- 3 - La Question de la tyrannie chez Aristote Marcel LAMY 1- Introduction 2- C
- 3 - La Question de la tyrannie chez Aristote Marcel LAMY 1- Introduction 2- Classement des monarchies Genèse de la tyrannie Causes de la chute des monarchies Préservation des monarchies Conseils au tyran 3- Platon Machiavel 4- Conclusion Au commencement de la Politique , Aristote affirme que la cité existe par nature et que l’homme est par nature un être politique. Il en résulte que l’homme "sans cité" , apolis , s’il l’est par nature et non par des circonstances fortuites, est soit un être dégradé ,soit un surhomme une bête ou un dieu. Le divin et ce qui s’y apparente possède l’autarcie , la pleine suffisance à soi. Dans l’ordre humain , seule la cité est autarcique et chaque citoyen est partie de ce tout. L’homme divin est à lui seul un tout, sa vertu dépasse celle de tous les autres citoyens réunis. Unique en son genre, tel un dieu parmi les hommes, on ne saurait le plier à la loi commune car il est lui même une loi "Qui songerait à commander à Zeus ou à partager avec lui le pouvoir ?"( 1284 b) .Dans une cité dont les citoyens sont semblables et égaux , chacun commande à son tour selon la loi, mais d’un tel homme , il ne reste qu’à faire un roi.( 1288 a ). Quant à l’homme bestial, incapable de vivre en société , "sans lignage , sans loi , sans foyer",homme de rapine et de violence , avide de guerre , il n’a cure ni de ses enfants, ni de son père, ni de ses amis pour satisfaire son appétit de domination. Sa démesure , son hubris , en fera un tyran s’il le peut. Pourtant , entre ces deux hommes existe une énigmatique ressemblance. "De même qu’une bête brute n’a ni vice ni vertu , ainsi en est-il d’un dieu : son état est quelque chose de plus haut que la vertu, et celui de la brute est d’un genre tout différent du vice" (E.N. 1145 a ). Si la vertu humaine réside en un milieu , il en est de même du pouvoir authentiquement politique .Hérodote rapporte que Maiandrios de Samos aurait dit à ses concitoyens assemblés : "Je place le pouvoir au milieu et je proclame pour vous la loi égale ( l’isonomie)" . Les deux formes opposées de la monarchie , royauté et tyrannie, ont en commun d’être le pouvoir d’un être "apolis", un pouvoir apolitique. Que la royauté soit la meilleure des constitutions et la tyrannie, la pire , est une thèse que Platon soutient, autrement argumentée, dans la République et dans le Politique. On sait que Socrate , dans une cité en crise , en voyait la cause dans l’ignorance des gouvernants et le remède dans une vertu-science et un pouvoir-science ,l’une et l’autre conservant leur unité à quelque domaine qu’on les applique. Selon Platon , "tout relève d’une science unique, qu’on appelle royale , politique ou économique". ( Polit. 259 c ). Mais ce qui distingue l’homme royal, ce n’est pas une vertu hyperbolique, mais sa soumission à un Principe hyperbolique, le Bien, l’Un, d’où procède la puissance ordonnatrice de la cité. Platon en propose une image dans l’Ion (535-6) : si le poète est un homme divin , c’est qu’un dieu parle par sa voix. Il en est comme d’une chaîne aimantée où la force attractive de l’aimant se transmet et s’épuise d’anneau en anneau ."le spectateur est le dernier des anneaux ; celui du milieu est le rhapsode ; le premier , c’est le poète en personne. Et la Divinité , à travers tous ces intermédiaires, attire où il lui plaît l’âme des humains , en laissant passer cette force de l’un à l’autre"( 535 e- 536 a ). C’est ainsi que se forme un ordre hiérarchique dont l’homme royal n’est que le premier anneau. Si la communication est rompue avec le Principe , la chaîne se défait et la cité s’abîme dans le désordre et l’injustice. Dans la République , le but que se fixe Socrate est que la cité tout entière reste une et non multiple ( 423 d ) : unité au sommet , unité de chaque citoyen occupé à une seule tâche, communauté parfaite entre les gardiens. On sait que la critique qu’en fait Aristote porte sur cette unité absolue (mia pantôs) à laquelle conduirait la communauté totale . "Il y a un point où , dans ce progrès vers l’unité, la cité ne sera plus une cité ou sera si proche d’une non-cité qu‘elle sera une cité dégradée, comme si d’une symphonie on voulait faire un unisson" ( 1263 b ). L’unité de Platon est apolitique . Le Politique, dans un contexte différent , ne retient pour définir la constitution véritable et divine que la possession de la science royale par les gouvernants, à l’exclusion des critères proprement politiques : "des dirigeants doués d’une science véritable et non d’un semblant de science , qu’ils gouvernent selon des lois ou sans lois , à des citoyens consentants ou contraints , qu’ils soient des riches ou des pauvres ,rien de tout cela ne doit être pris en compte pour juger de la rectitude" (293 c-d ). La conformité aux lois n’intervient qu’en seconde ressource et pour autant que les gouvernants s’efforcent d’imiter l’homme royal ( 301 a-c ). C’est l’ignorance et la passion qui font le tyran. L’homme royal , qu’il gouverne directement ou qu’il légifère , tient son pouvoir d’un Principe dont il n’est , en vérité ,que le serviteur ou le médiateur. Il faut avoir présentes à l’esprit ces thèses sur la royauté idéale pour comprendre la direction nouvelle qu’Aristote imprime à la science politique. "Comment celui qui contemple l’Idée elle-même serait il meilleur médecin ? Ce n’est pas ainsi que le médecin observe la santé , c ‘est la santé de l’homme qu’il observe ou plutôt de cet homme ci, car c’est l’individu qu’il soigne" (E.N. 1907 a ). Toutefois, si la médecine est un art rationnel ,c’est parce qu’elle s’attache à la connaissance de l’universel et , partant des faits , recherche les définitions et les causes pour établir des règles rationnellement fondés. Certes , le malade est un individu, mais l’individuel diffère du singulier , seul en son genre. Il tombe sous des règles universelles ou valables dans la plupart des cas, l’exception appelant une délibération qui est aussi une pratique rationnelle. Il existe de même une "theôria politikè" ( 1324 a 19-20). "Dans chaque domaine d‘enquête, le propre de celui qui entend philosopher et ne pas borner son regard au côté pratique des choses , c’est de ne rien négliger ni omettre , mais de rendre manifeste la vérité sur chaque chose"(1279 b). La science politique ne peut se passer d’un modèle idéal, le meilleur est norme de jugement et fin de l’action. Au modèle divin de Platon , Aristote oppose le modèle de la communauté politique idéale ( 1280 b- 1281 a ). La cité n’est pas simplement un " vivre ensemble" en vue des nécessités de la vie : s’assembler , échanger , de défendre. Sa fin véritable est la vertu , une vie parfaite et autarcique un réseau de relations sociales qui est l’œuvre de l’amitié , le choix libre de vivre ensemble. Formée de citoyens égaux et semblables, elle se gouverne "politiquement" ,chacun obéissant et commandant, à tour de rôle selon un ordre fixé par la loi. ( 1287 a ). Le règne de la loi s’oppose au règne d’un homme , la nomocratie à la monarchie, comme nomos à monos. Si l’homme royal se fait rare , la différence entre royauté et tyrannie devient problématique. "De toute nécessité , la royauté doit , ou bien n’avoir de royauté que le nom sans en être une réellement ou bien reposer sur une grande supériorité de celui qui règne" ( 1289 a-b ). Allons plus loin : au regard de la nomocratie , les deux figures de l’homme apolitique , le divin et le bestial , vont se rejoindre . "Vouloir le règne de la loi , c’est vouloir le règne exclusif de Dieu et de la raison ; vouloir au contraire le règne de l’homme , c’est y ajouter celui d’une bête , car le désir et la passion font dévier ceux qui gouvernent, fussent ils les meilleurs des hommes" ( 1287 a ). Si la loi est la raison sans le désir , il faut conclure que le divin s’est transféré à la loi. * * * * * En suivant l’ordre de l’exposé d’Aristote , nous étudierons successivement : - les différentes espèces de royauté ( III , 14 ) et de tyrannie ( IV , 10 ) .Une constitution n’a pas l’unité d’une essence , elle est un genre dont Aristote recense les espèces en s’appuyant sur une large documentation : son catalogue de 158 constitutions . Il les classe par degré de proximité par rapport au modèle idéal de la cité , étant entendu qu’une constitution uploads/Politique/ tyrannie-chez-aristote 1 .pdf
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- Publié le Mar 22, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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