1 ECOLE POLYTECHNIQUE-ESPCI CONCOURS D’ADMISSION 2020 ENS : ULM, LYON, PARIS-SA
1 ECOLE POLYTECHNIQUE-ESPCI CONCOURS D’ADMISSION 2020 ENS : ULM, LYON, PARIS-SACLAY, RENNES Epreuves écrites de Français, Filières MP et PC (XEULCR) 1/ SUJET ET ŒUVRES AU PROGRAMME « En somme, la démocratie a d’abord été une nouvelle manière de distribuer concrètement la parole, notamment pour délibérer en vue de prendre des décisions à tous les niveaux, une nouvelle manière de savoir la prendre en public mais aussi un nouveau rapport à l’écoute de l’autre. » Philippe Breton, « La démocratie, d’abord une question de parole ? », Raison présente, n°166 : « La démocratie : une invention permanente », 2008. Vous commenterez et discuterez ce propos en vous appuyant sur des exemples précis empruntés notamment aux œuvres du programme (Les Cavaliers et L’Assemblée des femmes, d’Aristophane, De la démocratie en Amérique, 2e partie, livre 4 de Tocqueville et Le complot contre l’Amérique de Philip Roth). 2/ REMARQUES D’ORDRE GÉNÉRAL Dans l’ensemble, la majorité des copies témoigne d’une bonne connaissance des œuvres, des enjeux majeurs du texte et des règles de la dissertation littéraire. On constate avec plaisir que le travail préparatoire tout au long de l’année porte ses fruits. Les copies qui ne respectent pas ou mal les principes élémentaires de l’exercice – assez rares, in fine – se repèrent alors immédiatement. On ne peut donc qu’encourager les candidats à poursuivre dans cette voie. Une préparation constante et la bonne connaissance du programme sont les atouts majeurs de la réussite de l’exercice. Ce double travail, formel et thématique, produit deux principaux types de copies. Tout d’abord, les copies qui sont prisonnières de leurs connaissances, ou gênées par leurs connaissances : en effet, elles essaient absolument de retrouver dans le sujet des éléments de cours applicables tels quels et transforment alors le devoir en récitation digressive voire, dans le pire des cas, en un développement hors sujet. Il convient donc de faire très attention à ne prendre dans les connaissances que les éléments demandés par le sujet lui-même. Pour ce faire, il est nécessaire de saisir la logique du sujet et de ne pas s’arrêter sur un mot qui serait alors développé pour lui-même, indépendamment du contexte logique et sémantique dans lequel il se situe. Il faut, par conséquent, faire attention à réinvestir le travail et les connaissances dans le cadre déterminé du sujet. Ensuite, les copies qui utilisent avec distance et précision leurs connaissances : elles fournissent les démonstrations les plus pertinentes parce qu’elles conjuguent la maîtrise des connaissances à la justesse de l’analyse du sujet de la dissertation. Elles retiennent alors les éléments du cours ou des œuvres qui correspondent à la problématique proposée dans l’énoncé du sujet. Dans ce cas-là, telle notion (démocratie directe ou indirecte par exemple) est clairement et justement articulée avec les termes mêmes de la citation. Le paragraphe qui développe cette notion ne donne pas l’impression d’une récitation de cours mais s’intègre parfaitement à la logique que la copie développe. Nous avons trouvé, par exemple, de bonnes articulations logiques entre « mauvaise écoute », « parole dévoyée » et « démagogie ». Il faut, en outre, faire attention à la variété et à la pertinence des exemples utilisés. En effet, il est d’abord maladroit d’utiliser un même exemple pour prouver deux arguments contraires (les disputes 2 de la famille Roth ne peuvent prouver au sein d’une même copie, sans nuances fortes, une absence de débat et la preuve du débat). De la même manière, il est maladroit de vouloir prouver un argument avec un exemple qui ne convient pas : le correcteur perçoit qu’il constitue la seule ressource dont dispose la copie. Il est donc important, comme le montrent de nombreuses copies, de posséder un champ suffisamment large d’exemples pour ne pas être gêné au moment de composer. Ces connaissances permettront notamment d’éviter des simplifications abusives, qu’elles soient conceptuelles ou exemplaires : peut-on dire que les insultes dans l’espace démocratique sont un signe de bon fonctionnement démocratique et prouver ainsi l’importance de la vigueur des débats ? Il convient également de faire attention à la cohésion entre l’exemple et l’argument : une copie ne doit jamais oublier d’articuler précisément et clairement l’exemple et l’argument. Ainsi, telle copie développe des propos justes et intéressants sur les fonctions réflexives de nos œuvres sans pour autant faire le lien avec l’usage de la parole telle que le définit le sujet. Ces remarques perdent alors de leur pertinence. Quelques écueils récurrents ont jalonné les copies. Nous en exposons quelques exemples à titre indicatif. On regrettera par exemple que dans de nombreuses copies L’Assemblée des femmes ou Les Cavaliers soient cités, souvent en début de devoir, pour expliquer le fonctionnement de la démocratie athénienne, et qu’ils se trouvent ainsi ramenés au statut de document historique, voire explicitement de « témoignage ». Certains exemples ont pu amener des commentaires parfois surprenants, notamment à partir du Complot contre l’Amérique et de L’Assemblée des femmes. Il n’est pas possible de considérer la pièce d’Aristophane comme une pièce féministe, mais sa réception peut en renverser le sens initial, comme le montre la stratégie de La Barbe, qui dénonce le manque de représentation féminine par l’occupation de lieux masculins par des femmes… qui portent des postiches masculins. La misogynie d’Aristophane (et de son époque) ne pouvait pas plus être effacée : la question « laquelle de nous ne sait-elle pas parler ? » n’indique pas une compétence également partagée entre tous (et toutes), mais réactive un cliché sexiste : le bavardage (et l’incompétence) féminine. Il n’y a pas de réelle subversion du genre dans cette comédie, mais une telle impossibilité à concevoir des femmes citoyennes que la chose en est, sans grand danger, risible. De même, les insultes antisémites que subit Hermann Roth ont été citées sans beaucoup de considération, voire comme la preuve que, comme le dit le personnage, « nous sommes en démocratie » ! De tels commentaires, assez courants dans les copies, laissent entendre, ou affirment qu’un discours équivaudrait à une insulte ; certaines copies ont pu de même comparer sans prudence la milice juive de Newark et le Bund, quelques-unes ayant même octroyé à ce dernier le statut d’association démocratique, dans la lignée de Tocqueville ! La notion de paradoxe de la tolérance de Karl Popper aurait pu aider à sortir de cette ornière, en permettant de questionner les limites de la tolérance (faut-il ou non encadrer la liberté d’expression pour, justement, en garantir la pérennité ?). La répartition de la parole n’a pas à être « égale » : elle peut être « équilibrée », voire « juste ». La tendance au contrôle ou à la régulation de la parole a pu sembler tout aussi inquiétante, comme la supposition d’une distribution (souvent transformée en « redistribution » sans explication) de la parole forcément étatique ou extérieure. L’impression pouvait être vaguement fantomatique, et clairement idéaliste : il faut rappeler qu’en bonne rigueur la démocratie est bien un concept, mais qu’en tant que tel il n’est pas agissant. Si les maladresses sont bien compréhensibles, il apparaît que nombre de copies souscrivent à cette force des concepts — autrement mieux démontrée, comme nous l’avons vu sous de nombreuses plumes, par les « valeurs » auxquelles pouvaient croire et être éduqués les personnages. Tout aussi questionnant pour la démocratie, la délégation de tout pouvoir à différentes formes d’aristocratie, experts ou compétents, contredisait quelque peu les œuvres au programme. Tocqueville lui-même a assez peu été abordé en tant qu’œuvre, mais a souvent servi de guide, jusque dans la structuration des plans : le fait qu’il s’agisse d’une œuvre de théorie n’implique en aucun cas qu’il s’agisse de vérité – le cas du Bund dans le roman de Roth, comme le complot féminin dans L’Assemblée des femmes, devraient suffire pour ne pas considérer toute association comme 3 démocratique par essence. L’analyse, trop rare, de la parole fausse des complots, a permis quelques développements brillants qu’il faut signaler avec plaisir. D’autres maladresses, peu graves mais aussi significatives, ont pu apparaître : ainsi, parler de citoyenneté pour tout le monde – pour se souvenir ensuite que ce n’était pas le cas de bien du monde, à l’époque d’Aristophane comme à celle de Tocqueville. Le masculin faussement universel a ainsi pu être exploité à plusieurs reprises : tous les hommes ne sont pas entendus quand les femmes ne le sont pas. On terminera ce propos liminaire par le rappel de quelques notions de typographie qui devraient être plus rigoureusement maîtrisées : ainsi des apostrophes ou des guillemets, qui ne peuvent se détacher lors des retours à la ligne. L’italique, soulignement (à la règle !) doit être réservé aux titres des œuvres, et ne pas être oublié ; les codes couleurs sont inutiles et, s’agissant de copies numérisées, les astérisques et appels de note doivent éviter les regrets tardifs – le PDF renoue avec l’usage ancien du codex, et la quête d’une note en fin de copie est des plus fastidieuses sur écran. Il est enfin important de rappeler – nous l’indiquions dans le premier paragraphe – et de uploads/Politique/ 2020-mp-pc-rapport-ecrit-francais-xeulcr.pdf
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- Publié le Sep 08, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
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