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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Revue administrative. http://www.jstor.org Presses Universitaires de France JUSTICE ET POLITIQUE AU DEBUT DE LA TROISIEME REPUBLIQUE : La carrière du procureur général Victor Delise Author(s): Christophe CHARLE Source: La Revue administrative, 38e Année, No. 224 (MARS AVRIL 1985), pp. 132-137 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40780783 Accessed: 21-10-2015 12:39 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 150.135.239.97 on Wed, 21 Oct 2015 12:39:56 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA BEVUE ADMINISTRATIVE JUSTICE ET POLITIQUE AU DEBUT DE LA TROISIEME REPUBLIQUE : La carrière du procureur général Victor Delisen par Christophe CHARLE Chargé de recherches au C.N.R.S. La magistrature du XIXe siècle n'a pas bonne presse. Caricaturée par Daumier comme vénale, impi- toyable et aveugle, déshonorée par les procès litté- raires où elle a servilement persécuté Flaubert et Baudelaire entre autres au nom d'une morale étri- quée, elle a été en outre fort malmenée par le pou- voir politique qui à chaque révolution n'a pas craint de remettre en cause directement ou indirectement l'inamovibilité théorique des magistrats du siège. Quant aux membres du Parquet, ils avaient le choix entre l'allégence rapide ou la démission « spontanée ». La cause semble donc entendue. Ce corps de fonc- tionnaires, peu à peu dépouillés du lustre parlemen- taire d'Ancien Régime, serait devenu une des voies d'ascension commode pour les opportunistes ou les ambitieux qui rongent leur frein dans une petite ville de province comme avocat ou notaire. Il serait surtout l'incarnation de tous les principes d'ordre et de conservatisme de la classe dirigeante, des nota- bles comme on disait alors. Cette image est pour partie vraie comme l'a confirmé une enquête statis- tique parue récemment (1) sur la magistature du Second Empire. Mais elle reste superficielle car exté- rieure à son objet. Dans la Justice comme au Théâ- tre en effet, ce qui compte c'est la coulisse plus que la scène. Pour ces hommes en robe se conforment au rôle que le gouvernement veut qu'ils jouent - défendre l'ordre social mais aussi politique car les procès de presse sont une arme redoutable contre les opposants - il faut choisir judicieusement pour qu'en cas de crise ils ne faillissent pas à leur mission. Les dossiers personnels des Archives nationales ne permettent qu'imparfaitement de saisir tout le jeu des influences politiques et sociales qui décident de l'ascension ou des difficultés de tel juge ou procu- reur. Surtout les fonctionnaires n'y sont vue que du dehors par leurs supérieurs. Comprendre leur stra- tégie, leurs attentes, leur manière de conquérir les faveurs des maîtres de l'heure ou se garder de leurs rancœurs n'est pas possible en général avec ces dos- siers. Seules des sources privées l'autorisent. Nous avons eu la chance qu'un des descendants du procu- reur. Surtout les fonctionnaires n'y sont vus que du 1881, nous prête la correspondance de ce magistrat qui donne à voir tous ces petits et grands côtés de la Justice, au cours d'une décennie où la magistrature est victime des luttes politiques qui marquent l'avè- nement de la Troisième République. Suivre les tribu- lations de ce procureur c'est à la fois saisir du dedans l'histoire quotidienne du troisième pouvoir et dé- monter les rapports de complicité et d'hostilité qui le lient à l'exécutif. Un républicain « conciliant » : Lorsque Victor Delise est nommé d'emblée procu- reur général à Caen au début de septembre 1870, il n'est pas pour autant un novice qui profite de l'épu- ration menée tambour battant par le ministre de la Justice du gouvernement de la Défense nationale, Crémieux. Agé de 47 ans, Delise a déjà connu lui aussi le sort du procureur général révoqué dont il prend la place. Républicain par tradition familiale (son père servit dans les armées de la Révolution) il a été substitut en 1848, mais il préféra démission- ner lors du coup d'Etat du 2 décembre 1851. Près de 19 ans plus tard, il tient sa revanche. Avocat sous l'Empire à Lisieux il n'est pas resté inactif et a été mêlé aux luttes électorales de plus en plus vives qui marquent la fin du régime. Ce dévouement à une cause fragile lui a fait nouer des amitiés poli- tiques qui le servent lors du changement de pouvoir. Notamment il est protégé par Dufaure qui va occu- per à plusieurs reprises des fonctions très impor- tantes de président du conseil ou de ministre de la Justice entre 1871 et 1876. Cependant sa nomination n'est pas un cadeau. La tâche est difficile pour un républicain en Basse-Nor- mandie. Les paysans, la prospérité agricole aidant, y sont très attachés à l'Empire déchu. Dans un rap- port du 23 mai 1871 il écrit : (*) Nous tenons ¡ci à marquer toutes notre gratitude à M. Robert Chapuis qui nous a libéralement autorisé à étudier les papiers privés de Victor Delise qu'il détenait. Sauf men- tion contraire en note toutes les citations de cet article sont extraites de la correspondance de Victor Delise. (1) Cf. J.-P. Royer, R. Martinage et P. Lecocq, Juges et no- nables au XIXe siècle, Paris, P.U.F., 1982. - 132 - This content downloaded from 150.135.239.97 on Wed, 21 Oct 2015 12:39:56 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions DOCTRINE ET INFORMATION GENERALE «'L'Empire est resté je le crains sympathique dans beaucoup de campagnes » (2). Son collègue et ami, Achille Delorme, préfet du Calvados, note également que les fonctionnaires nouvellement nommés doivent être prudents face à une opinion défiante ; » Le dépar- tement du Calvados a accepté la République sans enthousiasme mais pas la nature même du carac- tère de ses habitants, il ne manifeste contre elle aucune hostilité. Il est évidemment nécessaire de compter avec ces dispositions ; une grande prudence est donc nécessaire, sinon l'on courrait le risque d'effaroucher une population généralement défiante. C'est par la modération et sans fracas qu'il faut républicaniser le pays ». (3) Ce que fit Delise aux dires mêmes de son successeur qui pourtant ne par- tageait pas ses options politiques : « Investi, par un décret qu'il n'avait pas hâté, des plus difficiles fonctions, M. Delise les avait accep- tées avec les intentions les plus conciliantes et la pensée de s'opposer, autant qu'il croyait pouvoir le faire, à des excès qui ne demanderaient qu'à naître, à d'ardentes compétitions déjà manifestées. Bien des magistrats lui doivent d'avoir été épargnés par cette sorte de tourmente qui, bouleversant toute hiérar- chie, sans discernement aucun et au seul gré d'appé- tits à satisfaire, ravageait la magistrature d'autres ressorts ». (4) Sa modération s'explique par sa situa- tion de notable assez peu différent de ses prédéces- seurs immédiats. Bien renseigné sur l'atmosphère politique par son ami Delorme élu à l'Assemblée nationale en février 1871, il est au diapason du conser- vatirme républicain qui inspire le gouvernement de Thiers à cette époque. Mais sa situation politique devient difficile lorsque le gouvernement de Thiers est renversé le 24 mai 1873 par une majorité nette- ment plus à droite qui rêve de restaurer la monar- chie. Le gouvernement d'Ordre Moral, apeuré par le succès de candidats radicaux aux élections partiel- les, veut reprendre en main le rempart de l'ordre, la Justice. Entre le 30 mai et le 20 août 1873 les principaux parquets changent de titulaires. Par four- nées successives les procureurs ou avocats généraux d'Aix, Dijon, Limoges, Chambéry, Rouen, Bordeaux, Bourges, Besançon, Lyon, Nîmes, Agen, Toulouse sont mutés ou remplacés. La situation de Delise devient de plus en plus intenable à Caen car la plu- part des députés des trois départements de son res- sort soutiennent la majorité d'Ordre Moral et veu- lent la tête de notre procureur général. Le 14 juin 1873, il reçoit la lettre suivante : « J'apprends de source certaine que quelques dépu- tés d'une partie de votre ressort ont fait une démar- che à la Chancellerie pour demander que les fonc- tions de procureur général vous soient ôtées. Le ministre est un peu hésitant et d'après les rensei- gnements que l'on me donne serait disposé à accep- ter la combinaison d'un changement s'il entrait dans vos idées et dans vos convenances de le demander ». Pour parer le coup qui s'annonce, un ami envi- sage de lui ménager une entrevue avec le Président de la République, Mac Mahon, mais sans se faire trop d'illusion, le maréchal se désintéressant des ques- tions de personnel, sauf quand il s'agit de l'armée: « Pour tous ceux qui lui sont inconnus, le maré- chal reste étranger à toutes les questions se ratta- chant au personnel administratif ou judiciaire. uploads/Politique/ justice-et-politique.pdf

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