PHILOSOPHIE „ DE LA REVOLUTION FRANÇAISE PAR PAUL JANET Membre de l'Institut Pr

PHILOSOPHIE „ DE LA REVOLUTION FRANÇAISE PAR PAUL JANET Membre de l'Institut Professeur à la faculté des lettres de Paris. PARIS LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C^» 108, BOULEVARD SAIM-GERMAIN, 108 Au coin de la rue liantffeuille 1875 UYRAGES DU MEME AUTEUR Le matérialisme contemporain, 2^ édition, 1875, 1 vol. in-18 de la Dibliolhèque de pliilosophie contemporaine 2 fr. 50 La crise niiLOSOPHiQUE, MM. Taine, Renan, Vachcrot, Littrô, 1805, 1 vol. in-18 de la Bibliothèque de philosophie contempo- raine 2 fr. 50 Lk cerveau et t.a pensée, 1867. 1 vol. in-18 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine 2 fr. 50 Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale, 1872, seconde édition, 2 vol. in-8 20 fr. Ktudes sur la dialectique dans Platon et dans Hegel, 1 vol. in-8 6 fr. La famille, leçons de philosophie morale (ouvrage couronné par l'Académie française), 8<= édition, l vol. in-18.... 3 fr. Philosophie du bonheur, 3^ édition, 1 vol. in-12... 3 fr. 50 Eléments de morale, 1 vol. in-12 3 fr. 50 I,A MORALE, 1874, 1 vol. in-8 7 fr. 50 Œuvres philosophiques de Leibniz avec une introduction et des notes, 2 forts vol. in-8, ornés d'un portrait 15 fr. Les causes finales , 1 vol. i!i-8 10 fr. Conl.mmiftrs _ Typop. Alukhi i ONSOT et P. PRODARD >.^ f9k f* N\ PHILOSOPHIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE -.^ Oc Nous n'avons pas eu la présomption, dans ce petit écrit (i), de donner une théorie nouvelle de la révolu- tion française; nous nous sommes proposé un but plus modeste, et plus utile : recueillir et résumer, en les ac- compagnant d'une sobre critique, toutes les opinions de quelque importance émises par les différentes écoles politiques sur le sens, la portée, les bienfaits ou les conséquences funestes de ce grand événement. C'est ce que nous appelons la philosophie de la révolution fran- çaise, c'est l'histoire de cette philosophie qui sera l'objet de notre travail. Cette histoire peut être divisée en deux périodes dis- tinctes : la première, de 1789 à 1848, est une période d'enthousiasme ou de colère, essentiellement militante; la seconde est une période d'examen et de critique, où 1. La plus grande partie de ces études a paru dans la Revue des Deux-Mondes. 1 2 PHILOSOPHIE BE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE le doule se mêle à la foi, et où l'allaque et la défense inclinent plus ou moins au scepticisme. Dans la première période, la philosophie révolutionnaire va toujours en s'accentuant, en s'exaltant davantage^ soit par l'opposition qu'elle rencontre et qu'elle provoque, soit par son propre entraînement. Dans la seconde, après avoir atteint son maximum d'acuité, elle rétrograde peu à peu, et de cri- tique en critique, de réserve en réserve, elle aboutit à une sorte de rétractation et de désaveu, qui n'ose pas aller cependant jusqu'à la contre-révolulion : état né- gatif, également funeste à toutes les causes, et auquel il est impossible, selon nous, de s'arrêter. Le premier livre de cet ouvrage sera consacré à l'histoire de la pre- mière période; le second livre, à la seconde. Entre l'exagération de l'une et le scepticisme de l'autre, il y a une voie moyenne, qui est vraisemblablement la vé- rité. Nous espérons qu'elle se dégagera d'elle-même des études qui vout suivre. LIVRE PREMIER n ÉCOLE HISTORIQUE. — ÉCOLE PT LOSOPHI ,UE. BURivE ET FICHTE. A peine la révolution française avait-elle éclaté, qu elle suscitait à l'étranger, aussi bien que parmi nous, les plus ardentes controverses. De nombreux écrits, en Angleterre et en Allemagne, étaient publiés pour et contre les principes, les actes, les acteurs de ce grand événement. Deux surtout ont survécu à cette nuée de pamphlets et de brochures : l'un en An- gleterre, l'autre en Allemagne, l'un critique, l'autre approbateur; l'un, publié en 1790, avait pour auteur Edmond Burke, célèbre orateur et publiciste Anglais, l'adversaire de Pitt, l'ami de Fox, avec lequel cependant il rompit dans une mémorable séance du parlement, 6 PHILOSOPHIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE précisément à cause de ses opinions sur la révolution française; l'aulre, publié en 1797, avait pour auteur Fichte, l'illustre disciple de Kant, alors dans Tenthou- siasme de la révolution, et qui tourna plus tard contre nous cet enthousiasme, lorsque de libérateurs des peu- ples, nous en fûmes devenus les dominateurs. Le livre de Burke, intitulé Réflexions sur la révolution de France (1), fait valoir le principe de la tradition et les droits du passé contre les principes abstraits et métaphy- siques de la révolution française : il peut être rapporté à ce que l'on a appelé plus tard l'école historique. L'autre, intitulé Considérations sur larévolutionfrançaise (2), se place au contraire dans le domaine delà pensée pure, et représente les principes de l'école philosophique. 1. Reflectiona on the révolution in France. (OEuvres de Burke, London, 1823, t. V.) Le livre de Burke fut écrit à l'occasion d'un sermon du docteur Richard Priée , et d'une adresse envoyée à la suite de ce sermon à l'Assemblée nationale. Ce sont les argumeiils et les paroles mêmes de Priée qui servent de thêniie à la réfuta- tion de l'auteur. Le livre des Réflexions fit la plus grande sensa- tion en Europe. Plusieurs écrivains célèbres y répondirent, môme en Angleterre, entre autres, Mac-Intosh, Pricstley, et le célèbre Américain Thomas Payne. Benjamin Constant dans ses lettres à madame de Charrière fait allusion, avec beaucoup de mépris, à l'ou- vrai,-e de Burke. — Voir sur Burke, les belles Éhtdes sur l'AngJe- erre au XVIII^ siècle, de M. Ch. de Rémusat. 2. Cet ouvrage a été traduit en français avec une longue et forte Introduction, par M. Jules Barui. Paris, i8o9. BURKE ET FICHTE 7 L'Angleterre, habituée depuis longtemps aux discus- sions politiques, et qui nous avait donné Texeuiple d'une révolution sennblable à la nôtre, se montrait à la fois fière de notre imitation, et inquiète d'en ressentir les contre-coups. C'est ce second sentiment qui domine surtout dans le livre de Burke. Il ne manquait pas en effet alors, même en Angleterre, d'esprits ardents pour faire remarquer que la constitution Anglaise reposait ou semblait reposer sur le principe que l'on essayait d'introduire en France, à savoir le principe de la souve- raineté populaire: ce qui pouvait donner lieu de craindre que l'on n'en tirât les mêmes conséquences. Burke dut donc s'attacher dans son ouvrage à distinguer les prin- cipes qui avaient présidé à la révolution anglaise, et ceux qu'invoquait la nouvelle révolution. Sans doute, ce n'est pas un partisan aveugle du passé. Il ne défend pas, comme les Jacobites, le principe du droit divin et de l'obéissance passive ; mais il soutient que le chan- gement de dynastie qui a eu lieu en Angleterre au XVII® siècle, n'a été qu'une « dérogation exception- nelle » [occasional deviatioji) à la loi de la suc- cession héréditaire, et encore une dérogation que l'on a essayé de rendre aussi étroite que possible. « Sans doute, dit-il, on s'écarta un peu pour cette fois 8 PHILOSOPHIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE de l'ordre strict et régulier de la succession dans la personne du roi Guillaume. Mais il est contre tous les vrais principes de la jurisprudence d'établir en règle générale une loi faite pour un cas particulier, et pour un individu particulier. Privilegium non transit in exempliim (p. 54).... » — « Il est très-aisé, dit-il encore, de concilier avec l'existence d'une règle fixe le fait d'une dérogation exceptionnelle, de concilier le prin- cipe de l'hérédité de la couronne avec le pouvoir de changer son application... Celle altération ne peut avoir lieu qu'à l'égard de la partie ^ecc^nie {To the peceant part)... sans décomposer la masse entière du corps politique , sous prétexte de vouloir créer avec les éléments de k société un ordre îout-à-fait nouveau (p. 58). )) Burke reconnaît qu'il doit y avoir, pour qu'uue so- ciété se maintienne, un a principe de conservation » et un « principe de redressement (1). » Mais ce redres- sement doit être limité au strict nécessaire, et se rappro- cher autant que possible de l'ordre régulier et tradition- nel. C'est ainsi que, lors de la révolution de 1688, le roi Jacques II fut censé avoir abdiqué la couronne (p. 59); et le trône dut être considéré comme vacant (p. 67, 1. The two principles of conservation and correction, p. 39. BURKE ET FICHTE 9 note); » ce qui en permettait l'accès a au plus proche héritier, c'est-à-dire à la reine Marie. Mais on ne doit pas conclure de ce cas particulier un droit général et absolu de détrôner les rois, et de les « casser aux gages (cashiering) (1). » En vertu des mêmes principes, Burke nie que le peuple ait le droit de changer son gouvernement quand il lui plaît, et de s'en faire un à sa fantaisie : « la simple idée de la formation d'un nouveau gouvernement suffit pour vous inspirer le dégoût et l'horreur... (2). Nous ne devons ce que nous possédons qu'à Vhéritage de nos ancêtres.,. La politique constante de notre constitution a été de réclamer nos libertés comme un héritage qui nous uploads/Philosophie/ paul-janet-philosophie-de-la-revolution-francaise-paris-1875.pdf

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