2. CONDITIONS D'ADMISSION D'UN ÉTAT COMME MEMBRE DES NATIONS UNIES (CHARTE, ART

2. CONDITIONS D'ADMISSION D'UN ÉTAT COMME MEMBRE DES NATIONS UNIES (CHARTE, ART. 4) Avis consultatif du 28 mai 1948 L'Assemblée générale des Nations Unies avait de- mandé à la Cour de rendre un avis consultatif sur la question relative aux conditions d'admission d'un Etat comme Membre des Nations Unies (Article 4 de la Charte). "Un Membre de l'Organisation des Nations Unies appelé, en vertu de l'Article 4 de la Charte, à se prononcer par son vote, soit au Conseil de sécurité, soit à l'Assemblée générale, sur l'admission d'un Eitat comme Membre des Nations Unies, est-il juri- diquement fondé à faire dépendre son consentement à cette admission de conditions non expressément prévues à l'alinéa I dudit article ? En particulier, peut-il, alors qu'il reconnaît que les conditions pré- vues par ce texte sont remplies par 1 ' Etat en question, subordonner son vote affirmatif à la condition que, en même temps que l'Etat dont il s'agit, d'autres Etats soient également admis comme Membres des Na- tions Unies ?" Par 9 voix contre 6, la Cour a répondu négativement à la question. Les six juges dissidents ont joint à l'avis l'exposé des motifs pour lesquels ils ne peuvent s'y rallier. Deux autres membres de la Cour, tout en sous- crivant à l'avis, y ont joint un exposé complémentaire. Dans son avis consultatif, la Cour relate d'abord les circonstances de la procédure. La demande d'avis a été notifiée à tous les Etats signataires de la Charte, c'est-à- dire à tous les Membres des Nations Unies, qui ont été avisés que la Cour était disposée à recevoir d'eux des renseignements. C'est ainsi que des exposés écrits fu- rent envoyés au nom du Gouvernement des. Etats sui- vants : Chine, El Salvador, Guatemala, Honduras, Inde, Canada, Etats-Unis d'Amérique, Grèce, Yougo- slavie, Belgique, Irak, Ukraine, Union des Républiques socialistes soviétiques, Australie, Siam; et des exposés oraux prononcés par le représentant du Secrétaire gé- néral des Nations Unies et par les représentants des Gouvernements français, yougoslave, belge, tchéco- slovaque et polonais. La Cour fait ensuite des remarques préliminaires sur la question qui lui est posée. Cette question — bien que les membres aient le devoir de se conformer aux prescriptions de l'Article 4, dans les votes qu'ils émet- tent — vise non le vote lui-même, dont les motifs rele- vant du for intérieur échappent manifestement à tout contrôle, mais les déclarations faites par un Membre relativement au vote qu'il se propose d'émettre. La Cour n'est pas appelée à définir le sens et la portée des conditions, énoncées à l'Article 4 de la Charte, auxquelles l'admission est subordonnée : elle doit sim- plement dire si ces conditions sont limitatives. Si elles le sont, un Membre n'est pas juridiquement fondé à faire dépendre l'admission de conditions non expres- sément prévues à l'article. Il s'agit donc de fixer la portée d'un texte conventionnel, c'est-à-dire d'un pro- blème d'interprétation. Néanmoins, on a prétendu que la question n'était pas juridique, mais politique. La Cour ne saurait attri- buer un caractère politique à une demande, libellée en termes abstraits, qui, en lui déférant l'interprétation d'un texte conventionnel, l'invite à remplir une fonc- tion essentiellement judiciaire. Les mobiles qui ont pu inspirer la demande échappent à la Cour, qui n'a pas non plus à connaître des vues échangées au Conseil de sécurité dans les divers cas concrets dont il s'est occupé. Par conséquent, la Cour s'estime compétente, et cela même s'agissant d'interpréter l'Article 4 de la Charte : car on chercherait en vain une disposition lui interdisant d'exercer à l'égard de cette clause d'un traité multilatéral une fonction d'interprétation qui re- lève de l'exercice normal de ses attributions judiciaires. La Cour passe ensuite à l'analyse de l'Article 4, paragraphe 1, de la Charte. Les conditions qu'il énu- mère sont au nombre de cinq : il faut 1) être un Etat; 2) être pacifique; 3) accepter les obligations de la Charte; 4) être capable de remplir ces obligations; 5) être disposés à le faire. Toutes ces conditions sont soumises au jugement de l'Organisation, c'est-à-dire du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, et, en dernière analyse, des Membres de l'Organisation. Puisque la question a trait non au vote mais aux raisons qu'un Membre fait valoir avant le vote, elle concerne bien l'attitude individuelle de chaque Membre appelé à se prononcer sur l'admission. Ces conditions ont-elles le caractère limitatif ? Les textes français et anglais de la disposition ont le même sens : établir une réglementation juridique qui, en fixant les conditions de l'admission, déterminerait aussi les motifs du refus d'admission. Les mots "Peu- vent devenir Membre des Nations Unies tous autres Etats pacifiques" indiquent que les Etats réunissant les conditions énumérées ont les titres voulus pour être admis; la disposition perdrait sa valeur si d'autres con- ditions pouvaient être exigées. L'énumération est donc limitative et non simplement énonciative ou exem- plaire, et les conditions énumérées sont non seulement nécessaires mais suffisantes. On a prétendu que ces conditions représentaient un minimum indispensable, en ce sens que des considéra- tions politiques pourraient s'y ajouter et faire obstacle à l'admission. Cette interprétation ne s'accorde pas avec le paragraphe 2 de l'Article, qui prévoit l'admission de "tout Etat remplissant ces conditions." Elle conduirait à reconnaître aux Membres un pouvoir discrétionnaire et sans limite dans l'exigence de conditions nouvelles, pouvoir inconciliable avec le caractère même d'une réglementation qui, établissant un lien étroit entre la qualité de Membre et l'observation des principes et obligations de la Charte, constitue clairement une ré- glementationjuridique de la matière. Si les auteurs de la Charte avaient entendu laisser la faculté de faire appel à des considérations étrangères aux principes et obliga- tions prévus à la Charte, ils auraient rédigé différem- ment le texte pertinent. Et ce texte est suffisamment clair pour que la Cour, en suivant la jurisprudence de la Cour permanente, juge inutile de recourir aux travaux préparatoires pour en préciser le sens. Au surplus, l'interprétation que donne la Cour avait déjà été adop- tée par le Conseil de sécurité, ainsi que le montre l'arti- cle 60 de son règlement intérieur provisoire. Mais, tout en ayant le caractère limitatif, l'Article 4 n'exclut pas une appréciation discrétionnaire des cir- constances de fait de nature à permettre de vérifier l'existence des conditions requises. Il n'interdit pas la prise en considération d'éléments de fait qui, raison- nablement et en toute bonne foi, peuvent être ramenés aux conditions énumérées : ces conditions, par leur caractère à la fois large et souple, impliquent une telle prise en considération. Aucun élément politique perti- nent, c'est-à-dire se rattachant aux conditions d'admis- sion, n'est donc écarté. Les conditions énumérées à l'Article 4 sont donc bien limitatives et on ne saurait pas le contester en faisant appel aux termes du paragraphe 2 de l'Article — qui se bornent à organiser la procédure d'admission —, non plus d'ailleurs qu'en invoquant le caractère politique des organes des Nations Unies chargés des admissions, car ce caractère ne peut les soustraire à l'observation des dispositions qui les régissent, lorsque ces disposi- tions constituent des limites à leur pouvoir; ce qui mon- tre qu'il n'y a aucune contradiction entre les fonctions des organes politiques et le caractère limitatif des con- ditions prescrites. La Cour passe ensuite à la deuxième partie de la question, qui l'invite à dire si un Etat peut, alors qu'il reconnaît que les conditions prévues à l'Article 4 sont remplies par le candidat, subordonner son vote affir- matif à l'admission concomitante d'autres Etats. Jugée d'après la règle que la Cour adopte dans son interprétation de l'Article 4, il s'agirait là d'une condi- tion nouvelle, car elle est sans rapport aucun avec celles qui sont énoncées à l'Article 4. Cette condition se pré- sente même dans un plan tout différent, puisqu'elle fait dépendre l'admission non des conditions exigées des candidats, mais de considérations extrinsèques concer- nant d'autres Etats. D'ailleurs, elle empêcherait que chaque demande d'admission soit examinée selon ses propres mérites et fasse l'objet d'un vote individuel, ce qui serait contraire à la lettre et à l'esprit de la Charte. C"est par ces motifs que la Cour répond négativement à la question qui lui est posée. uploads/Politique/ 6-cas-pratique-re-sume-avis-consultatif-cij.pdf

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