Le confessionnalisme au Liban 1/198 Le confessionnalisme au Liban Du fonctionne

Le confessionnalisme au Liban 1/198 Le confessionnalisme au Liban Du fonctionnement discursif et idéologique vers une position du problème Thèse d'anthropologie, Soutenue par Charbel NAHAS, Sous la direction de Marc AUGE, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1980 Le confessionnalisme au Liban 2/198 Note: Nous adopterons pour les noms propres arabes la transcription française courante au Liban. Le confessionnalisme au Liban 3/198 I - Introduction Le confessionnalisme au Liban 4/198 Le confessionnalisme est un terme qui pointe vers des questions cruciales impliquées dans la structure objective de la société libanaise et dans l'histoire du pays. Personne ne peut songer à nier le fait. Mais le "confessionnalisme au Liban" est aussi constitué par les institutions et par l'histoire politique comme un thème classique du discours. C'est principalement sous cet aspect particulier que nous entendons l'envisager, à partir d'un moment historique spécifique, la guerre civile qui a commencé en 1975, et d'une collection de textes qui sont tous, d'une manière ou d'une autre, des textes politiques. Le "confessionnalisme au Liban", thème classique L'Etat libanais reconnaît institutionnellement (1) les confessions religieuses et abandonne le droit privé et le statut personnel à leurs juridictions respectives (2) ce qui constitue les Libanais en communautés confessionnelles. De plus, il attribue à ces communautés, par un texte constitutionnel, une série de lois - dont la loi électorale- et par le "Pacte National" non écrit (3) des parts fixes dans les institutions politiques et dans l'administration (Présidence, Parlement, Ministère, Armée, Justice...). Les articles 9 et 10 de la constitution contiennent, le premier, garantie aux populations, à quelque rite qu'elles appartiennent, du "respect de leur statut personnel et de leurs intérêts religieux", et le second, "l'assurance qu'il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés d'avoir leurs écoles, sous réserve des prescriptions générales sur l'Instruction Publique édictées par l'Etat"... (mais surtout) l'article 95 dispose que: "A titre transitoire et... dans une intention de justice et de concorde, les communautés seront équitablement représentées dans les emplois publics et dans la composition du Ministère, sans que cela puisse cependant nuire au bien de l'Etat" (4).. Le texte constitutionnel qui établit le principe du partage confessionnel des institutions publiques est révélateur, il pose le confessionnalisme dès le départ sous une forme problématisée et quasi-discursive. Par sa formulation, il fait implicitement référence au modèle occidental de l’Etat dont s'inspirent les articles de la Constitution en général (la Constitution Libanaise de 1926 est en effet, sur de nombreux points, semblable à la Constitution Française de la IIIème République) (5) et d'autre part à une image de la société libanaise (formée de communautés) donnée comme la réalité même. (1) L'arrêté No 60 L.R. du haut-commissaire du 18 Mars 1936 reconnaît 18 communautés religieuses, la communauté protestante sera plus tard reconnue comme la 19ème. (2) L'Empire Ottoman Musulman reconnaissait aux communautés non musulmanes l'autonomie en matière de droit privé. Un effet spécifique du système libanais fut de susciter chez les Musulmans du Liban des institutions de communauté minoritaire qu'ils n'avaient jamais connues auparavant. On assiste ainsi progressivement à l'établissement d'un clergé et d'appareils confessionnels musulmans qui constituent un cas unique dans le monde. (3) L'élaboration de ce partage a été progressive et s'est poursuivie en pratique dans deux directions: L'augmentation jusqu'à l'égalité, de la part "musulmane" par rapport à la part chrétienne originellement largement majoritaire pour des raisons à la fois sociologiques (instruction beaucoup plus développée chez les Chrétiens dès le début du siècle, à cause des écoles religieuses) et politiques (refus des musulmans de reconnaître l'Etat du Grand-Liban, proclamé par la France en 1920), et la spécification de plus en plus précise des postes, jusqu'aux échelons les plus bas de l'administration. L'attribution de cet état de choses à la constitution et/ou au Pacte National, visant habituellement à discréditer l'un conjointement / relativement à l'autre, suscite épisodiquement des polémiques parmi les politiciens (cf. Bassem El Jisr, Mithaq 1943, Dar Al-Nahar 1978, p. 154 sq) (4) cf. Edmond Rabbath, la Formation historique du Liban politique et constitutionnel, (Université Libanaise 1970 p. 377 sq) (5) Idem p. 359 sq Le confessionnalisme au Liban 5/198 Il établit une justification du "confessionnalisme politique", manifestement perçu comme contraire à la fois au modèle constitutionnel et a fortiori aux dispositions constitutionnelles telles que l'égalité des citoyens devant l’Etat et la réalité politique où s'affirmaient déjà en 1926, bien que faiblement encore, des courants non-confessionnels, justification basée sur l'affirmation de l'incompatibilité provisoire de ce "modèle" et de cette "réalité". On peut déjà voir, dans ce texte célèbre, une forme élaborée et spécifique du discours confessionnel. Le "Pacte National" est un accord oral conclu au début de l'été 1943 entre le leader maronite Béchara Al-Khouri et le leader sunnite Riad El Solh. Sur sa base les élections de Juillet 1943 ont amené à la chambre une majorité de députés favorables à l'indépendance, laquelle fut obtenue en Novembre de la même année. Il constitue donc une référence fondamentale de la vie politique libanaise et il a donné lieu à des interprétations et à des prises de position diverses que nous envisagerons dans la suite de notre étude. "Libanisation des Musulmans et arabisation des Chrétiens, telle a été la dernière analyse, la résultante profonde du Pacte National"(6). Le seul récit fait de ces rencontres et reconnu comme authentique par Béchara El-Khouri affirme que les principes du Pacte étaient les suivants: Le Liban est une République indépendante, d'une indépendance absolue... Le Liban a un visage arabe, sa langue est arabe, il fait partie intégrante du Monde Arabe; il possède son caractère particulier. Nonobstant son arabité, il ne saurait interrompre les liens de culture et de civilisation qu'il a noués avec l'Occident, du fait que ces liens ont eu justement pour effet de l'amener au progrès dont il jouit; La vocation du Liban est dans sa coopération avec les Etats Arabes. La répartition de tous les emplois de l’Etat s'effectuera dans l'équité entre toutes les communautés...(7) Béchara El Khouri affirme "que le Pacte National n'a pas été uniquement qu'une conciliation entre deux communautés, il a réalisé aussi une fusion entre deux doctrines, celle qui tendait à faire résorber le Liban dans un autre Etat, et celle qui cherchait à la maintenir sous la couverture de la protection, ou de la tutelle étrangère(8) Il est clair que ce Pacte conclu entre deux hommes politiques se donnant comme les représentants de leurs communautés respectives est une formule (sigha) intercommunautaire et transactionnelle. Il consacre les deux communautés maronite et sunnite comme deux blocs politiques ayant des options spécifiques et pose entre elles les cadres d'un quasi-contrat. Il pose par le fait même les termes fixes d'une série de discours politiques qui se réfèrent soit aux stipulations internes soit à la dénonciation des cas de violation et de rupture du Pacte. C'est en somme un "texte premier" légitimé par la stature de héros de l'indépendance de ses auteurs, un texte absent qui plus est, qui (6) Idem p. 518 (7) Idem p. 522 d'après Youssef I. Yazbeck dans la revue "Al Ousbou'Al-Arabi, numéro 66 du 12 septembre 1960. (8) Idem p.524 d'après Youssef I. Yazbeck art. cit. Le confessionnalisme au Liban 6/198 appelle et fixe par sa forme même la répétition et la forme des textes qui le suivront et leur statut constant de commentaires.(9) Les textes constitutionnels et quasi-constitutionnels du Pacte national fondent la théorie officielle de l’Etat qui s'énonce dès la base et dans sa formulation fondatrice comme un discours confessionnel avec une modalité particulière. La période de la "paix"(1958-1975) Le Président Béchara El Khouri avait réussi, en faisant amender la constitution par un Parlement docile à se faire réélire en 1949. Mais le mécontentement populaire prit une telle ampleur qu'il dût, en 1952, renoncer à poursuivre son mandat. Entre-temps la Palestine était tombée et les réfugiés étaient arrivés au Liban. Camille Chamoun fut élu à la Présidence de la République. Son mandat fut marqué par l'atmosphère de "guerre froide" qui dominait les relations internationales. Mais la même période connaissait la montée des forces nationalistes dans les Pays Arabes et notamment du nassérisme. Le "neutralisme" pro-occidental du Liban fut soumis à rude épreuve après la nationalisation du Canal de Suez et l'attaque anglo-franco-israélienne contre l'Egypte. Bientôt les Etats Unis, sentant venir le danger communiste, lancèrent l'idée du Pacte de Bagdad qui embarrassa le gouvernement libanais. Les événements régionaux eurent un grand retentissement sur la scène politique intérieure et, en 1958, quand le Président Chamoun montra certaines velléités pour faire reconduire son mandat par un Parlement élu en 1957, au terme d'élections que beaucoup estimaient truquées, des émeutes éclatèrent dans le pays et, peu à peu, le Liban se trouva en situation de guerre civile(10). La "petite" guerre civile de 1958 s'était terminée, après l'intervention militaire américaine, par l'élection à la Présidence de la République du Général Fouad Chéhab qui avait maintenu l'armée dans la neutralité, par la constitution d'un Cabinet d'"Union Nationale" et la rencontre du Président avec Jamal Abd-El-Nasser à la frontière libano- syrienne et leur accord. Au niveau de la politique régionale cette conclusion constituait, dans uploads/Politique/ confessionnalisme-au-liban.pdf

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