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Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de Philosophie. http://www.jstor.org Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris NOTRE SCIENCE DE L'ESPRIT HUMAIN: D'après saint Thomas d'Aquin Author(s): Blaise Romeyer Source: Archives de Philosophie, Vol. 1, No. 1, Etudes d'histoire de la Philosophie (1923), pp. 32- 55 Published by: Centre Sèvres – Facultés jésuites de Paris Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43031259 Accessed: 24-11-2015 11:10 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 129.115.103.99 on Tue, 24 Nov 2015 11:10:47 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions NOTRE SCIENCE DE L'ESPRIT HUMAIN D'après saint Thomas (TA quin C'est par la sensation 1 que notre conscience, psychologique s'éveille d'abord. Sensibles communs et sensibles propres com- mencent par féconder nos sens qui à leur façon réagissent, et, peu à peu, perçoivent toute cette variété de corps dont les mouve- ments et les formes, les qualités incessamment actives, bref, la grandeur, la beauté et la bonté simplement sensibles font si riche et si fascinateur le monde matériel. Une fois sentis, les sensibles continuent d'agir ; leur influence assimilatrice monte jusqu'à l'intelligence qui s'en imprègne et conçoit spirituellement. Et là où cette médiation, connaissante déjà et élevante, des sens vient à manquer, l'idée correspondante manque aussi ; l'aveugle n'acquiert point les idées d'étendue colorée, de lumière, de beau visuel 2. Le vieil adage, à condition d'en éliminer toute significa- tion sensualiste, s'impose bien ici : « Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu. » Mais s'ils nous fournissent l'étoffe de notre science de la matière, les sens nous donnent-ils aussi celle de notre science de l'esprit ? Ces idées supérieures 8 qui nous manifestent le monde spirituel humain, les abstrayons-nous encore de l'expérience sensible? 1. De anima II, 1.4; ed. de Parme, p. 4i) : « Necesse est enini, si sensibile perceptum est conveniens, quod sit delectabile : si autem est nocivum, quod sit dolorosum. Ubi autem est dolor et delectatio, oportet quod sit... appetitus. » Saint Thomas marque ici les lignes maîtresses d'une psychologie de la vie sensible ou de la sensation au sens plein du mot. La sensation est percevante, affective et appétitive. En même temps qu'ils indiquent la genèse de la vie sensible, ces trois qualificatifs en laissent soupçonner la richesse. 2. Lire dans P. Villey, Le monde des aveugles , 1914, Flammarion, quelques pages (6 et sqq.)qui rejoignent la doctrine aristotélicienne et thomiste de l'abs- traction. 3. Idées de pensée et de vouloir, d âme ; de béatitude, d'obligation et de libre-arbitre ; de bien et de mal moral,... idées dont l'ensemble nous permet de concevoir l'esprit humain. Dans la Ia IIa®, saint Thomas ordonne ces idées et constitue ainsi une science de l'homme mental et moral . Le philosophe ne doit en cet ouvrage considérer que ce qui relève des lumières naturelles de Ja raison. This content downloaded from 129.115.103.99 on Tue, 24 Nov 2015 11:10:47 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions [33] Blaise ROMEYER. - science de l'esprit humain 33 Si oui, nous ne parvenons pas à nous faire de ce monde des idées propres, nous ne le pensons pas absolument, mais par son seul rapport à la matière. Si non, la question reste : de quel donné formons-nous toutes ces idées qui, groupées en système cohérent, constituent la science que nous avons de notre âme? Quelle est sur ce point la doctrine de saint Thomas ? Capital pour l'entière intelligence du spiritualisme thomiste, ce problème mérite d'être abordé de front et poussé à fond. Mais il importe, avant de s'y essayer, d'en déterminer avec précision le sens et la portée. * * * Pour saint Thomas, l'essence spécifique des réalités matérielles est bien objet propre de l'intellection humaine. C'est là, au reste, une thèse conforme à l'expérience et qui se fonde sur la nature même de notre intelligence. Car celle-ci n'est pas une forme séparée. Unie substantiellement au corps, elle doit, tout d'abord, trouver son bien dans la matérialité ; en la dématérialisant toutefois, car elle est tout de même inorganique ' Mais autre est le point à dé- battre ici. L'essence spécifique des réalités matérielles est objet propre de notre intelligence unie au corps, c'est entendu ; en est- elle Y objet propre total ? Telle est la vraie question dont le texte suivant de saint Thomas nous permet de préciser le sens : « Proprie autem illud assignatur objectum alicujus potentiae vel habitus, sub cujus ratione omnia referuntur ad potentiam vel habitům ; sicut homo et lapis referuntur ad visum in quantum sunt colorata ; unde coloratimi est objectum proprium visus 2. » Si l'essence des réalités matérielles constituait tout l'objet propre de notre intelligence, les réalités spirituelles, même les moindres, celles d'ordre humain, ne nous seraient intelligibles que par rapport aux matérielles. Nous n'acquerrions d'elles aucun concept ayant un objet propre. Nous les penserions comme immaté- rielles, mais dans la seule mesure où la science de la matière nous en suggérerait quelque lointaine idée. Notre science de l'esprit humain ne serait formée que d'idées négatives et analogiques. 1. Ia, q. 84, art. 7, c. : « Intellectus autem humāni, qui est conjunctus corpori, proprium objectum est quidditas sive natura in materia corporali existens. a 2. Ia, q. 1, art. 7, c. 3 This content downloaded from 129.115.103.99 on Tue, 24 Nov 2015 11:10:47 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 34 ARCHIVES DE PHILOSOPHIE [34] * * * Et c'est bien là, en vérité, le sentiment de maints commentateurs modernes, surtout scolastiques, de la pensée thomiste. Relevons quelques textes parmi les plus probants. « L'objet propre de l'intelligence humaine, écrit le Cardinal Mercier ' est emprunté aux choses sensibles, mais il est abstrait et universel. » C'est là une thèse, et la suite montre qu'il s'agit de l'objet propre total. Nous n'aurions des « choses suprasensibles... que des connaissances impropres , négatives et analogiques. Tout le contenu positif de nos concepts se trouve réalisé, dans les choses sensibles, soit dans l'objet des sens extérieurs, soit dans l'objet des sens internes...». Nos concepts des réalités spirituelles « ne nous disent pas ce qui est caractéristique de l'esprit ». C'est très net. « Penser notre pensée, assure de son côté le P. Sertillanges, ce n'est pas nous tourner vers notre objet propre ; c'est remonter dans le sens de ses conditions ; conditions nécessaires, donc définis- sables comme fonctions , mais non pas définissables en elles-mêmes. Il y a là quelque chose de semblable à ce qu'on dit de la connaissance de Dieu. C'est une algèbre. Puisque, même intellectuellement, le sensible est notre objet propre, il ne peut y avoir d'arithmétique, pour nous, que de la sensation »... « L'objet propre de l'intelligence, ce sont les essences matérielles... : Nihil in intellectu quin prius fuerit in sensu... C'est proportionnellement à la sensation et à ses conditions reconnues, que nous décrivons 1' intellection. » « L'intellect est en dehors et au-dessus de la matière, c'est tout ce que l'on peut dire 2. » Et ce serait très peu ; par bonheur le P. Ser- tillanges et le Cardinal Mercier en disent beaucoup plus, lors qu'ils établissent, à la suite de saint Thomas, l'absolue spiritualité de la pensée et du vouloir humains. Poursuivons notre enquête. Le P. Bœdder s'est visiblement préoccupé de nos idées du spiri- tuel. Il emploie plusieurs pages à étudier leur formation et aboutit à cette chétive conclusion : « Cogitamus spiritum ut ens in se subsis- tens carens trina dimensione 3. » La théorie thomiste de l'esprit est interprétée de la même façon par MM. Grabmann, Durantel, Gilson. M. Grabmann : « Le contenu 1. Psychologie , t. Il, p. 8 (7e éd. 1905). 2. Saint Tilomas d'Aquin , t. II, pp. 140, 144 145 (2a cd., 1912). 3. Psychologia ralionalis, p: 174. (Herder, 2« ed.). This content downloaded from 129.115.103.99 on Tue, 24 Nov 2015 11:10:47 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions [351 Blaise ROMEYER. - science de i/esprit humain 35 total de la connaissance intellectuelle dérive, en dernière analyse, des sens 1 ». M. Durantel : « Tout ce qui dépasse le sensible ne nous est connu que par négation8 ». M. Gilson : « L'ineorporel ne nous est connu que par comparaison avec le corporel » 3. Ainsi l'expérience inférieure des sens serait l'unique source de toutes nos idées ; nous n'aurions pas d'idée positive et propre de notre esprit. Suarez, commentateur relativement critique de saint Thomas, ne dépassait point cette interprétation minimiste : « Anima non per seipsam se cognoscit... sed per affectus, uploads/Philosophie/centre-sevres-facultes-jesuites-de-paris.pdf

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