Guy Rocher sociologue, Université de Montréal (1986) “Droit, pouvoir et dominat

Guy Rocher sociologue, Université de Montréal (1986) “Droit, pouvoir et domination” Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de l’article de : Guy Rocher, “Droit, pouvoir et domination”. Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 18, no 1, avril 1986, pp. 33-46. Montréal: PUM. M. Guy Rocher (1924 - ) professeur de sociologie et chercheur au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal. [Autorisation formelle réitérée par M. Rocher le 15 mars 2004 de diffuser cet article et plusieurs autres.] guy.rocher@umontreal.ca Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 13 avril 2004 à Chicoutimi, Québec. Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 3 Table des matières Introduction I. Le débat sur le pouvoir a) Le pouvoir: une notion contestée b) Les définitions volontaristes c) Les définitions systémiques d) Les définitions critiques II. Droit, pouvoir et domination, selon Max Weber a) Pouvoir et domination b) Le droit, comme légitimité de la domination c) Le droit et les structures de domination III. Quelques réflexions sur une sociologie du droit et des pouvoirs a) Le pouvoir dans la définition du droit b) Le droit et les rapports de pouvoir et de domination c) Le symbolisme dans le droit, le pouvoir et la domination Conclusion Résumé Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 4 Introduction Retour à la table des matières Au cours du dernier quart de siècle, les sciences sociales, particulièrement la science politique et la sociologie, ont été le lieu d'une intense réflexion et de vifs débats sur le thème du pouvoir. Non pas que ce thème soit nouveau, bien sûr; il a occupé depuis l'Antiquité une place importante dans la pensée de bien des philosophes, et parmi les plus grands. Ce fut particulièrement le cas de ceux d'entre eux qui s'interrogèrent sur les conditions de la « bonne cité » ou de la « cité idéale », sur la société civile et l'État, sur les rapports au sein de la collectivité humaine. Évoquons les noms de Platon et d'Aristote, dans l'Anti- quité, de Cicéron et d'Augustin sous l'Empire romain, de Thomas d'Aquin et Abélard au Moyen Âge, Francis Bacon et Thomas Hobbes à la Renaissance. Et plus près de nous, à l'époque contemporaine, Hegel, Marx, Nietzsche, Bertrand Russell. Mais pour tous ces philosophes, la notion même de pouvoir ne faisait guère problème. Ils employaient le terme dans le sens usuel que lui attribue depuis longtemps le langage courant, c'est-à-dire la capacité de contraindre, par la force ou autrement, et de régir ou dominer les autres. Ou encore, ils désignaient par ce terme tout simplement l'État ou les détenteurs du pouvoir politique. Or, c'est précisément cette notion qui a été reprise et remise en question récemment dans la science politique et la sociologie. Le besoin s'est fait sentir de préciser cette notion, jugée trop facilement équivoque ou trop Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 5 pluridimensionnelle, compte tenu de l'usage accru qu'on en faisait, soit dans des écrits théoriques, soit dans des recherches empiriques. La démarche de cette réflexion et les débats qui l'ont entourée sont du plus haut intérêt pour la sociologie du droit. À divers égards, le droit appartient à l'analyse du pouvoir ou des pouvoirs; inversement, l'exercice du pouvoir ou de pouvoirs passe souvent par le droit. On a d'ailleurs eu - et on a encore - beaucoup trop tendance à identifier droit et pouvoir politique, ce qui n'est pas nécessairement faux, mais qui demeure une vue bien partielle des choses si elle empêche de constater que « le pouvoir est partout... qu'il vient de partout 1 » et que les rapports entre le droit et les pouvoirs débordent large- ment les seuls rapports entre le droit et le pouvoir politique. Il est donc important pour la sociologie du droit de reprendre le fil du débat sur le pouvoir, et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la réflexion sur le pouvoir, dans son sens abstrait et général, aidera la sociologie du droit à échapper à une certaine « idéologie juridique » qui entraîne à ne considérer le droit que dans la seule et trop étroite perspective du pouvoir politique 2. S'il est vrai que le droit est, pour une large part, une émanation de l'État, en même temps qu'il en est sa légitimation, il est essentiel à la sociologie du droit de reconnaître les rapports du droit avec les multiples autres pouvoirs dans la société, particulièrement dans la société moderne. En second lieu, dans la mesure où l'on peut dire du droit qu'il est « un discours de pouvoir 3 », la réflexion déjà engagée sur le pouvoir est peut-être susceptible de contribuer à doter la sociologie du droit de fondements théoriques qui lui font encore gravement défaut. Enfin, on peut aussi espérer que la notion de pouvoir pourra contribuer à cerner d'une manière plus rigoureuse les rapports entre le droit et les autres institutions ou sous-systèmes de la société ou du système social (selon le langage que l'on veut employer). C'est dans cette perspective et inspiré par ces objectifs que nous nous situons ici. Nous commencerons par revenir sur le débat sur le pouvoir, pour voir ensuite la contribution particulière de Max Weber et enfin en tirer quel- ques réflexions pour la sociologie du droit. 1 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, la Volonté de savoir, Paris, N.R.F., 1976, p. 122. 2 Jean-Guy Belley, « Les sociologues, les juristes et la sociologie du droit », Recherches sociographiques (1983), 24, 263-282 et « Du juridique et du politique en sociologie du droit: à propos de la recherche 'Droit et société urbaine au Québec' », la Revue juridique Thémis (1982-1983), 17, 3, 445-459. 3 Danièle Loschak, « Le droit, discours de pouvoir », dans: Itinéraires. Études en l'honneur de Léo Hamon, Paris, Economica, 1982, pp. 429-444. Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 6 I. Le débat sur le pouvoir a) Le pouvoir: une notion contestée Retour à la table des matières Trois facteurs ont particulièrement contribué à faire naître et à nourrir le débat sur le pouvoir au cours des dernières décennies. Désignons le premier sous le thème général de la montée des pouvoirs. Inflation d'abord, bien sûr, des pouvoirs de l'État, dans les sociétés capitalistes libérales et plus encore dans les sociétés socialistes. Les différents paliers de gouvernement, du niveau local à l'international, se sont vus investis de fonctions nouvelles et ont étendu leur champ d'action. Mais également, multiplication des lieux et des sources de pouvoir hors de l'État: partis, mouvements, associations, médias d'informa- tion, opinion publique. Un système complexe de rapports de forces s'est élaboré entre ces diverses « machines à pouvoir ». L'analyse de la société con- temporaine ne se conçoit pas sans une certaine compréhension de cette dynamique. Un second facteur relève de l'ordre de la connaissance: il s'agit de l'évo- lution de la science politique. Tant que celle-ci fut dominée soit par les juristes - en France notamment - soit par les économistes, le fonctionnement et l'action de l'État furent son objet privilégié, sinon exclusif d'étude. Mais dans la mesure où elle a acquis une certaine autonomie, la science politique est devenue de plus en plus la science du pouvoir ou des pouvoirs. La notion de pouvoir est ainsi devenue centrale à la science politique d'après la Deuxième Guerre mondiale. Il n'est donc pas étonnant que les politicologues contempo- rains aient senti le besoin de s'interroger sur cette notion, d'autant plus qu'elle est loin d'être univoque et de faire l'objet d'un consensus. Comme l'écrit l'un d'eux: Guy Rocher, “ Droit, pouvoir et domination ” (1986) 7 The notion of power would seem to be the most important single idea in political theory, comparable perhaps to utility in economics. The theory of power is in a poorly developed state, as was the theory of utility fifty years ago 4. Enfin, troisième facteur: parmi les champs de recherche empirique que la science politique a particulièrement cultivés, il s'en trouve deux qui posaient carrément le problème des différentes formes et sources de pouvoir: l'étude des communautés politiques locales et celle du procès de la prise de décision. Ce sont des politicologues anglo-saxons, principalement américains, qui se sont consacrés à ces recherches. Et ces recherches ont uploads/Politique/ droit-pouvoir-domination.pdf

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