125 DEVELOPPEMENT AUTONOME ET COMPENSATION Ph. COUTY RESUME Cet article explore

125 DEVELOPPEMENT AUTONOME ET COMPENSATION Ph. COUTY RESUME Cet article explore l e rapprochement entre deux idées : d'une part Ia conception de l'Univers comme système de compensations, telle que l'ont exposée, entre autres, Emerson et Azais ; d'autre part l'approche des phénomènes sociaux fondée sur l a technique du croisement de typologies ou de distributions. S i ces idées peuvent se ramener h une seule dont elles seraient la conséquence, alors il semble que la pluralité d'évolutions autonomes et simultanées -donc la notion même de développement indépendant- devient a l a fois impensable et inobservable. I1 n ' y aurait plus da possibilité que pour e évolution d'ensemble, associant des éléments de plus en plus interdépendants. Le signe (et l e sens) de cette évolution serait l'accroissement de la conscience sociale, ou -ce qui revient au même- l'effort de la matière vivante pour s'organiser. SUMMARY This paper attempts t o merge two ideas : the idea o f universal compensation, expounded by Emerson and Azais, and the idea of functional relationship between two sets o f data. If both these ideas can be seen as one, then it seems that a multiplicity o f autonomous developments becomes not only unthinkable but also unobservable. There i s room only for one single process o f change, associating more and more interdependent elements. Such a process coincides with an increase of social consciousness, which i s the same thing as the continuing effort o f living matter t o organize itself. (Version provisoire d'un texte a paraitre dans Etudes Rurales, Paris) Rendre l e monde un peu moins inintelligible et un peu plus habitable, cela requiert peut-être, a côté des enquêtes et des études, la recherche risquée -utopique ?- d'un raccourci radical : Sur l'étang le reflet peut bien Fréquemment se brouiller : Sachons l'image (1). A quoi peut ressembler cette image ? Sans doute i la "vue immédiate de l'essence du monde, comme par un trou dans l e manteau de l'apparence", dont parle Nietzsche ( 2 ) . L a formulation a de quoi donner l e vertige, mais insistons : n'y a-t-il pas lieu parfois de se demander i quelle profondeur il faudrait descendre, quelle durée et quels espaces il faudrait embrasser, pour discerner enfin l a "résistance suprême de l ' ê t r e ' ' , objet par excellence de la méditation 13) ? Epreuve essentielle, qui seule nous permettrait enfin de savoir s i nous tenons véritablement i rencontrer, i vérifier cette résistance suprême. Car l e travail d'investigation empirique et logique auquel nous nous livrons avec une apparente sincérité, sommes-nous sûrs q u ' i l ne masque pas un refus prudent d'aller au fond des choses ? L'ignorance, ou ce qui revient au même : l'encombrement d'une information surabondante, nous conviennent mieux, peut-être, que la connaissance véritable. S i nous Ie comprenions, d i t Hebbel, l'ordre du monde nous serait insupport able ( 4 ) . 1 - ORDRE DU MONDE ET COMPENSATION I1 ne s'agit que de chercher h figurer, bien entendu, ou représenter cet ordre du monde, dont nous devons accepter qu'il se réduise pour nous a l'un de ces objets que la science a pour tâche de construire et de multiplier. Elle l e fait "par des méthodes régulières et contrÔlab!es, methodes qui fournissent par l e même effort l'interconnexion entre ces objets" ( 5 ) . En sciences sociales, l a fréquence de ces interconnexions et de ces intersections de relations fait soupçonner qu'elles révèlent une propriété fondamentale des êtres étudids, leur "résistance" peut-être, ou encore la structure même de notre esprit, ou enfin les deux i la fois. C e soupçon était devenu conviction chez l e philosophe américain Emerson : 127 The world looks like a multiplication table, or a mathematical equation, which, turn it how you will, balances itself... What v 7 e call retribution is Lhe =niversal necessity by which the whole appears wherever a part appears... While thus the world will be whole and refuses to be disparted, we seek to act partially, to sunder, to appropriate ... ( 6 ) . Réalité objective ou simple artefact cognitif, la structure esquissée par Emerson est attestée d'abord par l'expdrience quotidienne. Elle exprime en somme le fait que les choses existent ensemble (7). La faiblesse de nos moyens mentaux nous interdit de reconnaître OLC de construire cet accord autrement que par couples de variables, mais s i nous juxtaposons ou superposons les relations ainsi dtablies, alors nous voyons effectivement s'édifier un modèle global, cohérent et stable. Prenons quelques exemples, peu près au hasard : - L'on devient riche et vieux en même temps ; tant il est rare que les hommes puissent réunir leurs avantages (8). - L'humanité entière serait détruite si du mal même ne naissaient, capables de le ramener à de justes proportions, des restrictions naturelles analogues à celles qui empêchent la prolifération infinie des infusoires d'anéantir notre planète (9). - Le jeu des diffCrentes lois psychologiques s'arrange B compenser dans la floraison de l'espèce humaine tout ce qui, dans un sens ou dans l'autre, amènerait par la plethore ou la raréfaction son anéantissement ( 1 0 ) . - Le mal est l'ombre du bien. Tout bien réel, pourvu de solidité et d'épaisseur, projette du mal. Seul le bien imaginaire n'en projette pas (11). - Tout le temps un prix terrible, en train d'être payé. Mais 5 qui ? Et pour quoi 7 Qu'est-ce qui a payé mon existence jusqu'à aujourd'hui ? (12). - US corporations may profit from shipping their arguably dangerous goods abroad ; their punishment is encountering American personal injury lawyers when they get there (13). - Of the imports into Africa from the outside during these three centuries (XV - XVIIIe siècle), the most important were certainly the new food plants which the Portuguese introduced from South America. Three of these at least -cassava, maize and sweet potato- made at tremendous difference to food siipplies especially in the more humid equatorial regions. There can, in fact, be little doubt that the depopulation caused in some districts by the slave trade was more than offset by the growth of population through these new means of subsistence in tropical Africa as a whole (14). Bien entendu, l e registre des normes, de par sa nature même, est tout entier construit sur l e modèle de la compensation : 128 - Ne vous mettez pas en situation irr$gulikre, vous auriez 5 payer immédiatement une indemnité forfaitaire. - (Chez les Beembé du Congo) le partage des tâches entre les sexes est clair : aux femmes revient le renouvellement des ressources naturelles, aux hommes sont confiées les entreprises qui contrarient la nature et qui, d'une façon ou d'une autre, tendent 2 detruire le monde à l'entretien duquel les femmes contribuent (15). Pour faire court , et comme un certain Serge Grigorévitch Stroganov comte russe et curateur de l'Université de Moscou, eut l a bonté de l'apprendre au révolutionnaire Alexandre Herzen en 1846, tout est compensé ( 1 6 ) . Les régularités considérées par l a science économique font elles aussi entrevoir une possibilité ou une exigence d'équilibre, de Compensation. Pour un économiste, tout résultat n'est d'abord que l a contrepartie d'une somme de coûts. Allez aussi loin que vous voudrez dans la réflexion sur la manière d'atténuer l'effort consenti en vue d'un objectif donné ou d'obtenir un produit accru pour un effort donné, jamais vous n'&happerez aux équivalences formalisées par les techniques comptables. Cela reste vrai même en dynamique. L'amplification dans l e temps des flux de biens et de services qu'on appelle croissance, et qui conditionne l e développement, n'est pensée qu'à travers une trame de compensations. Les unes synchroniques, ou transversales, observables un moment donné. O n connait, ou on croit connaître, l a thèse qui fait coincider un niveau donné de développement avec un certain degré de division du travail et une certaine intensité d'échanges o i ! tous les partenaires sont supposés trouver plus ou moins leur compte. Depuis Ricardo, l a formulation de cette these a atteint une complexit6 impressionnante, en pure perte d'ailleurs puisque les arguments logiques ne convainquent jamais personne (17). D'autres préfèrent penser que l'augmentation de l a production par tête n'est jamais obtenue qu'asymétriqueinent, aux dépens de partenaires exploités. L e centre ne progresserait alors qu'en appauvrissant sa périphérie. Nulle place dans ces deux familles de théories, on l e voit, pour l'espkce d'apartheid économique i laquelle risque de ressembler l'improbable juxtaposition de développements endogènes, autocentrés, indépendants. Pour les chantres de l'avantage comparatif comme pour les dénonciateurs de l'échange inégal, il est toujours question, sous une forme ou sous une autre, de balance, de contrepartie, de compensation. O u plus fondamentalement : de liaison et de dépendance mutuelle. Toujours en dynamique, on observe aussi des compensations diachroniques, longitudinales, inscrites dans l e fil mime de I a durée. Epargner pour investir, investir pour produire davantage, produire davantage pour amortir et réinvestir. Immense uploads/Philosophie/developpement-autonome-et-compensation-ou-si 1 .pdf

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