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Doc LI rrIFnt II l il II R ^1 1 il Ili 0000005594733 'c' 94 C) ^ ??,3 A 2 LES RAPPORTS D'ANALOGIE ENTRE PHILOSOPHIE ET ALCHIMIE MÉDIÉVALES Il est admis depuis longtemps que l'alchimie fonde sa théorie sur les grands sys- tènies philosophiques grecs. Martin Plessner a étudié la cosmologie pré-socratique de la Turba philosophorum 1 et pour Jâhir, flOUS disposons de l'étude magistrale de Paul Kraus 2, Pour le Moyen Âge, cependant, le classement et l'analyse des doc- trines philosophiques servant de base théorique à l'activité transmutatoire restent à faire . Ni pour l'Antiquité, ni a fortiori pour le Moyen Âge, la nature du rapport entre alchimie et philosophie n'a fait l'objet de recherches autres que ponctuelles. Pourtant, l'examen de ce rapport représente un élément indispensable dans l'analyse des textes alchimiques, car il permet de dégager les raisons pour lesquelles leurs au- teurs ont eu recours aux différents systèmes philosophiques, leurs intentions et la fi- nalité des arguments. En ce qui concerne l'étude de la rhétorique des textes alchimiques, l'attention s'est portée presque exclusivement sur les stratégies d'occultation, notamment celles visant à cacher les matières à utiliser et qui consistent en des substitutions de mots 4 . C'est avant tout dans cette perspective que Martin Plcssncr envisage le rap- port entre philosophie et alchimie dans la Turba philosophorum, en y décelant une tendance « à cacher des doctrines alchimiques dans la doxographie, ce qui permet de comprendre les discours de façon purement cosmographique» 1. Toutefois, le rapport entre cosmologie et doctrines alchimiques relèverait également d'une tentative de dé- duire cette dernière de la science de la nature, selon la tradition grecque 15. Sans doute, dans ce document précis, existe-t-il un lien étroit entre justification philosophique et 1. Vorsokratische Philosophie und griechische Aichemie in arahiscli-lazei,jischer Ueberlieferung. Studien in Text u'ui inhal: der Turbo philosophorum. Wiesbaden. 1975. 2. .Jhir 11m Flayyân. Contribution à l'histoire des uiée,r ,cienxfiques dans l'islam. JJbirez la science grecque, Le Caire. 1942. réd.. Paris, 1986. 3. Cf. Claude Gagnon, Chiara Crisciani. Alchimie et philosophie au Moyen Âge: Perspectives et problèmes, Montréal, 1980. 4. Les Decknamen. Cf. Robert HuIleux, Les Textes alchimiques. Typologie des sources du Moyen Age occidental, faxe. 32. Brepols, 1979, pp. 34-35. 5. Vorsokraiische Philosophie, p. 44: 'dedenfalls ist aber die Tendcnz semer Ttigkeit (celle de l'auteur) bereits erkennhar: alchemistische Lehren in der Doxographie su verstecken, was errnôglicht. seine Reden rein kosniographisch su verstehen.» 6. Ibid.. p. 92. 44 BARBARA OBRIST stratégies d'occultation, mais ce lien ne représente pas une constante dans l'histoire de l'alchimie. Les pages qui Suivent se proposent d'examiner la nature des rapports entre phi- losophie et alchimie dans son évolution au cours du Moyen Âge. Pour établir ces rapports, l'analogie constitue le moyen privilégié. Depuis l'analogie proportionnelle jusqu'à la similitude la plus vague, une vaste gamme de possibilités logiques et rhé- toriques est exploitée dans les textes alchimiques médiévaux 7. Dans la première phase d'expansion de l'alchimie, les rapports d'analogie sont établis dans le but de développer la théorie d'un domaine particulier et nouveau, par référence à une théorie physique générale. Ils sont instrumentaux dans l'effort de conférer un statut scientifique à l'alchimie en ce qu'ils permettent d'inférer des don- nées à partir de domaines sinon établis, du moins reconnus comme valables, et qui servent de modèles théoriques. Mais par la suite ces rapports d'analogie furent soumis à un examen critique, à la lumière des constats d'insuccès. Les rapports entre les théories philosophiques gé- nérales et celles de la formation naturelle des métaux, ainsi que celles de leur trans- formation artificielle, changent alors de nature dans la mesure où ils servent non plus le dessein d'ancrer l'alchimie dans un cadre philosophique reconnu, mais celui de la dissimulation. Dans l'état actuel de la recherche sur l'alchimie médiévale, il n'est guère pas- sible d'établir une grille chronologique précise pour situer les étapes de cette évolu- tion. La première phase d'expansion de l'alchimie, qui se caractérise par un effort de constituer cette nouvelle discipine en science et de l'intégrer dans le cadre institu- tionnel universitaire, n'est que de courte durée. Elle s'étend approximativement jus- qu'au troisième quart du XIUC siècle. Le passage à la seconde phase se fait progressi- vement, vers la fin du Xill e siècle. Malheureusement, peu de textes alchimiques por- tent une date, et si des analyses comme celle de William Newman sur la Summa perfectionis permettent dorénavant de situer ce document, un immense travail de dé- pouillement reste à faire. L'analyse des textes alchimiques sur la base des doctrines philosophiques adoptés ou rejetés - par exemple la théorie des species de Roger Bacon, pour ne mentionner qu'un exemple parmi tant d'autres - permettrait de faire un grand pas en avant dans l'établissement de repères chronologiques. Première phase Le rapport entre alchimie et philosophie médiévales implique celui entre ars et scienria. Dans la première phase d'évolution de l'alchimie, il se présente comme suit: introduite en Occident au XIir siècle 8, à la fois comme scientia et comme ars, l'alchimie comporte aussi bien une théorie de la formation et de la transformation des métaux que des directives pratiques et des recettes visant l'obtention de métaux 7. Sur l'extréme diversité des procédés rhétoriques dans les textes scientifiques modernes. cf . W. H. Lcachcrdale, The Rote cf Ana!ogv, Mode! a,id Meta 1,hor in Science, Amsterdam - Oxford. 1974. 8. Morienus, De compositione alchemie. traduit LIC l'arabe par Robert de Chester en 1144. Éd. et trad. Lee Stavenhagen, A Testament cf Alchernv. Hanover, New Hampshire. 1974. LES RAPPORTS D'ANALOGIE ENTRE PHILOSOPHIE ET ALCHIMIE MÉDIÉVALES 45 précieux 9. Mais ce n'est qu'au XIIIe siècle qu'elle se répand et qu'une littérature al- chimique occidentale se développe. Les théories de la formation naturelle des mé- taux, de même que celles concernant leur transformation artificielle, sont alors discu- tées dans le nouveau cadre scolastique de l'Université. En tant qu'artisanat, elle connaît un rapide essor dans le milieu urbain. Des premiers témoignages sur cette activité artisanale en Occident, en particulier de ceux de Michel Scot et de Vincent de Beauvais, dans le deuxième quart du xiiie siècle, il ressort qu'elle est considérée comme un art de transformation tout court. Elle opère des transformations dans des matières provenant du règne non seulement minéral, mais également végétal et animal, au moyen de la distillation 10. Les alchi- mistes se profilent ainsi en tant que spécialistes d'un large spectre de produits: ils imitent des métaux précieux 11 , aussi bien que des pierres, 12 tandis qu'aux pharma- ciens (apothicaires) et médecins, ils livrent des produits de distillation 13. L'intégration de l'alchimie dans l'enseignement universitaire est assurée dans la mesure où son statut scientifique est établi dans les classifications des sciences re- prises aux Arabes; elle y est considérée comme une discipline appartenant à la phy- sique 14 au même titre que la médecine. En conséquence, la théorie de la formation des métaux établie par Avicenne, ainsi que celle de leur transformation artificielle - elle est possible si les métaux sont réduits à la matière première font partie de l'enseignement des Météorologiques d'Aristote 16 . Le texte aristotélicien des Météorologiques et celui d'Avicenne avaient été réunis par leur traducteur Alfred de Sareshel autour de 120017 Le même cadre institutionnel universitaire qui favorise les liens entre alchimie et philosophie aristotélicienne renforce celui entre alchimie et médecine, car l'étude de la médecine est précédée par celle des unes, lesquelles sont structurées par le cor- pus d'écrits aristotéliciens 18 D'autre part, l'effort de développer la théorie des 9. R. Stecle, '.Practical Chcmistry in the 12th Century.. Isis, 12(1929). pp. 10-46. J. Ruska, Das Buch der Alaune und Saize, Berlin, 1935. W. Ganzenmiiller. Eine alchemistischc Handschrift aus der zweiten H1fte des 12. Jahrhunderts.'. Sud.hoffs Archiv, 39(1955), pp. 43-53. 10. Vincent de Beauvais, Speculum doctrinale. XI. 132 (version rédigée vers 1259). Douai, 1624. IL. Michel Scot. Liber parricularis. (après 1228), cité dans Ch. H. Haskins, Studies in the HLrtorii ofMediaevai Science, Cambridge, Mass., rééd., 1927, p. 295. 12. Albert le Grand, Minéralogie, 1. 3. 2; éd. A. Borgnet, Opera omnia, vol. V, Paris, 1890; trad. D. Wyckoff. Albertus Magnus, Book on Minerais, Oxford, 1967. 13. Vincent de Bcauvais. Speculum doctrinale, XI. 105; Speculum naturale, VII. 95. 14. Pour le Xile siècle, Dominicus Gundissalinus. De divisione phiiosophiae, éd. L. Baur (Beitr8ge sur Geschichte der Philosophie des Mittelalters), 4 (1903), p. 20. Pour le XIII 5, Vincent de Beauvais, Speculum natu raie, VII, 6, Speculum doctrinale, XI, 105. 15. Éd. E.J. 1lolniyard, D.C. Mandeville, De congelatione e: coriglutinatione lapidum, Pans, 1927, p. 55. 16. Dans les manuscrits de l'ancienne traduction des Météorologiques, le texte d'Avicenne constitue le dernier chapitre. Pour la littérature sur ce sujet, cf. B. Obrist, Constantine of P,sa. The Book of ilie Secrets of Aiche,.ny, Leiden, etc., 1990, pp. 24-26. Le Liber secretorum alchimie, de 1257, semble être parmi les premiers documents témoignant d'un tel enseignement. 17. J. K. Ouc, Alfred ofSareshel's Com,nentarv on tIre 'Metheora' o! Aristoile, Studien und Texte zut Geistesgeschichtc des Mittelaliers, 19. Leiden - New York - Copenhagen - Cologne. 1988. 18. P. uploads/Philosophie/ les-rapports-d-x27-analogie-entre-philosophie-et-alchimie-medievales.pdf
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- Publié le Aoû 03, 2022
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