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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 2003 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 02/21/2021 8:34 a.m. Laval théologique et philosophique Luc Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Paris, Grasset & Fasquelle, 2002, 487 p. Étienne Haché Volume 59, Number 1, février 2003 URI: https://id.erudit.org/iderudit/000800ar DOI: https://doi.org/10.7202/000800ar See table of contents Publisher(s) Faculté de philosophie, Université Laval Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval ISSN 0023-9054 (print) 1703-8804 (digital) Explore this journal Cite this review Haché, É. (2003). Review of [Luc Ferry, Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Paris, Grasset & Fasquelle, 2002, 487 p.] Laval théologique et philosophique, 59 (1), 172–175. https://doi.org/10.7202/000800ar RECENSIONS 172 notre temps réaffirme que le philosophe doit occuper une place importante dans notre société, et démontre de quelle manière certains enjeux contemporains (questions éthiques, politiques, scientifi- ques) sont implicitement d’ordre philosophique. De plus, on sent que les auteurs de ces textes maî- trisent les œuvres qu’ils nous présentent et qu’ils sont pour la plupart des spécialistes, capables de développements nuancés et d’approfondissements fertiles, mais contraints pour l’occasion à la double exigence de la clarté et de la concision. Cet exercice de vulgarisation scientifique en philo- sophie conserve quelque chose de noble et de rare. Une question émerge, toutefois, devant cette réussite. Appartient-il aux pédagogues ou aux philosophes de nous initier à la philosophie ? Ce livre nous répond en y convoquant successivement des experts de ces deux groupes, sans nullement prétendre épuiser le sujet. Le résultat obtenu ici sera difficile à égaler et nous laissera certainement le goût de prolonger la réflexion, ce qui en soi demeure une réussite pédagogique et philosophique. Yves LABERGE Université Laval, Québec Luc FERRY, Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Paris, Grasset & Fasquelle, 2002, 487 p. C’est un itinéraire des Anciens aux Modernes que propose L. Ferry dans son ouvrage intitulé Qu’est-ce qu’une vie réussie ? En termes vifs, précis et accessibles, l’auteur veut montrer (avant- propos et 1re partie, chap. I-II, p. 7-80) que l’antique question de la vie bonne n’a pas déserté notre univers, bien au contraire, et que sa variante actuelle, la « réussite sociale » — si aiguillonnée soit- elle par une logique technico-consumériste —, bien loin d’en occulter l’importance, dissimule une préoccupation plus profonde : comment, par-delà religion et matérialisme, admettre certaines for- mes d’hétéronomie dans l’immanence au vécu subjectif, sachant qu’il est impossible d’en faire l’économie dans une méditation sur le sens ? La thèse de Ferry est que la réponse n’émane plus d’un principe extérieur et vertical, mais d’un principe horizontal, et par conséquent accessible aux hommes, donc, en « aval » pour ainsi dire, et non plus en « amont ». En clair, à l’idée que la moder- nité, fondée sur une métaphysique de la subjectivité, aurait conduit une radicalisation de l’idée d’autonomie pour culminer dans une volonté de puissance aliénante et dépourvue de spiritualité — homogénéisant ainsi tout le trajet des Modernes —, Ferry oppose la vision d’un monde « réenchan- té » où le philosophe peut enfin reprendre la place qui lui était jadis dévolue dans l’articulation d’une vie pleine et réussie. En voici d’ailleurs les grandes lignes. L’auteur a d’abord choisi de nous présenter (2e partie, chap. I-IV, p. 83-223), l’un de ceux, nul autre que Nietzsche, pour qui « la mort de Dieu » somme le philosophe de substituer à la recherche traditionnelle du vrai, celle du sens. Ferry refuse d’assimiler la prescription de « philosopher à coup de marteau » au nihilisme. Selon lui, la subversion nietzschéenne de la dichotomie platonicienne du sensible (l’« actif ») et du suprasensible (le « réactif »), loin d’abolir l’idée de vérité, visait, en fait, une authentique « volonté de vérité » — non plus intelligible, mais créative — à laquelle l’art sous- crit en tant qu’« émanation de la vie » (p. 89-141). Or Nietzsche ne recommande pas pour autant de choisir systématiquement les passions au détriment de la raison ; une telle préférence tendrait à son tour à une « laideur » démocratique réactive, bien plus qu’au « grand style ». Sa déconstruction des transcendances n’est que la condition du salut terrestre : 1) d’une part, dans le cadre de modes de vie « dont nous pourrions souhaiter l’infinie répétition » ; 2) et d’autre part, par une adhésion sans réserve à l’« amor fati », soit « tout prendre […] dans un même amour du réel ». Ce qui veut dire, selon Ferry, que « l’amour du destin ne vaudrait qu’après application des exigences très sélectives de l’éternel retour ». Le philosophe-artiste, créateur de valeurs nouvelles et du « grand style », est ainsi déculpabilisé et capable de se « sauver lui-même ». Là résiderait, selon L. Ferry, toute la mo- RECENSIONS 173 rale nietzschéenne du bonheur (p. 141-166). En cela, Nietzsche thématiserait trois représentations modernes de la vie bonne sur fond d’« humanisation-laïcisation » : 1) la « vie quotidienne » ; 2) la « vie de bohème » ; 3) et la « vie d’entreprise ». Si les deux premières ont pour point de conver- gence l’œuvre d’art comme production ex nihilo, la bohème partage aussi avec le capitaliste le « culte de l’élitisme ». Non pas que la finalité de l’art s’épuiserait dans l’argent et la reconnaissance, mais parce qu’il faut « sortir […] de la platitude inhérente à la vie quotidienne ». En quoi Ferry, dans la lignée de Heidegger, reconnaît cependant qu’un tel matérialisme ne saurait de nos jours se suffire à lui-même (p. 167-204). L’auteur entreprend par la suite une digression historique jusqu’aux Anciens (3e partie, chap. I-III, p. 227-307) afin de montrer que la philosophie grecque se veut une tentative d’assumer la question de la vie bonne sur un mode non religieux (p. 227-239). Voici comment : 1) l’éton- nement, « consubstantiel à la philosophie », remplace le mythe ; 2) le surnaturel fait place au naturel (la phusis) qui devient l’« objet d’une discussion rationnelle » ; 3) et pour finir, le philosophe est chargé d’interpréter l’invisible et de le divulguer à la cité. Pour tout dire, avec les Grecs, l’ordre des choses est inversé, mais « la quête du salut reste le fil d’Ariane » (p. 240-246). Preuve de la dimen- sion salvatrice de la philosophie, la mort : non seulement n’est-elle plus considérée comme la fin de la vie, mais s’en détourner permet de sortir des conditions communes pour rivaliser avec les dieux au moyen de la partie divine, l’« intellect ». Originale, mais non moins étrange, est la lecture que fait Ferry de Platon et d’Aristote sur le nous : ni tout à fait éternel — étant donné qu’il faut appren- dre à contempler l’Être —, mais ni tout à fait mortel — puisque faisant partie d’un univers éternel —, l’homme peut donc se sauver lui-même (p. 246-256). De manière générale, si, aux yeux des Grecs, « le sens de la vie passe par [l’éternité] du cosmos », le charme que la raison exerce sur les hommes en fait « le fondement ultime d’une éthique » universelle, « eudémoniste » et « immanente au réel » — et non pas l’apologie d’une « raison instrumentale extérieure » aux hommes (p. 257- 276). Mais c’est surtout dans le stoïcisme de la « troisième vague » que Ferry voit le « type-idéal de la sagesse ancienne ». Certes, l’existence ne peut être qu’absurde, dès lors qu’elle prétend s’affranchir du déterminisme de la nature. Néanmoins, l’effort intérieur pour comprendre « ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend point » suppose tout de même une liberté « a priori », en la forme d’une « intelligence de la nécessité ». C’est-à-dire que loin d’être opposée à la liberté, la raison en est « l’auxiliaire suprême » qui permet de conférer « un sens aux événements que le destin […] impose », en vue d’atteindre l’ataraxie (p. 277-296). Aux dires de Ferry, le stoïcisme est une pensée du bonheur pleine d’« actualité », en ce qu’il appréhende le présent comme éternité, par- delà la « nostalgie » et l’« espérance », et plaide pour une « subjectivité […] dépouillée de toute hypertrophie du moi » (p. 296-307). L’avant-dernière partie (4e, chap. I-II, p. 311-413), montre qu’avec le christianisme, la philoso- phie grecque « va se voir […] reléguée au statut […] d’auxiliaire de la théologie ». Dès l’Évangile de Jean, l’ordre hiérarchique « theoria-praxis-sotériologie » est renversé : 1) la foi est substituée à la raison comme vecteur de la pensée ; 2) le logos prend une incarnation christique ; 3) et l’immor- talité terrestre surplombe l’éternité du cosmos. À la croyance de uploads/Philosophie/ luc-ferry-qu-x27-est-ce-qu-x27-une-vie-reussie-paris-grasset-amp-fasquelle-2002-487-p.pdf

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