................................................................... 39 La crise contemporaine ..................................................................................................................... 40 T rois indices de cris e dans le champ politique ............................................................... 40 V ers un ordre « pos tfordis te» ..................................................................................................... 41 La procéduralisation de l’action publique ......................................................................... 42 La procéduralis ation:première approche conceptuelle ............................................ 42 Quelques exemples ............................................................................................................................... 46 1) P rocéduralisation et production du savoir collectif:deux exemples ......... 46 La régulation de l’us age des drogues ................................................................................. 46 L ’expérience de C ambridge ....................................................................................................... 47 2) P rocéduralisation et contrôle des décisions publiques ...................................... 49 a) C ons titutionnalis ation du droit:contrôle des lois et des règlements au regard des droits fondamentaux de la pers onne (et des groupes ) ........ 50 b) R éaménagement des fonctions d’adminis trer et de juger ................................ 50 c) Déformalis ation des modes de règlement des conflits et des pris es de décis ion publiques ............................................................................................................ 53 La procéduralisation et son utilisation dans une théorie juridique postmoderne ..................................................................................................................... 55 R ésumé ................................................................................................................................................................. 55 Introduction ................................................................................................................................................ 55 R emarques générales sur la causalité sociale et la prise de décision en droit et en politique .............................................................................................................. 56 1) C ausalité et É tat ............................................................................................................................ 56 2) Absence de « modèle mental» commun de la société et nécessité de stimuler les processus d’apprentissage cognitif .............................................. 58 3) P rincipales différences entre la rationalité organique et la rationalité procédurale ..................................................................................................................................... 59 Structure traditionnelle des problèmes dans la prise de décision publique .................................................................................................................................................. 60 1) Législation ........................................................................................................................................ 60 2) Administration libérale ............................................................................................................. 60 3) P rise de décision judiciaire .................................................................................................... 60 4) S ynthèse ............................................................................................................................................ 60 Rationalité procédurale et prise de décision publique ........................................... 62 1) L’exemple du législateur ......................................................................................................... 62 2) La prise de décision administrative dans des domaines mal structurés .. 65 3) La prise de décision judiciaire sur des questions complexes ......................... 66 É tat social et complexité sociale ................................................................................................ 69 1) Nouveaux types de connaissances utilisés en politique sociale .................. 69 Perspective:vers la «société expérimentatrice» ............................................................ 71 1) uploads/Politique/gouvernance-dans-l-x27-union-europe-enne-pdf.pdf

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