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Patrick Charaudeau - Livres, articles, publications http://www.patrick-charaudeau.com/Des-categories-pou l-humour,274.htm Des catégories pour l’humour. Précisions, rectifications, compléments in Vivero Ma.D. (dir.), Humour et crises sociales. Regards croisés France-Espagne (pp.9-43), L’Harmattan, Paris Comme dans toute recherche, il y a un temps pour l’exploration d’une question en observant des corpus, un temps pour l’élaboration de catégories susceptibles d’avoir un pouvoir explicatif, un temps pour les éprouver en les appliquant à divers types de textes, et un temps pour revenir sur ces catégories afin d’en vérifier la validité. Aussi, après avoir proposé, à l’issue d’un premier travail de recherche collectif franco-espagnol, des définitions de certaines catégories de l’humour, il m’est apparu utile de reprendre ces catégories pour, soit en montrer la validité, soit apporter des précisions quant à leur définition, so même en rectifier certains aspects. Je vais donc reprendre ici certaines parties de mon positionnement sur l’humour que j’ai présenté dans mon article [1] pour en préciser, voire corriger, certains aspects. Je m’attacherai à justifier d nouveau les raisons pour lesquelles je propose de considérer l’humour comme une catégorie générique, puis je reprendrai rapidement les différentes composantes de l’acte humoristique pour y apporter quelques précisions, et enfin je me centrerai plus particulièrement sur l’ironie et le sarcasme, catégories emblématiques de l’humour, en m’interrogeant parallèlement sur la notion de doxa et les effets discursifs que peuvent produire l’usage de ces catégories. Rappel de mon positionnement vis-à-vis des questions du langage Dans mon approche des questions concernant ce phénomène psychologique et social qu’est le langage, je privilégie l’aspect communicationnel. C’est-à-dire que je pars de l’hypothèse psychosociale que tout individu parle pour communiquer avec un autre dont il ne sait pas tout de sa nature psychologique et sociale, et que tout individu récepteur d’un acte de langage, quel qu’il soit, comprend et interprète en cherchant à savoir ce que veut dire cet être parlant dont il ignore la totalité de la nature psychologique et sociale. Cette hypothèse met en lumière l’existence d’une double identité des êtres parlant : d’une part, un être qui pense, a des intentions et un projet de parole en fonction de ce qu’est sa psychologie et sa position sociale, d’autre part, un être qui parle, qui se manifeste, qui configure son projet de parole et le met en scène pour qu’un autre le perçoive. Ce qui fait que je pose comme préalable, indépendamment du phénomène de polyphonie, que toute communication humaine se fait entre des êtres qui ont une double identité, sociale et discursive. D’un côté, un être pensant, lieu mystérieux où se joue et se construit l’intention communicative mélange de rationalisation consciente et de pulsions inconscientes en fonction d’une identité à la fois psychologique et sociale. D’un autre côté, un être de langage —ou être de parole—, lieu de construction d’une identité qui est reflétée par l’acte de langage lui-même et don on ne sait a priori si cette identité discursive révèle, renforce ou occulte le projet de parole su sujet parlant. C’est selon cette double identité que procède le discours du sujet locuteur, c’est selon cette double identité que procède l’interprétation du sujet récepteur. Pour simplifier, on peu dire que tout sujet parlant est à la fois un être pensant et un être disant. Je ne veux pas dire pour autant qu’il existerait un être pensant indépendamment du langage, ni un être de langage indépendamment de la nature psychologique et sociale de l’individu. Les deux Imprimer : Des catégories pour l'humour. Précisions, rectifications, co... http://www.patrick-charaudeau.com/spip.php?page=imprimir_articulo... 1 sur 21 18/01/2021 à 08:18 se construisent simultanément et s’alimentent réciproquement, le sens de tout acte de langage résultant du rapport dialectique qui s’établit entre ces deux êtres. L’être de langage est le lieu de la mise en scène des signes avec lesquels communique le sujet parlant dont le résultat produit un ensemble de sens possibles dépendant à la fois des intentions (conscientes et inconscientes) du sujet locuteur et des possibilités interprétatives du sujet récepteur. Les sens possibles des discour mis en scène sont ainsi le résultat d’une co-construction entre locuteur et récepteur. Faisons varie les récepteurs et, à chaque fois, un sens nouveau est susceptible d’émerger enrichissant l’ensemble des sens possibles, le rôle de l’analyste consistant à faire émerger cet ensemble de possibles. J’aborde donc les questions de langage à partir de cette postulation, et considère que la polyphonie et l’aspect pragmatique du langage ne sont pas un principe de départ mais une conséquence de cet état des choses postulé. Dans cette perspective, c’est bien l’usage, avec sa composante psychosociale qui prime et qui interdit qu’on analyse les faits de langage hors contexte. Lorsque Sperber et Wilson analysent les énoncés [2] : —Pierre : « C’est une belle journée pour un pique-nique », _—Marie : « Effectivement, c’est une belle journée pour un pique-nique » ils ne s’interrogent pas sur qui sont Pierre et Marie (je reviendrai là-dessus à propos de l’ironie), i locuteurs abstraits, comme tirés d’exemples de grammaire. Ils rapportent certes un aspect de l’événement qui est concomitant à l’échange, à savoir "qu’ils partent pique-niquer alors qu’il pleut", mais, outre qu’on ne sait rien sur l’identité de ces interlocuteurs, rien de ce qui a précédé cet échange n’est pris en compte. Et c’est pourtant la connaissance de ces données qui permettrait de comprendre ce qui se joue dans cet échange. De même, je ne saurais dire si l’énoncé « Les noirs ne sont pas égaux blancs » témoigne d’une pensée raciste ou non. Il faudrait pour ce faire que je sache qui la prononce : si c’est un ethnologue décrivant le société qu’il étudie, si c’est un blanc ou un noir (et dans quelle condition de vie), si c’est un Américain ou un Français (et à propos de quoi), si c’est Jean-Marie Le Pen, homme politique d’extrême droite en campagne électorale. Évidemment, les mots par leur usage sont chargés des situations d’emploi [3] et du déjà dit [4], mais c’est toujours en contexte qu’il faut les étudier. C’est pourquoi lorsque sont analysés les titres d’un journal, il est difficile de dissocier la connaissance que l’on peut avoir des positionnements idéologiques du journal de la façon dont les titres sont configurés. C’est d’ailleurs ce qui probablement clive les récepteurs entr ceux qui apprécient les jeux de mots dans les titres et ceux qui y sont opposés. Si donc tout acte de langage comporte trois aspects, sémantique, énonciatif et communicationnel c’est ce dernier que je privilégie dans ma démarche, non pas à l’exclusion des autres mais comm un déplacement de focale sur un objet multidimensionnel. Justification de l’humour comme notion générique : Quand on passe en revue les écrits sur l’humour , on observe que les notions d’humour, d’ironie et de sarcasme sont tantôt opposées, tantôt confondues. J’avais déjà signalé que dans le Dictionnaire de poétique et de rhétorique d’Henri Morier [5 et humour sont présentés comme des catégories distinctes : l’ironie jouerait plus particulièremen sur l’antiphrase, l’humour sur des oppositions qui ne seraient pas antiphrastiques. L’ironie enclencherait le rire, l’humour n’enclencherait que le sourire : « L’humour est l’expression d’un état d’esprit calme, posé, qui, tout en voyant les insuffisances d’un caractère, d’une situation (…) s’en accommode avec une bonhomie résignée et souriante, persuadé qu’un grain de folie est dan l’ordre des choses (…), alors que l’ironie serait un jugement critique de dénonciation face à l’imperfection du monde » [6]. Pour Robert Escarpit, en revanche, humour et ironie sont confondus ou du moins enchâssés l’un dans l’autre : « le paradoxe ironique est au cœur même de tout processus humoristique par la mise en contact soudaine du monde quotidien avec un monde Imprimer : Des catégories pour l'humour. Précisions, rectifications, co... http://www.patrick-charaudeau.com/spip.php?page=imprimir_articulo... 2 sur 21 18/01/2021 à 08:18 délibérément réduit à l’absurde » [7]. Par ailleurs, ironie et sarcasme (ou raillerie) sont mis dans le même panier, comme le disent Dumarsais et Fontanier : « l’ironie consiste à dire par manière de raillerie, tout le contraire de ce qu’on pense ou de ce que l’on veut faire penser aux autres » [8], ce qui pose un véritable problème, car lorsque Zazie dit « Mon cul ! » à un monsieur qui se croit très important, elle ne dit pas le contraire de ce qu’elle pense : elle raille mais n’ironise pas. Dans telle autre publication [ collective, les articles qui s’y trouvent sont censés relever de la dérision, alors que les auteurs, bien embarrassés, emploient alternativement les termes de satire, humour ou ironie pour désigne ce même phénomène de dérision dans le discours politique. Dans toute classification, il faut une notion générique dont la principale caractéristique est de comprendre dans sa définition les traits généraux communs aux catégories spécifiques qui s’y trouvent incluses, chacune avec des particularités qui la définit en propre. Il en est ainsi des classifications lexicales qui s’organisent autour d’un terme générique "hyperonyme" (fleur), leque inclus les termes "co-hyponymes" qui en dépendent (rose, œillet, magnolia, géranium, …). Quelle serait donc la définition d’humour comme notion générique ? J’emploie le terme « humour » pour désigner une stratégie discursive qui consiste uploads/Philosophie/ patrick-charaudeau-des-categories-pour-l-x27-humour-precisions-rectifications-complements.pdf

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