Le français dans toutes ses formes 2 TABLE DES MATIÈRES Le combat entre politiq
Le français dans toutes ses formes 2 TABLE DES MATIÈRES Le combat entre politiques et rap : l’arme ultime, le verlan par Eni Toth-Bagi Indochine : la France en Extrême-Orient par Son Vu La culture créole des Drom-Coms par Madeleine Kasine Kasendue Une histoire de la Bretagne par Lyliane Doppen ……………………………p. 3 ……………………………p. 8 ……………………………p.14 ……………………………p.20 Le français dans toutes ses formes 3 Brutalité policière, incitation au meurtre, émeutes violentes : ces sont seulement quelques éléments principaux de ce combat notoire qui ne cesse de s’épuiser il y a vingt ans. Répondre à la violence avec violence, est-il vraiment une solution durable ? Alors le verlan, c’est quoi ? « Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, ce qu’il aime son pays (…) et ce qu’il ne parle pas verlan » (Nadine Morano, ex-Secrétaire d’État) Keuf, thune, beur pour n’en mentionner quelques- uns : la plupart des Français ont sans aucun doute déjà entendu ces expressions. Le verlan, très souvent utilisé par des rappeurs, est devenu l’arme verbale ultime dans la bataille intellectuelle des dernières décennies entre la politique française et les représentants des banlieues. Qu’est-ce que c’est en réalité, cette notion familière pour tout le monde et qui pourtant n’est pas vraiment connue par personne ? Souvent appelé langage de miroir ou jeu de mots, le verlan est non seulement une forme d’argot vraiment fascinante de la langue française, mais aussi une révolte linguistique. Le mot verlan, venant de la verlanisation de l’envers, consiste de l’inversion des syllabes, des phonèmes ou même des lettres non prononcées d’un mot selon des principes préétablis, afin que les formes soient codées. Récemment devenu sujet d’une préoccupation sérieuse des sociolinguistes (Sekaninová, 2012), le rôle de ce langage cryptique des non-initiés comme porteur de traits identitaires est aujourd’hui de priorité Quelques mots & expressions courants en verlan Une meuf Une femme Le tromé Le métro C’est zarbi C’est bizarre Ziva Vas-y Sakom Comme ça LE COMBAT ENTRE POLITIQUES ET RAP : L’ARME ULTIME, LE VERLAN Par Eni Toth-Bagi 15. 05. 2017. Photo : le groupe de hip-hop français Minister A.M.E.R. (1994) Le français dans toutes ses formes 4 principale dans de nombreuses études, ainsi que sa complexité unique. Grâce à sa richesse lexicale de même que son bon nombre de verlanisations, le rap français par conséquent est devenu un nouveau domaine populaire de recherche, notamment en ce qui concerne le vocabulaire substandard. La fonction ludique du verlan est sans aucun doute importante dans le rap, pourtant ce qui est absolument essentielle, c’est sa fonction identitaire. Depuis les années 1970 et 1980, le verlan est couramment employé dans les banlieues, où il joue un rôle crucial dans la constitution de l’identité des jeunes d’origine immigrée (Sekaninová, 2012). Consécutivement, dans les années 1990, l’introduction énorme des termes verlanisés a lieu dans le langage parlé, du fait du mouvement hip-hop et en conséquence, du rap (Debov, 2015). De cette manière, l’argot dont le verlan fait partie devient un argot social des banlieues, au lieu du vieil argot des malfaiteurs. Banlieues, comme ensemble des localités administrativement autonomes environnant un centre urbain en France, sont par conséquent devenues une sorte de symbole de la ghettoïsation, du racisme, aussi bien que de la violence et du chômage (Augé,1992). A travers le rap, les habitants de ces banlieues, à la recherche d’une reconnaissance politique ainsi qu’un sentiment d’appartenance, trouvent finalement un moyen de communication avec les médias et les masses (Debov, 2015). En utilisant le verlan dans leurs paroles, les rappeurs transmettent souvent des messages concernant la brutalité policière, l’injustice ou la notion de la ségrégation. L’apparition et la popularité de ces textes souvent scandaleux et controversés, attaquant la police de même que le gouvernement français ont marqué le début d’un combat entre les politiques et le rap il y a plus de vingt ans, qui ne cesse de s’épuiser. Un combat notoire « Il faut lutter contre les paroles agressives à l’encontre des autorités ou insultantes pour les forces de l’ordre et les symboles de notre République » (Manuel Valls, ex-Premier ministre français) 1995 : L’affaire « Sacrifice de poulet » En 1995, la première affaire « politico-rap » arrive devant la justice (Le Monde, 2010) : le titre du groupe Ministère A.M.E.R. nommé « Sacrifice de poulet » apparaît sur la bande originale du film La Haine, réalisé par Mathieu Kassovitz, résultant dans une polémique immédiate. Enragés, des syndicats policiers demandent au ministère de l’intérieur Jean- Louis Debré de porter plainte. Après être reconnu coupable d’incitation au meurtre, le groupe est obligé de verser une amende de 250 000 francs (environ €38,000) (Le Monde, 2010). « Cette fois encore la police est l’ennemie Je zieute la meute, personne ne pieute Ca sent l’émeute, ça commence, la foule crie vengeance Par tous les moyens nécessaires, réparer l’offense » (Ministère A.M.E.R. : Sacrifice de poulet, Bande Originale La Haine, 1995) En lisant ces paroles, c’est d’importance capitale de se rendre compte l’usage du mot meute pour signifier la foule remontée, étant donné le fait que dans les meutes de loups tout le monde se protège mutuellement. Par conséquent, la métaphore fait apparaître comment les peuples des banlieues forment tous une famille. Par ailleurs, le titre ainsi que le film est basé sur des faits réels actuels à l’époque, notamment le meurtre de Makomé M’Bowolé, jeune Zaïrois de 17 ans, tué par une balle dans la tête par l’inspecteur Pascal Compain le 6 avril 1993. Après avoir avoué un vol à la roulotte au commissariat avec ses deux amis, M’Bowolé est le seul de n’être pas relâché. L’inspecteur, en pensant pouvoir intimider le suspect afin d’obtenir des aveux, sort son arme. Bien qu’il déclare avoir tiré par accident, Compain est condamné le 15 février 1996 à Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui dans La Haine de Mathieu Kassovitz (1995) Le français dans toutes ses formes 5 8 ans de réclusion criminelle pour « violence volontaire ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner » (Tourancheau, 1995). La bavure policière s’est vue suivir par quatre jours d’émeutes, des pillages et des affrontements entre bandes et des forces de police en plein cœur de Paris. « Depuis que la droite est revenue au pouvoir, assurait un jeune manifestant d’origine tunisienne, les keufs [les flics] sont de vraies peaux de vache. Ils se sentent les rois du quartier. Délinquant ou pas, du moment que t’es frisé, t’es qu’une raclure » (Renaud, 1993). Les quatre jours bouleversants de vandalisme et de violence ont justement confirmé la tension grandissante et la haine ouverte entre policiers et groupes de jeunes d’origine immigrée. 2005 : 202 parlementaires contre le rap français Le 27 octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré, âgés de 17 et 15 ans trouvent la mort après s’être réfugiés dans un transformateur EDF, cherchant à échapper à un contrôle de police (Kokoreff et al, 2006). D’une part du fait de cette tragédie, d’autre part à cause d’une grenade lacrymogène de gendarmerie entrant l’intérieur d’une mosquée, de nombreuses émeutes se laissent provoquer dans les banlieues de Seine-Saint-Denis. Avec environ 300 bâtiments publics et privés dégradés, 9000 véhicules incendiés ainsi que 130 policiers et émeutiers blessés, la vague d’émeutes entraîne un coût total de dégâts de 250 millions d’euros (Kokoreff et al, 2006). Dans le cadre de ce chaos sociopolitique d’époque, le député de Moselle, François Grosdidier persuade 152 députés et 49 sénateurs UMP (nommé depuis 2015 « Les Républicains ») de s’associer à une plainte auprès du ministère de la justice (Le Monde, 2010). Les 202 parlementaires demandent des poursuites contre sept groupes de rap comme Monsieur R, Le 113 ou Ministère A.M.E.R. entre autres, déjà dissous depuis 1996. La cause ultime de la plainte, accusant ces groupes d’une « incitation au racisme » anti-Blancs, s’est fait exprimer par Grosdidier comme suit: « Le message de violence de ces rappeurs reçu par des jeunes déracinés, déculturés, peut légitimer chez eux l’incivilité, au pire le terrorisme ». Après le rejet de sa plante, Grosdidier lance une proposition de loi, encore sans succès, pour pouvoir condamner à l’avenir des groupes qui blessent « la dignité de l’Etat et de la France ». Émeutes à Seine-Saint-Denis (2005) © AFP Dans ce cas on entre le débat éternel de la liberté d’expression qui se manifeste clairement: Quelles sont des limites réelles de la liberté d’expression ? Doit-elle avoir des limites du tout ? Et finalement, bien sûr, quels sont les effets des paroles de rap sur les adolescents d’origine immigrée? Un des rappeurs en question, Monsieur R, fait par exemple un parallèle entre les français et les nazis, dans un titre ayant un vidéoclip où des femmes dénudées se frottent contre le drapeau français : « Mes frères musulmans sont haïs Comme mes frères juifs à l’époque du Reich De la main des nazis Un français c’est devenu question de couleur » (Monsieur R : FranSSe, Politikment Incorrekt, 2005) En même temps ces paroles représentent l’oppression et le racisme subis par des jeunes musulmans uploads/Politique/ magazine-le-francais-dans-toutes-ses-formes.pdf
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- Publié le Fev 02, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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