L’Abbé Grégoire et la naissance du patrimoine national suivi des Trois rapports
L’Abbé Grégoire et la naissance du patrimoine national suivi des Trois rapports sur le vandalisme Josiane Boulad-Ayoub L’abbé Grégoire et la naissance du patrimoine national suivi des TROIS Rapports sur le vandalisme Collection Mercure du Nord/ Verbatim Se concentrant sur le discours oral, cette collection, un sous- ensemble de Mercure du Nord, transcrit mot à mot, verbatim, les conférences sur les grands problèmes de l’heure qu’éclairent d’éminents conférenciers en lettres et en sciences humaines. Le lecteur retrouvera ainsi, rapportés sous forme de texte écrit, les débats auxquels il s’intéresse et qui se répercutent à travers le monde philosophique, social et politique. Autres titres parus dans la collection Marc Angenot, Maï-Linh Eddi et Paule-Monique Vernes, La tolérance est-elle une vertu politique ?, 2006. Clément Lemelin, L’accessibilité aux études supérieures, 2006. Michel Troper, Le gouvernement des juges, 2006. Shauna Van Praagh, Hijab et kirpan. Une histoire de cape et d’épée, 2006. Michel Guérin, La seconde mort de Socrate, 2007. Mireille Delmas-Marty, L’adieu aux Barbares, 2007. Hubert Bost, Bayle et la « normalité » religieuse, 2007. Ethel Groffier-Klibansky, Le statut juridique des minorités sous l’Ancien Régime, 2007. Bertrand Binoche, Sade ou l’institutionnalisation de l’écart, 2007. Marc Angenot, En quoi sommes-nous encore pieux ? 2008. Jules Duchastel, Mondialisation, citoyenneté et démocratie. La modernité politique en question, 2008. Paule-Monique Vernes, L’illusion cosmopolitique, 2008. Michel Jébrak, Société du savoir, néoténie et université, 2008. Marcel Dorigny, Anti-esclavagisme, abolitionnisme et abolitions, 2008. François Ost, Le droit comme traduction, 2009. Dorval Brunelle, L’autre société civile, les mouvements sociaux et la lutte pour les droits fondamentaux, 2009. L’abbé Grégoire et la naissance du patrimoine national suivi des TROIS Rapports sur le vandalisme Josiane Boulad-ayoub Les Presses de l’Université Laval reçoivent chaque année du Conseil des Arts du Canada et de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec une aide financière pour l’ensemble de leur programme de publication. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. Maquette de couverture : Laurie Patry © Presses de l’Université Laval. Tous droits réservés. Dépôt légal 1er trimestre 2012 ISBN : 978-2-7637-9833-2 PDF : 9782763798349 Les Presses de l’Université Laval www.pulaval.com Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie de ce livre par quelque moyen que ce soit est interdite sans l’autorisation écrite des Presses de l’Université Laval. Au programme de l’Université du Québec à Montréal : Architecture moderne et Patrimoine, à ses étudiants (2010-2011) et à son directeur, le professeur Réjean Legault 7 sommaire O n discute beaucoup aujourd’hui de questions liées au patrimoine culturel ; et tout comme si l’on était revenu aux débats qui ont agité l’Assemblée nationale, au temps de la Révolution française, on s’interroge avec passion s’il faut conserver à tout prix les témoins du passé, ou si, au contraire, il ne faudrait pas en faire table rase, laissant libre cours à un nouvel élan, débarrassé des vieilles scories ? La figure de l’abbé Grégoire, celui qui a forgé le terme même de vandalisme, est incontournable dans cette problématique. Chargé de faire rapport sur la question à la Législative, au nom du Comité d’instruction publique dont il était membre, il réussit à faire triompher la difficile synthèse entre ce sens du passé et cette volonté de renouveau qui partagent ses collègues députés et contribue à jeter les bases idéologiques et institutionnelles du patrimoine national. Ses arguments, les divers champs où s’applique son action multiforme, restent encore d’actualité par beaucoup d’aspects, y compris les problèmes que posent pour nous, à l’heure de la mondialisation et de la décolonisation, la définition de ce qui constitue un patrimoine national et public. Nous faisons suivre notre analyse du discours de l’abbé Grégoire, de la reproduction in extenso des célèbres trois rapports sur la lutte contre le vandalisme révolutionnaire et sur les mesures à prendre pour protéger les monuments, les œuvres d’art et les bibliothèques. 8 L’abbé Grégoire et la naissance du patrimoine national I l n’y a rien de mieux que les décrets contradictoires, votés, à un mois d’intervalle, à l’intérieur de la seule année 1792, pour mettre en relief les deux tendances qui s’opposent dans le débat sur le patrimoine pendant la Révolution : détruire ou conserver. Le 14 août 1792, c’est le décret qui autorise la destruction des symboles de l’Ancien régime et qui déchaîne l’iconoclastie, les déprédations, les dilapidations en légalisant et en facilitant le vandalisme. Mais le 16 septembre 1792, l’Assemblée législative vote la conservation des « chefs-d’œuvre des arts » qui sont menacés de disparition, de déprédation, de vol ou de friponnerie, interdisant ainsi le vandalisme et le réprimant. Encore une fois, l’abbé Grégoire se montrera capable de concilier les contraires. Il réussit à faire triompher la difficile synthèse entre ce sens du passé et cette volonté de renouveau qui partagent ses collègues députés et contribue à jeter les bases idéologiques et institutionnelles du 9 l’abbé grégoire et la naissance du patrimoine national patrimoine national. Ses arguments, les divers champs où s’applique son action multiforme, restent encore d’actualité par beaucoup d’aspects, y compris les problèmes que posent pour nous, à l’heure de la mondialisation et de la décolonisation, la définition de ce qui constitue un patrimoine national et public. Le dépassement qu’opère Grégoire sur toutes ces questions est bien annonciateur du « monde nouveau » qui oriente son action et qu’il appelle à instaurer : en même temps que naît la notion de patrimoine national, les facettes de sa réalité, les contraintes de sa gestion sont cernées et confrontées aussi bien que sont escomptées les promesses politiques, scientifiques et artistiques du développement de la « révolution culturelle » en marche. Si Grégoire est bien la conscience morale de la Révolution, il s’avère ici, en compagnie du Comité d’instruction publique dont il est membre pendant plusieurs années bien remplies, la conscience culturelle de la République. C’est qu’il ne faudrait surtout pas réduire à sa dénonciation du vandalisme le rôle joué par Grégoire dans l’édification d’une politique du patrimoine national. En révolutionnaire et en savant, soucieux de l’utile et de l’intérêt collectif, il n’entend pas seulement par patrimoine national le patrimoine monumental ou artistique. Sa lutte contre le vandalisme, comme en témoignent ses trois rapports sur la question qui lui ont été commandés par l’Assemblée nationale, fourmille d’arguments davantage 10 10 josiane boulad-ayoub politiques et moraux qu’esthétiques. Grégoire est à mon sens ici plus conservateur que novateur, introduisant l’idée d’un héritage national à préserver et favorisant la valeur exemplaire de l’œuvre d’art. On y reviendra tout à l’heure plus en détail. Paradoxalement, le Grégoire novateur et pleinement révolutionnaire se retrouve lorsque il détruit les institutions du passé mais pour mieux en créer d’autres — j’entends ici toutes les institutions culturelles qui sont aux fondements du monde nouveau dont il assure les bases avec ses collègues de l’Instruction publique. Je passerai ensuite en revue les arguments soutenant l’avènement des institutions culturelles dont la Révolution est l’initiatrice et Grégoire le principal artisan : l’Institut national qui remplace les académies, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), bien sûr, l’imposition de la langue française, langue de la raison et de la liberté, langue de l’unification de la République ensemble avec le système d’instruction publique, non seulement dans les régions de la France mais aussi destinée à remplacer les inscriptions en latin sur les monuments et le latin à la messe, l’entreprise de la bibliographie générale, la liste des savants, des gens de lettres, des artistes, bref de tous les « hommes de paix », de ces ressources humaines qui font partie du patrimoine national, envers lesquels la Patrie reconnaissante doit prodiguer ses récompenses. J’évoquerai en conclusion la position de Grégoire, grosse de discussions aujourd’hui, sur le transport en 11 11 l’abbé grégoire et la naissance du patrimoine national France des œuvres d’art de l’étranger à la faveur des conquêtes de l’armée, et son argument-maître à cet égard : les œuvres d’art retrouvent enfin dans les musées nationaux la patrie de cette liberté qui les a fait éclore. Le patrimoine monumental et les Rapports sur les destructions opérées par le vandalisme et les moyens de le réprimer Le patrimoine devient national au fur et à mesure que la notion révolutionnaire de « Nation » se consolide et s’enrichit. De même la connotation de « public » tire son importance dans l’imposition grandissante de l’intérêt collectif et du bien de la patrie sur le privé et le familial. La force des choses est aussi pour beaucoup : la confiscation des biens du Clergé (2 novembre 1789), de la Couronne (10 août 1792) et des émigrés (8 avril 1792) met l’État en charge d’un riche patrimoine immobilier et mobilier. Châteaux, églises, tableaux, sculptures, orfèvrerie, mobilier, etc. deviennent propriété de l’État. Et Grégoire en 1794 sera attentif à défendre l’idée de la responsabilité de l’État, c’est-à-dire du peuple souverain, pour sauvegarder le bien public. Dans son rapport sur le vandalisme, il souligne ce qu’exige la continuité culturelle : Les monuments doivent être protégés en vertu de l’idée que les uploads/Politique/ labbe-gregoire-et-la-naissance-du-patrimoine-national-by-josiane-boulad-ayoub.pdf
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- Publié le Apv 20, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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