Abdel Wedoud OULD CHEIKH LA SOCIETE MAURE CONTRIBUTION A L'ETUDE ANTHROPOLOGIQU
Abdel Wedoud OULD CHEIKH LA SOCIETE MAURE CONTRIBUTION A L'ETUDE ANTHROPOLOGIQUE ET HISTORIQUE D'UNE IDENTITE CULTURELLE OUEST-SAHARIENNE Dossier d'habilitation à la Direction de Recherche présenté devant l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Paris Octobre 1999 2 "…tout le monde sait que les diables ont peur des machines". Lieve JORIS, Mali Blues (Actes Sud, 1999) 3 PLAN Note sur la transcription.............................................................. p. 5 Introduction ......................................................................... p. 6 I. Structures et conjonctures.............................................. p. 15 1. Nomadisme........................................................................... p. 16 2. Territoire............................................................................... p. 22 3. Echanges.............................................................................. p. 27 4. Histoire(s)............................................................................. p. 36 4. 1. Les Almoravides......................................................... p. 38 4. 2. La société Sanhâja méridionale au XVe s......................... p. 40 4. 3. Les Banî Hassân et l'arabisation................................... p. 41 II. Ordres, Tribus, Émirats.................................................. p. 45 1. Les ordres............................................................................. p. 45 2. La Qabîla.............................................................................. p. 50 3. Pouvoir tribal et pouvoir émiral.............................................. p. 54 4. Parenté et pouvoir................................................................. p. 57 III. Religion et pouvoir.......................................................... p. 60 1. ‘Asabiyya tribale et ‘asabiyya étatique................................. p. 61 2. La question de l'imâm............................................................ p. 67 2. 1. Le(s) modèle(s) califien(s)............................................. p. 67 2. 2. L'Etat des docteurs..................................................... p. 68 3. Une "terre d'insolence" ?........................................................ p. 70 3. 1. Le temps de la peur et les lois du silence........................ p. 70 4 3. 1. 1. Wuld Billa‘mash........................................ p. 71 3. 1. 2. Sh. Sîdi Muhammad.................................. p. 72 3. 1. 3. Sh. Sidiyya............................................... p. 76 3. 2. Sh. Muhamd al-Mâmi et la réforme du purgatoire............ p. 78 4. Shurbubba et ses usages...................................................... p. 84 4. 1. Shurbubba : un mythe de fondation ?............................ p. 85 4. 2. La conjoncture............................................................ p. 97 4. 3. Arabes et Berbères..................................................... p. 100 4. 4. La caravane et la caravelle........................................... p. 103 5. Éléments d'une économie politique du miracle....................... p. 112 5. 1. L'accumulation primitive du capital charismatique........... p. 112 5. 2. Investissements, risques et profits................................ p. 113 5. 3. Administration de l'invisible, gestion de la violence et centralisation émirale............................................................... p. 116 IV. Capitaux symboliques......................................................p. 121 1. Les deux corps de l'imâm....................................................... p. 122 2. ‘Ilm et walâya........................................................................ p. 127 V. Du bon usage de la trahison........................................... p. 152 1. Philologie et philologisme....................................................... p. 153 2. Les cultures sont-elles traduisibles ?..................................... p. 159 3. Un souverain malentendu...................................................... p. 177 3. 1. al-Haswa al-baysâniyya de Sâlih w. ‘Abd al-Wahhâb....... p. 178 3. 2. La correspondance de Sh. Sidiyya avec les amîr-s Trârza p. 185 3. 3. Saint-Louis du Sénégal et les amîr-s............................. p. 189 Conclusion.............................................................................. p. 199 Bibliographie.......................................................................... p. 208 5 Note sur la transcription 6 INTRODUCTION Si toute histoire est contemporaine comme le suggérait Benedetto Croce, il faudrait admettre que toute anthropologie est historique. Si aucun regard porté sur l'histoire ne peut l'être indépendamment des valeurs, des préoccupations et des outils de lecture imposés par le présent, aucune vision articulée des sociétés autres et de leur altérité, surtout les plus archaïques d'entre elles, celles qui constituaient traditionnellement l'objet privilégié des anthropologues, ne peut échapper à une prise en considération de la dimension diachronique qu'appelle inévitablement la comparaison entre la société observée et celle de l'observateur. L'attention au poids des événements historiques qui affecte l'organisation de ces sociétés et ses transformations s'impose peut-être davantage encore aux sociologues ou anthropologues indigènes — j'hésite sur l'affectation professionnelle de cette corporation hybride que sa double non appartenance aux univers "traditionnels" et à la rationalité post-cartésienne expose à toutes sortes d'interrogations sur sa propre histoire — qui, à la différence de leurs collègues venus du "Nord", n'ont pas seulement ces sociétés pour objet de recherche, mais doivent encore y vivre et participer à quelque degré de leur destin en tant que "sujets" de leur propre histoire. Pour peu, toutefois, qu'ils aient lu La pensée sauvage, ils échapperont peut-être au pathos de l'opposition "tragique" illustrée ici et là par quelque bildungsroman du déchirement colonial et postcolonial entre "modernité" et "tradition"1, entre immobilité ethnologique et "chute" dans l'histoire, entre l'épistémologie du ressentiment et la soumission résignée au regard désenchanté et désenchanteur qui les dépossède de leurs tristes tropiques, entre ethnologie et histoire, s'ils veulent seulement admettre qu'au fond les ethnologues qu'ils ne se résignent pas vraiment à être, les historiens qu'ils aimeraient parfois devenir et les indigènes qu'ils ne parviendront sans doute jamais à liquider en eux — c'est bien connu, plus "l'assimilé" donne de gages de son assimilation, plus il est suspect — tout ce monde pourrait bien être logé à la même enseigne en matière d'intellection : le "bricolage". La pensée de l'indigène, toute pensée — puisque la "pensée sauvage" est la pensée première —, avait dit Lévi-Strauss, "bricole". Oserai-je suggérer que le travail de l'historien, comme celui de l'anthropologue, indigène ou allogène, ne sont pas sans présenter quelques analogies avec la démarche du "bricoleur" ? Comme lui, en tout cas, ils travaillent sur des restes et avec des restes (monuments, archives, objets, coutumes, langues …), et comme lui ils sont accoutumés à accumuler des objets hétéroclites et n'apprécient guère que "l'on fasse le ménage" dans leurs ateliers ("il ne faut rien jeter, ça peut toujours servir …"). 1 L'aventure ambiguë (Paris, UGE 10/18, 1972) du sénégalais Cheikh Hamidou Kane, constitue un exemple souvent cité de ce genre de littérature pour l'Afrique de l'ouest francophone. 7 Plus sérieusement, les différences entre anthropologie, sociologie et histoire, ne peuvent plus guère de nos jours, si elles l'ont jamais légitimement été, être référées à une différence d'objet. La "coca-colonisation" universelle et la chute du mur du son ont, semble-t-il, définitivement brisé, sur des modes naturellement ambigus, inégaux et n'excluant pas, ici et là, quelques accès de "retour à la tradition", l'isolement des espaces les plus reculés de la planète. Qu'on le déplore, ou qu'on s'en réjouisse, partout les "sociétés primitives" semblent avoir vécu. Réfléchissant naguère sur l'avenir de l'ethnologie, Claude Lévi-Strauss, en acteur et observateur attentif de ce qui n'était pas encore (si mal) nommé la "mondialisation", en avait esquissé quelques-unes des conséquences majeures pour une discipline qui lui doit la contribution que l'on sait. Il notait déjà (Lévi-Strauss, 1984 : 19) à la fin des années cinquante, qu'entre "1900 et 1950, près de 90 tribus ont disparu au Brésil" et qu'"au lieu d'une centaine, 30 à peine restent isolées". Et qu'enfin, "quinze langues se sont perdues en moins de cinquante ans." Il y avait, bien sûr, les maladies — en partie propagées par les conquérants, anciens et nouveaux — et la misère qui, quand elles n'avaient pas des conséquences fatales pour les "indigènes", les transformaient à tout le moins en "indigents", voués à la marginalité économique et institutionnelle et désormais disponibles pour toutes les hypothétiques bienfaisances venues d'ailleurs. Mais l'amenuisement du nombre des "primitifs", dont s'alarmait aussi Malinowski2, n'était pas l'unique danger qui menaçait l'avenir du travail ethnologique. Là où ces populations connaissaient un épanouissement démographique observable, c'est-à-dire en Afrique, les anthropologues devaient faire face de leur part à "une intolérance croissante vis-à-vis de l'enquête ethnographique" (Lévi-Strauss, 1984 : 20). "Tout se passe donc, résume Lévi-Strauss, comme si l'ethnologie était sur le point de succomber à une conjonction nouée par des peuples dont certains se refusent à elle physiquement, en disparaissant de la surface de la terre, tandis que d'autres, bien vivants et en plein essor démographique, lui opposent un refus d'ordre moral." (idem : 20). L'auteur des Structures élémentaires de la parenté entrevoit la parade au refus de soi par disparition physique des primitifs et à la menace de désœuvrement à laquelle il expose les anthropologues dans le recours à la masse énorme des documents accumulés par les générations antérieures de chercheurs, qui sont loin d'avoir tous été analysés. Plus embarrassante, sans doute, apparaissait la résistance à l'analyse affichée par les populations analysables et démographiquement encore en bonne santé. Lévi-Strauss évoque, pour parer à cette résistance, l'idée qui serait surtout d'origine américaine, d'une "ethnologie généralisée" par laquelle les ethnologues occidentaux, après avoir formé des collègues issus des populations qu'ils étudient, s'offriraient, eux et leurs sociétés, à ces derniers comme objet d'étude. 2 "A l'heure où l'ethnologie devient maîtresse des ses outils, voilà que le matériau sur lequel porte son étude disparaît avec une rapidité désespérante" (Malinowski, 1963 : 75) 8 Mais cette solution ne lui sourit guère, et il s'en explique : elle menacerait le fondement même et le but du travail anthropologique — la recherche d'invariants culturels à travers une multiplicité de cultures — puisqu'elle réduirait progressivement à néant, les spécificités de chaque culture "qui ne consisterait plus qu'en une image déformées de toutes les autres". Elle ignore surtout, cette solution naïve, que la bonne volonté et les efforts de réciprocité ne peuvent venir à bout des rapports de domination et d'inégalité qui ont rendu possible l'ethnologie, pas plus qu'ils ne parviendraient à convaincre les "primitifs", ethnologues formés ou hommes du commun, de la "sauvagerie" de leur nouvel objet. "Ceux-ci craignent, écrit-il, que sous le couvert d'une vision ethnographique des faits humains, nous n'essayions de faire passer pour une diversité souhaitable ce qui leur apparaît comme une insupportable inégalité. Avec la meilleure des bonnes volontés, nous ne réussirons jamais à nous faire admettre comme leurs "sauvages". Car, du temps que nous uploads/Politique/ la-societe-maure.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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