Ce consensus est d'autant plus surprenant que, depuis le Concile, l'école néo-s

Ce consensus est d'autant plus surprenant que, depuis le Concile, l'école néo-scolastique, largement dominante jusqu'alors, et qui constituait une source d'unité, a complètement disparu. Comment cette évolution s'est-elle produite? Où trouve-t-on les racines de ce «nouveau» consensus? La physionomie actuelle de la théologie systématique catholique résulte de la confluence de plusieurs courants nés, en partie, dans le milieu protestant puis recueillis ensuite par la dogmatique catholique. Pour ces courants, dans leur ensemble, l'«histoire» est le mot clef le plus important. «L'histoire du salut» est devenue le centre de gravité de la réflexion théologique; le travail théologique s'est ouvert à la «méthode historico-critique» qui le marque d'une empreinte nouvelle. Mais la dogmatique catholique contemporaine ne doit pas sa physionomie uniquement aux éléments empruntés aux courants issus des milieux protestants; depuis fort longtemps se dessinaient dans son propre domaine, avant tout en matière de théologie de la grâce, des développements qui, depuis, se sont pleinement affirmés. Nous n'allons suivre que cet itinéraire; notre analyse de la situation se limite donc à l'un des aspects, bien déterminé, de la théologie dogmatique systématique d'expression allemande. A. POINT DE DÉPART Dans la première partie de notre siècle, entre 1920-1940, se manifestait déjà en divers endroits un malaise très prononcé à l'égard de la nèoscolastique alors dominante (par exemple à Tübingen avec K. Adam, à Munich avec R. Guardini, dans les facultés jésuites de Volkenburg et Lyon avec E. Przywara, K. Rahner, H. de Lubac, H.-U. von Balthasar, parmi d'autres). La critique portait surtout sur l'«extrinsécisme» dans la doctrine de la grâce et la théologie en général. Il s'agit, en résumé, de la théorie de la natura pura qui conçoit la nature humaine comme close sur elle-même, dotée d'une «fin naturelle», et en qui la grâce divine intervient gratuitement comme un superadditum en lui conférant une «fin surnaturelle» surajoutée. A l'égard de ce «don surnaturel», la «nature» se comporte de manière neutre, indifférente, tout au plus non contradictoire. Cette théorie fut attaquée par ces critiques en tant que «conception à double niveau». La «grâce» demeure ici complètement extérieure à la «nature» ce qui favorise la tendance de l'homme « naturel » à se satisfaire de lui-même (après tout pourquoi encore la grâce?). Le caractère constitutif du salut donné par grâce à l'homme en tant qu'homme est effacé par l'accent beaucoup trop fort mis sur la gratuité du salut, déclassant ainsi la grâce au rang d'un « accident » de la nature. Cette étrange dégradation de la grâce est associée à une compréhension de la nature et de la grâce dépourvue de fondement historique et procédant de catégories infra-personnelles. Dans l'exposé de leur nouvelle thèse de très nombreux critiques de la néo-scolastique remontent maintenant volontiers à M. Blondel et à sa «méthode de l'immanence» (dans 1'«Action» (1983) et «Lettre» (1896)). Contre l'extrinsécisme de la théologie fondamentale classique (pour qui la foi chrétienne trouvait ses fondements dans des signes «extérieurs» tels que les miracles et prophéties), Blondel s'est efforcé de montrer, d'un point de vue philosophique, qu'il est donné à l'esprit humain d'être tourné vers le surnaturel par une «exigence» intérieure et nécessaire; qu'il existe ainsi un rapport d'intime correspondance entre la nature spirituelle de l'homme et la grâce surnaturelle. Formellement, le surnaturel ne saurait donc être compris comme venant de l'extérieur s'ajouter à la nature, mais au contraire, comme répondant nécessairement à l'esprit de l'homme, à l'accomplissement le plus profond et à l'épanouissement de sa nature. En sa nécessité formelle, le rapport d'intime correspondance de la grâce et de l'esprit est le présupposé nécessaire à une religion historique pour donner à l'esprit humain la réponse concrète qu'exige sa nature spirituelle. Le fait et le contenu de cette réponse incarnée dans l'histoire trouvent leur expression la plus haute dans la révélation chrétienne et ne découlent pas d'une simple exigence de l'esprit comme le voudrait le «modernisme» qui les place sous la mouvance de « besoins religieux ». Cette réponse, il faut la rechercher sur le plan de la liberté «historique» (et non d'un a priori logique) et l'accueillir par une libre 1 décision comme une rencontre qui se propose à l'homme dans la fraîcheur spontanée de sa nouveauté. Que par une disposition profonde, nécessaire, l'esprit soit orienté vers cette réponse de la révélation à trouver dans l'histoire n'implique absolument pas que cette réponse soit subordonnée aux besoins ou catégories de l'homme, mais cela lui enlève le caractère de pure extériorité, d'incompréhensibilité, de superfluité. L'« apologétique de l'immanence» de Blondel avait pour propos de montrer l'unité interne (toute différence sauvegardée) entre histoire et révélation, nature et grâce, expérience et foi. Cette idée de l'«unité de la réalité» dans le respect de la différence, où se reconnaît l'héritage de l'idéalisme allemand, se situe bien au point de départ de la théologie catholique allemande contemporaine. LES DEUX VOIES DE LA PENSEE THEOLOGIQUE B. A partir de ce point de départ, le développement théologique a suivi jusqu'à nos jours deux voies que nous dénommerons par commodité «ligne Przywara» et « ligne Maréchal ». Toutes deux, par les adeptes et successeurs de ces auteurs sont devenues déterminantes pour la théologie allemande d'aujourd'hui. La «ligne Maréchal» 1. Elle a pour base l'ouvrage de J. Maréchal, Le point de départ de la métaphysique (1926). Sa thèse fut reprise en Allemagne par de nombreux philosophes catholiques, thomistes importants (par exemple G. Siewerth, B. Welte, M. Müller, J. B. Lotz parmi d'autres) et surtout par K. Rahner,1 qui en enrichit la théologie. A partir du point de départ esquissé ci-dessus, cette ligne peut être brièvement caractérisée ainsi: elle tend à expliciter théologiquement l'idée de 1'«unité de la réalité» en conciliant la métaphysique et la théologie thomiste classique avec la philosophie de l'esprit de l'idéalisme allemand. C'est à la «philosophie — respectivement à la théologie transcendantale — qu'il appartient d'opérer cette conciliation. Sur le modèle de l'union mystique de Dieu et de l'homme, elle voit le lieu propre de l'«unité de la réalité» dans l'esprit de chaque sujet individuel. Au fond, philosophie et théologie transcendantale ne sont pas autre chose qu'une explication conceptuelle de l'expérience unitive et «mystique» dans l'esprit de l'homme. Sur ces données, les idées fondamentales de la théologie transcendantale de Rahner se développent ainsi: la réalité, l'être, est d'abord esprit; mais l'esprit se réalise dans la conscience subjective en tant que présence à soi-même; l'esprit fini homme) ne peut être présence à soi-même qu'en sortant de lui-même vers I'«autre» et par le retour sur soi. L'«autre», le fini-historique (le monde) est ainsi le catégoriel, le «matériau» nécessaire par quoi le sujet parvient à la possession de soi et à l'aide de quoi il se réalise lui-même. L'apriori infiniment «autre» (Dieu) apparaît au contraire comme l'horizon en qui tout est compris, comme le fondement et l'ultime raison vers qui tout se tend et par là même comme la condition de la possibilité «transcendantale» de tout acte de connaissance et de liberté du sujet fini. Par cette façon d'être comme horizon en qui tout est compris et prend racine, qui rend possible tout acte humain de connaissance et de liberté, Dieu (mystère divin) est toujours et déjà présent — d'une présence non objectivée — dans l'accomplissement de l'esprit humain par lui-même. C'est pourquoi, en tant qu'être spirituel, l'homme fait dans chaque expérience et action concrètes quelque chose comme une «expérience transcendantale» de Dieu. C'est aussi pourquoi, au tréfonds de cette expérience qu'a le sujet de sa propre réalisation, se manifeste la révélation première et véritable de Dieu, à savoir la «révélation universelle»: en vertu de la volonté salvifique universelle de Dieu, c'est déjà sous la mouvance de la grâce surnaturelle que l'homme accomplit l'expérience concrète de lui-même. Conjointe à la volonté divine de salut universel, l'offre de Dieu de se communiquer lui-même ne saurait être en quelque sorte extrinsèque à l'homme; elle doit être aussi et bien plutôt nécessairement présente en tout homme 2 comme réalité créée de sa subjectivité spirituelle et par là même susceptible d'être «transcendantalement éprouvée». Rahner parle d'un «existentiel surnaturel»: c'est en tant qu'élément constitutif de l'esprit humain conféré par grâce, une équivalence créée de la volonté salvifique universelle de Dieu. Lorsqu'un homme dans le libre accomplissement spirituel de lui-même accepte de répondre à l'offre de Dieu de se communiquer (que ce soit inconsciemment de la part du «chrétien anonyme» ou consciemment de la part du «chrétien explicite») on peut selon Rahner parler véritablement de révélation «commune» ou «transcendantale». Dieu dans son infinie réalité se communique à l'homme et, au plus profond de son intériorité, il devient à la manière d'une causalité formelle, quasiment, la réalité la plus intime et épanouissante de son esprit, la «forme marquante» de son vouloir et de son connaître; il ne cesse pas pour autant d'être Dieu ou de diviniser l'homme. Comparable par analogie à la « vision béatifique de Dieu » dans l'état définitif de perfection céleste et déjà signifiée par anticipation dans l'illustration qu'en donne la révélation) «mystique», la communication première de Dieu à l'homme à est à l'œuvre dans l'esprit même de l'homme; elle conduit uploads/Philosophie/ theologie-systematique.pdf

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