1 « » Licence P. Steichen Notes de cours 2006-2007 INTRO
1 « » Licence P. Steichen Notes de cours 2006-2007 INTRODUCTION Précisions étymologiques Le droit du travail s'insère dans le cadre plus général des politiques sociales. La notion de politiques sociales est plus vaste que celle du droit du travail. Dans les "politiques sociales" on englobe : - la protection sociale (sécurité sociale), l’aide sociale, la vieillesse, l’indemnisation du chômage, - les politiques de la formation professionnelle et de l'emploi, - différentes politiques dites "transversales" plus récentes: revenu minimum et politiques locales d'insertion, intégration des immigrés, politiques de la ville. Ces politiques du travail proprement dites, qui feront l’objet de notre étude, agencent deux niveaux de relations : • le premier niveau est celui des relations individuelles de travail C’est le rapport entre l’employeur et chacun de ses salariés, qui est fondé sur la fourniture du travail contre rémunération, qui est matérialisé par un contrat de travail. La naissance, l’exécution et la cessation de ce rapport de travail font l’objet d’une masse de règles d’origine étatique, complétées par des normes conventionnelles. 2 Ces dispositions visent à : - protéger la santé et la sécurité du travailleur, (le salarié risque sa peau (Suppiot)) - à limiter la durée et l’intensité de son travail, - à lui assurer une rémunération minimale, - à stabiliser son emploi. • Le second niveau de relations est celui des relations collectives C’est régime des syndicats et de action syndicale, représentation du personnel dans l’entreprise, conflits collectifs de travail, négociation collective. Le régime des relations professionnelles offre, - d’une part le moyen d’obtenir, par la voie de la négociation collective, une amélioration des garanties et avantages issus du code du travail. - Mais il permet aussi de résister licitement au pouvoir de direction en exerçant une pression sur l’employeur (on pense ici à la grève) . Ajoutons que ce droit du travail induit, sinon une certaine égalité des travailleurs, du moins une certaine unité de la condition juridique des salariés. HISTORIQUE LES FONDEMENTS DU DROIT DU TRAVAIL Les interventions de la collectivité, en matière de politique sociale, ont commencé à se développer à un moment que l'on peut assez bien dater, comme se situant plutôt à la fin du XIXème siècle. Basée au départ sur une conception individualiste, la relation de travail va évoluer sous l’influence de l’industrialisation. 3 La conception individualiste des relations de travail L 'intervention de l'Etat s'est longtemps heurtée en France aux principes de la République de 1789, la liberté et l’égalité. La traduction de ces principes, dans les relations entre individus, c'est le contrat librement conclu, formalisé par l'article 1134 du Code Civil (18O3-1804), en vertu duquel "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites". Le Code civil achève ainsi l'oeuvre libérale de la révolution française et fonde la société sur des relations entre des individus libres, égaux et responsables. C'est ce modèle contractuel, censé concilier les intérêts de chacun, qui sera appliqué, dès l'origine, aux relations de travail, avec le contrat de louage de services du Code civil. Le rôle de l'Etat se limite à des fonctions régaliennes. Il n'a pas à intervenir dans les relations entre les particuliers . Jusqu'en 1841, l'intervention de l'Etat va donc se borner, vis à vis de la population ouvrière naissante, à des mesures de contrôle et des règles de police, comme le livret ouvrier qui subsistera jusqu’en 18901 : 1 Celui-ci permettait, d'une part, de surveiller les déplacements des ouvriers puisque "tout ouvrier qui voyagera sans livret sera réputé vagabond et pourra être arrêté comme tel" et, d'autre part, de s'assurer du respect de leurs engagements vis-à-vis de leur employeur dans la mesure où "comme gage de fidèle exécution des conventions arrêtées entre eux, l'ouvrier dépose son livret entre les mains de celui qui l'emploie". 4 Au XIXème siècle, la question sociale va susciter une grande inquiétude. Un exemple constitue à lui seul un symbole de l'histoire sociale : le rapport, en 184O, du docteur Villermé. Ce "Tableau de l'état physique et moral des ouvriers dans les principales fabriques de France", établi pour l'Académie des sciences morales et politiques, va inspirer directement la loi de 1841 sur le travail des enfants. Pour la première fois on établit ainsi une relation étroite entre l'activité d'observation et l'activité législative et réglementaire. L'observation et l'analyse des relations sociales va devenir progressivement un enjeu de la question sociale. L’’Etat va intervenir sur trois fronts : - la protection des plus faibles - l’hygiène et la sécurité - la durée du travail On cite souvent la loi du 22 mars 1841 (sous la Monarchie de juillet) comme un premier "balbutiement" du droit du travail. Cette loi interdisait, dans certaines usines, le travail des enfants de moins de huit ans et réglementait le travail des enfants au delà de cet âge 2. Les industriels protestèrent, affirmant que la loi nouvelle les ruinerait. On ne put en apprécier les effets puisqu'elle ne fut guère appliquée. Des considérations humanitaires sont certes à l'origine de cette réglementation. Mais la perspective sociale n'est pas la seule à expliquer cette intervention. La loi de 1841 trouve également son origine dans des préoccupations militaires, car l'armée ne parvenait plus à recruter suffisamment de soldats du fait de l'état de délabrement physique des hommes dû à un travail précoce et trop intense3. 2 (pas plus de 12 heures à partir de 12 ans). 3 “Il s’agit de sauvegarder dans leur germe les forces de la patrie, de ménager ce patrimoine national qui doit constituer les générations futures et de préparer au pas de bons serviteurs, en lui donnant des hommes vigoureusement constitués 5 Cette loi n'en constitue pas moins une rupture essentielle puisque l'Etat a porté une première atteinte au principe de la liberté contractuelle. Cette intervention protectrice se dégage encore peu de la fonction traditionnelle, régalienne de l'Etat qui vise à protéger l'ordre public et à garantir l'existence de la nation. Le rôle protecteur de l'Etat va se développer et se confirmer dans le deuxième moitié du XIXème siècle avec plusieurs initiatives législatives en vue de protéger les plus faibles -les enfants- , les "filles mineures" et enfin les femmes (loi du 2 novembre 1892 sur le travail des femmes). Malgré les débats et les oppositions qu'elle a suscité à l'époque, cette intervention protectrice de l'Etat à l'égard des plus faibles bénéficie d'une légitimité forte qui finira par être reconnue par les libéraux eux mêmes4. 2ème front: Hygiène et sécurité L'hygiène et la sécurité va faire l'objet d'un premier texte d'ensemble avec la loi du 12 juin 1893. La matière connaîtra de nombreux développements législatifs et réglementaires qui en font aujourd'hui un des domaines les plus techniques et les plus complexes du droit du travail. Dans cette matière, la fin du XIXème siècle voit se renverser totalement la logique antérieure, avec l'affirmation progressive de la responsabilité de l'employeur au regard de la sécurité dans l'entreprise, assortie d'obligations5. La reconnaissance par la loi du 9 avril 1898 de la responsabilité de l'employeur, en cas (intervention Comte Albert de Mun, débat à la Chambre, juillet 1890). 4 Ainsi, Paul Leroy-Beaulieu, dans son essai sur la répartition des richesses (1883) écrit : "Il ne peut y avoir aucun doute sur la légitimité de l'intervention de l'Etat pour la réglementation du travail des mineurs et des femmes. L'Etat a envers ces deux catégories de personnes un droit de protection; il doit l'exercer assurément avec réserve, et circonspection pour ne pas annuler le droit du mari et celui du père, mais il ne saurait non plus renoncer à en faire totalement usage " 6 d'accident du travail, viendra sanctionner ce renversement : en fournissant du travail à l'ouvrier le patron crée un risque dont il assume la charge. 3ème front – La durée du travail L'encadrement général (et non plus limité aux plus faibles) de la durée du travail se met en place avec la loi du 30 mars 19OO instituant la journée de 11 heures. Si l’Etat poursuit au départ un objectif hygiéniste (il s'agit, à cette époque de limiter les durées excessives et leurs conséquences sur la santé et les risques d'accident), l'objectif de la protection généralisée de la population ouvrière s'imposera progressivement. Enfin , la reconnaissance par la jurisprudence, en 19O7, de la subordination du salarié à l'égard de l'employeur constituera une étape essentielle dans l'évolution du rôle protecteur exercé par les pouvoirs publics. Cette reconnaissance aboutit à une nouvelle définition du contrat de travail : "convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération". La reconnaissance du lien de surbordination permettra au droit du travail de se développer, en cherchant "à compenser l'inégalité économique employeur-salarié par une inégalité juridique destinée à éviter à l'homo faber de subir de plein fouet la loi du marché". 5 7 Chapitre 1 : LES SOURCES DU DROIT DU TRAVAIL Le droit du travail a cessé d’évoluer sous l’influence de facteurs exclusivement nationaux. Les traités uploads/Politique/ cours-de-droit-du-travail-master1ipi.pdf
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- Publié le Mai 07, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
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