1 DE L’USAGE ABUSIF DU TERME « EXCELLENCE », DES TITRES ET DES HONNEURS PROTOCO

1 DE L’USAGE ABUSIF DU TERME « EXCELLENCE », DES TITRES ET DES HONNEURS PROTOCOLAIRES EN AFRIQUE C'est le titre d'un article de presse retrouvé sur Internet et que nous vous proposons. C'est une...excellente contribution du diplomate burkinabé Mélégué Traoré. Bonne lecture ! Face à l’usage abusif du terme « Excellence » et de plusieurs autres titres protocolaires, nous avons approché un spécialiste des questions diplomatiques et protocolaires, le Dr Melegué Traoré au Burkina Faso, diplômé en relations internationales. Il nous donne ici une juste compréhension de ce titre et de son utilisation. Des titres et des honneurs protocolaires : De l’usage abusif du terme • S’il est bien, dans le lexique du protocole, un terme emblématique, c’est celui d’« Excellence ». Le mot s’écrit toujours avec un grand « E », tout comme « Majesté » avec un grand « M » ou « Honorable » avec un grand « H », lorsqu’il s’agit de donner le titre de distinction honorifique à un dignitaire. • Inconnue ou rarement usitée sous la colonisation – elle n’existe pas dans le protocole de la France – l’appellation « Excellence » a été peu fréquente dans le vocabulaire administratif ou politique au début des indépendances. Tout au moins dans les pays francophones d’Afrique : elle est d’un emploi plus courant dans les Etats anglophones du continent. • Mais au cours des deux dernières décennies, on assiste à une inflation – fâcheuse – du vocable « Excellence », servi à toutes les sauces et appliqué de manière inappropriée à tous les niveaux de personnalités ou dignitaires. La tendance est si prononcée que des chefs de village se voient qualifiés d’« Excellence – Naaba » au Burkina ! • Le protocole, qu’il soit national ou international, est un faisceau de pratiques, d’attitudes, de gestes, de distances, de mots ou de silences. Dans l’ordre politique et en relations internationales, la construction des rituels est toujours faite de codes, de paroles et d’attitudes. Il convient donc que chaque mot soit employé à bon escient, au moment approprié et pour les dignitaires qui y ont droit quand il s’agit de les distinguer. 1. La place du terme« Excellence » dans l’ordre politique • Les mots du général De Gaule prononcés en 1944 au moment où la deuxième guerre mondiale était entrée dans sa phase de finitude, servent classiquement de référence quand il s’agit de définir le protocole. Le général définissait alors le protocole comme « l’expression de l’ordre dans la République », Et aujourd’hui encore, les spécialistes continuent à le tenir pour « la mise en forme de l’ordre politique ». Encore faut-il déterminer de quel niveau de cet ordre s’agit-Il. • Le terme « Excellence », du latin du XIIe siècle (1160), « Excellentia », est ancien et de très vieille utilisation. Il désigne un degré éminent de perfection ou de considération auquel a droit un dignitaire. Dans son emploi comme qualification de distinction honorifique, il a été emprunté à l’italien de la fin du XIIIe siècle – « Excellenza ». Il exprime la dignité supérieure reconnue à une personnalité, et de ce fait, la considération à laquelle elle a droit. • « Excellence » fait partie d’une série de qualificatifs destinés à singulariser des personnalités ou des hauts dignitaires en les valorisant, soit qu’ils aient un rang supérieur dans l’ordre politique des Etats et des relations internationales, soit qu’ils soient haut placés dans celui des grandes dénominations sociales ou confessionnelles. • Alors que les désignations communes de « Monsieur » ou de « Madame » relèvent des rapports sociaux courants et de la civilité ordinaire, certaines autres appellations représentent des titres de fonctions. Ainsi, des titres de Président de la République, Premier ministre, député, maire, président de conseil régional, directrice générale, président de tribunal, président ou recteur d’université … • « Ambassadeur » est certes une fonction dans la diplomatie, mais dans l’acception courante, le terme est vu comme un titre de distinction honorifique. D’autres titres honorifiques ont une résonnance particulière, tant dans l’ordre international que dans l’espace politique interne des Etats, et dans des organisations sociales, notamment à caractère religieux. On citera comme exemples, les titres ci-après : 2 – Naaba ; – Faama ; – Sa sainteté ; – Honorable ; – Très Honorable (Right Honorable ou Right Honourable) ; – Votre Honneur ; – Altesse ; – Altesse Royale ; – Majesté ; – Altesse Sérénissime ; – Altesse Impériale ; – Sérénissime – Eminence ; – Sa Grace ; – Révérendissime ; – Sa Béatitude, • A l’origine et aujourd’hui encore dans de nombreux pays, les titres honorifiques et de reconnaissance ’des rangs élevés, sont dévolus par l’autorité qui gouverne au sommet. L’exemple type est celui du Canada où la liste des titres officiels est déterminée par le gouverneur général, représentant la Reine d’Angleterre, sur avis du Premier ministre. Le titre « Excellence », donné à quelques hautes personnalités est au Burkina, basé sur un décret de 2005 signé du Président du Faso et portant le contreseing du Premier ministre et du Ministre des Affaires étrangères. • Le titre honorifique peut n’avoir qu’un détenteur unique dans un Etat ou une entité politique donnée. Ainsi, il ne peut y avoir qu’une « Majesté » dans un empire ou un royaume. Il n’y a qu’une « Sainteté » dans l’Eglise catholique ou dans le bouddhisme du Tibet. D’où l’incongruité frisant le ridicule, de donner ce titre honorifique de « Majesté » à d’autres naaba qu’au Morho – Naaba dans le royaume moaga de Ouagadougou. Dans les républiques, sauf situation exceptionnelle telle que le triumvirat, cette présidence à triple têtes au Bénin de 1970 à 1972, il n’y a qu’un président de la République . Il en est de même du Premier ministre, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, du Président de la Cour suprême … Le titre de distinction honorifique est en effet lié au titre de la fonction. • Dans d’autres cas, les titres honorifiques sont parfois détenus par une pluralité de personnalités dont le nombre peut être élevé : le Parlement de la République populaire de Chine comprend 2850 députés ! 2. A qui le titre « Excellence » s’applique- t- il ? 2.1. La pratique actuelle • Le titre « Excellence » n’est pas pertinent et n’est donc pas employé dans l’ordre politique ou protocolaire interne de la plupart des Etats, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Quelques exemples de grands Etats le montrent. • Au Canada, en dehors du gouverneur général qui représente le chef de l’Etat, la Reine d’Angleterre, et son conjoint – mais uniquement pour la durée de son mandat – aucune autre autorité n’est appelée « Excellence ». Ce titre est cependant par courtoisie, donné aux ambassadeurs étrangers accrédités auprès du gouvernement canadien. En revanche, les ambassadeurs canadiens ne sont pas appelés « Excellence » quand ils sont au Canada même, puisqu’ils ne peuvent être ambassadeurs auprès de leur propre pays. On considère en effet que te titre « d’Excellence » est attaché à la fonction et non pas à la personne . • Un deuxième exemple est fourni par la France. « Excellence » n’existe pas en tant que tel dans le protocole officiel français. Les personnalités africaines se rendant en France, sont toujours surprises lorsqu’elles constatent que sous le portrait officiel du Président de la République dans ce pays, ne figure pas le titre « Son Excellence Monsieur François Hollande », mais simplement « Monsieur le Président de la République » . • Les Etats – Unis d’Amérique constituent un troisième exemple. Aucune personnalité américaine, y compris le Président des Etats – Unis, ne porte le titre d’ « Excellence » à l’interne, et Obama doit être étonné du nombre de fois où on l’affuble de « Son Excellence Monsieur le Président » lors de ses séjours en Afrique, à Dakar, Accra, Pretoria … 3 • Au sein du Commonwealth, les Etats qui reconnaissent la Reine d’Angleterre comme chef d’Etat, n’échangent pas des « ambassadeurs » mais des « hauts commissaires ». Ils ne s’envoient pas entre eux des ambassadeurs, mais des « High Commissionners ». Il en est ainsi parce que la Reine qui est le chef de l’Etat des pays qui la reconnaissent comme tel, ne peut se dépêcher auprès d’elle-même des ambassadeurs. Les Etats du Commonwealth qui ne la reconnaissent pas comme chef d’Etat, ont néanmoins conservé cette appellation de « Hauts commissaires » pour les ambassadeurs qu’ils échangent. • Ainsi, ceux-ci ne portent pas le titre de distinction honorifique « Excellence », mais celui d’ « Honorable ». Le Premier ministre britannique lui – même est qualifié, non d’ « Excellence », mais de « Très honorable » – « Right Honorable ». • En Afrique, on a glissé progressivement d’une acception normale à des pratiques incongrues avec une répétition à outrance du mot « Excellence » dans les discours politique, diplomatique et du protocole. Voici ce qu’on peut entendre dans la bouche d’un présentateur ou d’un uploads/Politique/ de-l-x27-usage-abusif-du-terme-excellence-des-titres-et-des-honneurs-protocolaires-en-afrique.pdf

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