Économie & prévision L'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique écon

Économie & prévision L'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique économiques Jean-Pierre Laffargue Citer ce document / Cite this document : Laffargue Jean-Pierre. L'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique économiques. In: Économie & prévision, n°56, 1982-5. pp. 3-40; doi : https://doi.org/10.3406/ecop.1982.3212 https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1982_num_56_5_3212 Fichier pdf généré le 11/05/2018 Résumé L'apport du monétarisme à l'analyse et la politique économique, par Jean-Pierre Laffargue. Le monétarisme s'est d'abord développé aux Etats-Unis, pays où la conjoncture est peu dépendante de celle du reste du monde et a élaboré son analyse dans le cadre théorique d'une économie fermée. Sa démarche est essentiellement inductive. Ses études empiriques concluent que les fluctuations de l'offre de monnaie sont une cause essentielle de celles de l'activité économique et que l'augmentation du taux d'expansion monétaire a un effet positif mais transitoire sur le volume de la production et de l'emploi, avant de se traduire par un simple accroissement de l'inflation. Une interprétation théorique simple de ces résultats est possible à partir d'une fonction de demande de monnaie, stable en longue période, et d'une équation de Phillips. Enfin, le monétarisme conclut que la politique économique doit surveiller et contrôler l'évolution de la masse monétaire, ou même assurer une croissance de celle-ci à un taux constant, tout en évitant d'accorder trop d'importance aux mouvements des taux d'intérêt. Les Etats-Unis d'après 1 979 nous donnent une expérience monétariste récente riche d'enseignements. Beaucoup d'économistes se sont interrogés sur la validité de ce monétarisme (développé par Friedman) pour des économies très ouvertes sur l'extérieur. En changes fixes tous sont d'accord pour admettre que dans le long terme les autorités d'un pays de petite taille n'ont aucun contrôle sur sa masse monétaire (en l'absence de dévaluation). Certains monétaristes ont prétendu qu'il en était de même dans le très court terme, mais cette opinion semble en contradiction avec les résultats des études empiriques. Pour un petit pays, la validité du monétarisme de Friedman serait un peu affaiblie mais resterait quand même largement valide. En changes flexibles, presque tous les économistes reconnaissent que les autorités d'un tel pays peuvent contrôler sa masse monétaire. Certains monétaristes ont proposé d'expliquer les fluctuations du taux de conversion entre deux devises à partir de celles de leurs offres respectives. Les vérifications empiriques ont cependant montré que cette explication était insuffisante et, depuis, elle a fusionné avec plusieurs autres, perdant ainsi sa spécificité. Ces analyses sont cette fois illustrées par l'expérience britannique d'après 1949. Abstract The contribution of monetarism to economic analysis and policy, by Jean-Pierre Laffargue. The monetarist theory was first developed in the United States, a country where economic conditions do not depend to any large extent on those prevailing in the rest of the world, and its analysis was worked out in the theoretical context of a closed economy. Its approach is basically inductive. Its empirical studies lead to the conclusion that fluctuations in the supply of money are an essential cause of alterations in economic activity, and that the increase in the rate of monetary expansion has a positive but brief effect on the volume of production and employment, which subsequently is converted into a simple rise in inflation. A simple theoretical interpretation of the results is possible by means of a function of money demand, stable over a long period, and a Phillips equation. Finally, the monetarist theory concludes that the role of economic policy is to watch and control the trend of the quantity of money, or even to maintain its increase at a constant rate, while refusing to accord too much importance to the fluctuations of interest rates. The United States has given us, since 1979, an experience in monetarism which provides a wealth of information. Many economists have questioned the validity of this monetarist theory (developed by Friedman) for economies which are extremely open to external influences. In fixed exchanges, all agree that on a long-term basis government authorities of a small country have no control over its money supply (in the absence of devaluation). Certain monetarists claim that this is also true on a very short-term basis, but this opinion seems to be in contradiction with results of empirical studies. For a small country, the validity of Friedman's monetarism would appear to be somewhat diminished, but to a large extent it would remain valid. In flexible exchanges, almost all economists recognize the fact that government authorities of such a country can control its money supply. Certain monetarists have attempted to explain the fluctuations in the rates of conversion between two currencies in terms of changes in their respective supplies. The empirical verifications have, however, shown that this explanation was insufficient and, since then, it has merged with several other theories, thereby losing its specific &9£M? Jean-Pierre Laffargue, professeur à l'Université de Lille II, chercheur au Cepremap Dans la période qui précéda et suivit la Seconde Guerre Mondiale, le «National Bureau of Economie Research» (NBER) rassembla un montant considérable d'informations quantitatives sur le cycle des affaires aux Etats-Unis depuis le début du 19e siècle. En recourant à des méthodes de statistique descriptive, il identifia aussi un certain nombre de régularités dans les fluctuations de l'économie américaine et en déduisit des éléments d'une interprétation théorique. Friedman poursuivit cette recherche et nota une relation étroite et stable entre les fluctuations de la masse monétaire et celles de l'activité économique. Mais Friedman n'est pas le seul théoricien ayant cherché la liaison de court, de moyen ou de long terme entre l'offre de monnaie et l'économie réelle. L'ensemble de ces travaux est en tout cas assez mal connu en France, c'est pourquoi la Direction de la prévision a demandé une étude sur ce problème au Cepremap et plus particulièrement à Jean-Pierre Laffargue. D'après Friedman, les facteurs déterminant l'offre de monnaie ayant fortement varié sur la période de plus d'un siècle étudiée, il apparaît que la stabilité de long terme de cette liaison montrait que les variations de l'offre de monnaie furent une cause essentielle de celles de l'activité économique. Il proposa d'expliquer cette relation à l'aide de deux éléments théoriques : une fonction de demande de monnaie qui se modifierait peu et lentement au cours du temps et une équation de Phillips. Il conclut de ses résultats que la stabilité de la conjoncture requiert que les autorités assurent une croissance régulière de l'offre de monnaie. Ultérieurement, les économistes s'interrogèrent sur la validité du monétarisme pour des pays beaucoup plus dépendants de l'environnement international que les Etats-Unis. Certains avancèrent la thèse qu'en régime des changes fixes les prix et les taux d'intérêt d'un petit pays lui sont imposés par son environnement international. Comme ces variables sont les arguments de sa demande de monnaie, celle-ci et le monde extérieur détermineraient la masse monétaire intérieure sur l'offre de laquelle les autorités nationales n'auraient aucun contrôle. Les vérifications empiriques infirmèrent cette thèse et montrèrent que le monétarisme de Friedman restait largement valide pour un pays de petite taille. Il ne s'est pas encore développé d'orthodoxie monétariste très claire en régime des changes flexibles. Presque tous les économistes reconnaissent qu'alors les autorités d'un petit pays peuvent contrôler sa masse monétaire. Certains monétaristes ont proposé d'expliquer les fluctuations du taux de conversion entre deux devises à partir de celles de leurs offres respectives. Les vérifications empiriques ont cependant montré que cette explication était insuffisante et, depuis, elle a fusionné avec plusieurs autres, perdant ainsi sa spécificité. Nous tenons à remercier la Direction de la prévision qui a financé cette recherche et organisé deux séminaires où nous avons exposé des résultats préliminaires et bénéficié des remarques et conseils des participants. Notre gratitude va aussi à ceux qui nous ont encouragé dans ce travail, nous ont fait des suggestions et critiques, ou avec qui nous avons pu discuter du monétarisme, de la théorie néoclassique et de la modélisation macroéconomique, tout particulièrement MM. Delange, Fourgeaud, Grandmont, Laskar, Lenclud, Malgrange, Mathis, Melitz et Nasse. Mme Daigremont mérite une mention spéciale pour son aide et sa patience. Bien sûr, nous sommes le seul coupable des erreurs et imperfections que contient cet article. Avoir à écrire un rapport sur le monétarisme apparaît de prime abord comme une aventure dangereuse dont on ne retirera que des fruits amers. Le monétarisme a mauvaise presse en France. Certains lui font un procès politique: il serait de droite, même d'extrême-droite, et responsable de la ruine (sinon de la répression du Chili, de la Grande-Bretagne, etc. D'autres l'accusent de dogmatisme: stabiliser l'évolution de la masse monétaire déstabiliserait celle des taux d'intérêt; condamner les politiques économiques discrétionnaires au profit de règles serait oublier que la politique est un art avant d'être une science. En progressant dans notre recherche nous ne sommes peut-être pas devenu monétariste, mais nous avons constaté que les multiples procès faits à cette analyse étaient souvent malhonnêtes. Bien que les membres de cette école aient pu le surestimer, l'apport du monétarisme à l'analyse et à la politique économiques est considérable et ses critiques nous semblent souvent faire preuve d'un a-priorisme primaire. Nous demandons donc au lecteur un peu d'indulgence pour uploads/Politique/ ecop-0249-4744-1982-num-56-5-3212-pdf.pdf

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