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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 L’avortement devient un nouvel enjeu des élections américaines de mi-mandat PAR ALEXIS BUISSON ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 26 JUIN 2022 Diana DeGette, la co-présidente du groupe des élus pro-choix à la Chambre des Représentants, le 24 juin. © Allison Bailey / NurPhoto via AFP Les démocrates pro-choix espèrent que la révocation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême créera un électrochoc avant les élections de mi-mandat de novembre, cruciales pour l’avenir de la présidence Biden. Mais ce n’est pas gagné. Washington, New York (États-Unis).– Vendredi 24juin, dans l’après-midi. La grande place devant la gare centrale de Washington, Union Station, se remplit de manifestants. Armés de pancartes et en colère, ils sont venus dénoncer la décision de la Cour suprême de révoquer l’arrêt Roe v. Wade, qui fit de l’accès à l’avortement un droit constitutionnel en 1973. Sur une petite scène, élus, militants, leaders religieux, responsables associatifs se succèdent au micro devant les centaines de participants. Dans leur bouche, un seul mot d’ordre: face au séisme, des «Mobilisez-vous!» «On peut agoniser, mais il faut surtout s’organiser», lance Diana DeGette, la co-présidente du groupe des élus pro-choix à la Chambre des Représentants. Diana DeGette, la co-présidente du groupe des élus pro-choix à la Chambre des Représentants, le 24 juin. © Allison Bailey / NurPhoto via AFP En ligne de mire: les élections de mi-mandat («midterms») de novembre prochain, au cours desquelles un tiers du Sénat et l’intégralité de la Chambre des Représentants seront renouvelés. Les démocrates espèrent conserver leur faible majorité à la Chambre tout en grappillant des sièges au Sénat, avec l’objectif d’adopter une loi qui garantira l’accès à l’avortement au niveau national. Pour l’heure, ils n’ont pas la majorité nécessaire au Sénat pour le faire. En effet, même s’ils disposent de la moitié des sièges (cinquante sur cent), il leur en manque au moins dix pour parvenir au seuil de soixante voix nécessaire pour adopter la plupart des lois – conséquence d’une règle obscure et controversée appelée le «filibuster», que les progressistes voudraient éliminer. Joe Biden appelle à la mobilisation Joe Biden lui-même a lancé un appel à la mobilisation après l’annonce du jugement. «La seule manière dont nous pourrons rétablir le droit des femmes à choisir est que le Congrès inscrive les protections accordées par Roe v. Wade dans la loi fédérale,a-t-il dit dans un discours depuis la Maison Blanche. Si le Congrès n’a pas les voix nécessaires aujourd’hui, comme cela semble être le cas, les électeurs doivent faire entendre leur voix.» C’est mal parti. Historiquement, les élections de mi- mandat ne sourient pas au parti en place. Et compte tenu de l’impopularité du président, il est fort probable que les démocrates rebasculent dans l’opposition au Congrès, ce qui doucherait leurs ambitions de faire Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 passer toute loi sur l’avortement. Pour leur part, les républicains ne seraient guère plus avancés s’ils retrouvaient la majorité dans les deux chambres. En effet, Joe Biden opposerait certainement son veto à toute proposition de loi anti-avortement. Les élections au Congrès ne sont pas les seules à retenir l’attention. Comme la décision de la Cour suprême renvoie aux États le pouvoir de fixer eux-mêmes leur politique en matière d’avortement, plusieurs sièges d’élus au sein des États fédérés, également en jeu pendant les midterms, prennent une importance nouvelle. C’est le cas des gouverneurs (chefs de l’exécutif), des procureurs généraux (attorney general) chargés de faire respecter les lois étatiques, des parlementaires d’États qui légifèrent… L’élection du gouverneur de Pennsylvanie sera particulièrement suivie. Cet État-bascule par excellence présente la particularité d’être dirigé par un démocrate, mais les républicains sont majoritaires au sénat et l’assemblée législative de l’État. Ces derniers sont décidés à en finir avec le droit à l’IVG. Jusqu’à présent, le gouverneur Wolf a opposé son veto à plusieurs de leurs propositions visant à restreindre ce droit. Mais si le démocrate est remplacé par un républicain pro-vie en novembre, l’avortement sera très probablement interdit ou largement limité. Jennifer Holland, professeure à l’université de l’Oklahoma Dès l’annonce de la décision de la Cour suprême, vendredi, les groupes progressistes ont donc multiplié les appels aux dons et à la mobilisation pour faire élire ou réélire des personnalités pro-choix à tous les échelons du pouvoir. D’après la société de conseil média AdImpact, les candidats démocrates et leurs soutiens ont dépensé quelque 18millions de dollars dans des publicités en lien avec l’avortement depuis le début de l’année (contre 21 millions pour les républicains). Leur cible: les femmes des banlieues aisées qui se décrivent comme indépendantes sur le plan politique (ni démocrates ni républicaines). Ces groupes de gauche voient dans la question de l’IVG une manière de rappeler que leurs adversaires conservateurs sont hors sol. En effet, sondage après sondage, la majeure partie des Américains dit être favorable à Roe v. Wade, même si les chiffres varient d’un État à l’autre. Mais les pro-choix sont au pied du mur. Malgré l’émotion suscitée par le jugement historique de la haute cour, la plupart des Américains se disent plus préoccupés par l’inflation que l’avortement. D’après un sondage du journal USA Today, 59% des sondés opposés à la révocation de Roe considèrent que «l’économie» pèsera davantage dans leur choix de candidat que l’IVG. Et sept Américains sur dix ont déclaré qu’ils ne prendront pas en compte la décision de la Cour dans leur vote (le sondage est sorti deux jours avant l’annonce de l’abrogation). Cependant, pour Jennifer Holland, professeure à l’université de l’Oklahoma et spécialiste du mouvement anti-avortement, il n’y a pas de fatalité. «Il est très possible qu’on assiste à une forte mobilisation. D’ici aux midterms de novembre, les électeurs auront eu cinq mois pour observer les effets de l’abrogation. Il y a aura peut-être des États où les femmes qui ont subi des avortements seront considérées comme des criminelles. Je ne pense pas que l’opinion soit prête à cela. D’autant qu’une Américaine sur quatre a avorté dans sa vie», indique-t-elle. Il faudra un sursaut important. D’abord, les midterms mobilisent traditionnellement moins que les élections présidentielles. Ensuite, il faudra surmonter les obstacles dressés par les républicains. Dans les États où ils contrôlent le processus de découpage électoral, ils se sont taillé des circonscriptions parlementaires à leur avantage et ont rendu l’accès aux urnes plus difficile. « Il ne faut pas sous-estimer les problèmes structurels du système électoral. Dans certains États, le découpage des circonscriptions avantage le parti républicain. Il faut deux fois plus d’électeurs pro- choix pour contrebalancer le vote d’un électeur pro-vie. C’est un obstacle énorme », poursuit la professeure Holland. D’autant que le camp anti- avortement, fort de sa victoire, sera encore plus motivé que d’ordinaire. « Pour les républicains, le mouvement pro-vie est incroyablement utile: il apporte aux Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 candidats du parti une base d’électeurs fervents et mobilisés, qui leur ferait remporter une élection face à n’importe quel adversaire pro-avortement. » Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, François Vitrani. 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