Réflexions sur 17 ans de présence de l’ONU en République démocratique du Congo

Réflexions sur 17 ans de présence de l’ONU en République démocratique du Congo Notes de l’Ifri Avril 2016 Thierry VIRCOULON Marc-André LAGRANGE Programme Afrique subsaharienne L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur. ISBN : 978-2-36567-563-5 © Tous droits réservés, Ifri, 2016 Comment citer cette publication : M.-A. Lagrange et T. Vircoulon, « Réflexions sur 17 ans de présence de l’ONU en République démocratique du Congo », Notes de l’Ifri, avril 2016. Ifri 27 rue de la Procession 75740 Paris Cedex 15 – FRANCE Tél. : +33 (0)1 40 61 60 00 – Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 E-mail : accueil@ifri.org Ifri-Bruxelles Rue Marie-Thérèse, 21 1000 – Bruxelles – BELGIQUE Tél. : +32 (0)2 238 51 10 – Fax : +32 (0)2 238 51 15 E-mail : bruxelles@ifri.org Site internet : Ifri.org Auteurs Marc-André Lagrange est diplômé en développement (ISTOM) et en gestion des crises (Sorbonne), il travaille sur les conflits en Afrique centrale depuis plus d'une décennie. Après une décennie passé dans l'action humanitaire au sein d'ONG internationales dans la région des Grands lacs ainsi qu'au Tchad, Soudan, Liban. Il a travaillé sur la République démocratique du Congo pour International Crisis Group et pour les Nations unies. Spécialiste de la région des Grands lacs, ses travaux portent principalement sur l'action humanitaire en zone de conflit et la gouvernance. Thierry Vircoulon est chercheur associé à l’Ifri. Ancien élève de l’École Nationale d’Administration (ENA) et titulaire d’un master en sciences politiques de La Sorbonne, il a travaillé pour le Quai d’Orsay et la Commission européenne et a été directeur Afrique centrale pour International Crisis Group. Il a vécu en Afrique du Sud, au Kenya et en République démocratique du Congo et il enseigne actuellement à Sciences- Po les questions de sécurité en Afrique sub-saharienne. Il est l’auteur de l’Afrique du Sud démocratique ou la réinvention d’une nation et a codirigé l’Afrique du Sud au temps de Jacob Zuma et Les coulisses de l’aide internationale en République démocratique du Congo. Sommaire INTRODUCTION .................................................................................................. 4 DE MONUC À MONUSCO : LA CONSTRUCTION DE LA PLUS GRANDE MISSION DE MAINTIEN DE LA PAIX ................................................................. 5 1999 - 2006 : sortir du conflit ................................................................................ 5 2006 - 2012 : la dynamique d’enlisement ............................................................ 6 2013 - 2015 : l’échec de la tentative de rebond .................................................. 8 UN ENLISEMENT EXEMPLAIRE ........................................................................10 Le problème du non-usage de la force ................................................................ 10 Relation entre la mission et le gouvernement hôte : le point de non-retour . 14 Au cœur des contradictions : la persistance des missions fictives .................. 18 CONCLUSION : APRÈS 17 ANS DE PRÉSENCE, Y A-T-IL ENCORE UN AVENIR POUR LA MONUSCO ? .......................................................................................20 Introduction Depuis 2013 et la victoire des forces armées congolaises et des Nations unies sur la dernière menace sérieuse contre le régime, le mouvement du 23 Mars (M23), la question de la pertinence de la présence onusienne en République démocratique du Congo (RDC) se pose de nouveau. À l’instar d’autres présidents de la région, Joseph Kabila entend rester au pouvoir au-delà des limites constitutionnelles et réduire ainsi à néant toute perspective démocratique. Malgré le déploiement de la plus grande force de maintien de la paix (MONUSCO) à l’est du Congo, cette région demeure la périphérie de tous les dangers, soumise au maraudage meurtrier de groupes armés nationaux et régionaux. Enfin, le gouvernement hôte ne cesse de demander le départ de la MONUSCO qui est actuellement la mission de maintien de la paix la plus importante et la plus coûteuse du monde (plus de 20 000 hommes et 1,4 milliard de dollars de budget annuel). Faire perdurer, sans perspective de progrès, une mission de maintien de la paix dans un contexte de recul démocratique et de dé-légitimation du régime en place s’apparente au mieux à un enlisement volontaire et constitue au pire un risque politique majeur pour les Nations unies. Alors qu’en 2016 la mission onusienne de maintien de la paix en RDC va fêter ses 17 ans de présence et qu’une crise électorale semble poindre à l’horizon, une tentative de bilan s’impose. De MONUC à MONUSCO : la construction de la plus grande mission de maintien de la paix 1999 - 2006 : sortir du conflit Lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies ordonne le déploiement d'observateurs militaires en République démocratique du Congo en 1999, 6 des 9 pays africains qui s'affrontent sur le territoire congolais viennent de signer un cessez-le-feu1. Établie par la résolution 1 279 du 30 novembre 1999, la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC) a pour rôle de faire le suivi de l’application du cessez-le-feu de Lusaka et de préparer un déploiement plus conséquent2. La MONUC est alors principalement composée de 500 observateurs militaires et d’une équipe pluridisciplinaire3. De 1999 à 2006, le mandat de la MONUC est étoffé et, dès février 2000, il autorise le déploiement d’une force militaire initialement composée de 5 537 personnels militaires (c’est-à-dire d’une véritable mission de maintien de la paix)4. À partir de ce moment-là, les effectifs de la MONUC, puis la MONUSCO ne vont pas cesser d’augmenter jusqu'à atteindre 22 016 personnels en uniforme en 2016, ce qui en fait aujourd’hui la plus grande mission de maintien de la paix dans le monde5. En dépit de difficultés à s’imposer militairement dès le début de la mission, la MONUC parvient à mettre en œuvre la feuille de route de la transition pour instaurer des institutions démocratiques et stabiliser le pays. Ainsi, en 2003, suite aux conclusions du dialogue inter-congolais, facilité par l’UA et 1. Accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo, 10 juillet 1999. Ce cessez-le-feu fut négocié par l’Organisation de l’unité africaine (OUA), l’Organisation des Nations unies (ONU) ainsi que la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC). Les signataires sont l’Angola, la République démocratique du Congo, la Namibie, le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) et le Rassemblement congolais pour la démocratie, deux mouvements rebelles soutenus par l’Ouganda et le Rwanda, le signent le 1er et 31 août. 2. Résolution 1279, 30 novembre 1999, S/RES/1279 (1999). 3. Résolution 1279, 30 novembre 1999, S/RES/1279 (1999), para. 4 et 9, pages 2 et 4. 4. Résolution 1291, 24 février 2000, para. 4, page 3. 5. Faits et chiffres, site officiel de la MONUSCO, disponibles sur : www.un.org, consulté le 20 janvier 2016. 17 ans de présence de l’ONU en RDC Marc-André Lagrange et Thierry Vircoulon 6 l’ONU, un gouvernement de transition est mis en place le 30 juin 2003 et la communauté internationale s'organise au sein du Comité international d'accompagnement de la transition (CIAT)6. L’accompagnement par la MONUC du gouvernement de transition permet de mener à bien le référendum sur la Constitution en 2005 et les élections législatives et présidentielles en 2006 ainsi que les élections provinciales et sénatoriales en 2007. Sous la direction du diplomate américain Bill Swing, la MONUC s’est révélée capable d’accompagner l’instauration des institutions de la IIIe République en RDC. 2006 - 2012 : la dynamique d’enlisement Le cycle électoral ayant pris fin et le comité international d'accompagnement de la transition (CIAT) ayant été dissous, la mission doit abandonner son rôle de régulateur d'un processus de partage du pouvoir pour appuyer le fonctionnement des nouvelles institutions et la mise en œuvre de la Constitution, c’est-à-dire soutenir une démocratisation attendue par les Congolais depuis le début des années 1990. Parallèlement, sur le plan militaire, la MONUC n’a plus pour mission d’observer le cessez- le-feu de Lusaka mais d'appuyer la réforme du secteur de la sécurité, l’intégration des miliciens dans l’armée et de préparer son départ – le représentant spécial du Secrétaire général (SRSG) nommé après la transition, Alan Doss, ayant pour instruction de commencer le processus de désengagement. Mais ce scénario idéal se heurte rapidement aux réalités congolaises, à savoir la dynamique des tensions qui prévaut à l’est du Congo où de nombreux groupes armés continuent d’opérer et de commettre des exactions contre les populations en toute impunité. Une nouvelle rébellion apparaît au Nord-Kivu, dénommée le Conseil national de défense du peuple (CNDP). L'absence de réaction forte de la MONUC, suite à l'apparition du CNDP dirigé par Laurent Nkunda et à la crise de Goma7 en 2008, est interprétée comme une trahison par le gouvernement. À partir de la crise de 2008, la problématique de l’Est congolais va progressivement 6. Ouvert le 15 octobre 2001, le dialogue inter-congolais réunit 80 représentants du uploads/Politique/ reflexions-sur-17-ans-de-presence-de-lonu-en-republique-democratique-du-congo-0.pdf

  • 33
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager