LE "PHILOSOPHE" DU XVIIIe SIECLE La philosophie des Lumières Le nom « Lumières
LE "PHILOSOPHE" DU XVIIIe SIECLE La philosophie des Lumières Le nom « Lumières » désigne métaphoriquement le mouvement intellectuel qui naît en Europe au XVIII°siècle. La métaphore évoque le passage de l’obscurité de la nuit à la lumière d’un jour nouveau, c’est-à-dire d’une société qui repose sur la tradition et la référence aux textes sacrés à une société qui privilégie la connaissance rationnelle et l’esprit critique.(cf « Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières » E Kant) La philosophie des Lumières ne constitue pas un système de pensée élaboré par un seul auteur de référence mais un mouvement qui regroupe des intellectuels de formations diverses et partageant des valeurs communes. Les collaborateurs de l’Encyclopédie viennent de tous les horizons : d’Alembert est mathématicien, Buffon biologiste, Montesquieu juriste, Voltaire, Diderot sont avant tout des écrivains. Tous partagent les mêmes convictions fondamentales mais chacun a une personnalité marquée : en matière de religion Voltaire est déiste, Diderot et Helvétius sont matérialistes (proches de l’athéisme). Le plus connu pour son engagement est Voltaire (affaire Calas), mais tous sont, à leur façon, des militants. Qu’est-ce qu’un « philosophe » au XVIII° siècle ? : Du Marsais dans l’article « philosophe » de l’Encyclopédie le définit ainsi : Intellectuellement c’est un homme qui ne se fie qu’à sa raison « La raison est à l’égard du philosophe ce que la grâce est à l’égard du chrétien. » « L’esprit philosophique est […] un esprit d’observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes ». Socialement c’est un homme qui aime vivre en société. « …un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile » Moralement c’est un homme honnête et responsable, conscient de ses devoirs envers la société. « …le philosophe est jaloux de tout ce qui s’appelle honneur et probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre.» Les valeurs communes aux philosophes des Lumières. Le rejet du despotisme et de l’Eglise qui imposent des préjugés aux peuples pour mieux les soumettre à leur pouvoir. Ils sont favorables à une monarchie « éclairée », constitutionnelle.( Le peuple est jugé trop ignorant pour participer au pouvoir. Seul Rousseau développe l’idée de la souveraineté populaire.) Ils combattent en faveur de la tolérance et pour la liberté de culte en matière de religion. La confiance en la raison humaine. Les philosophes cherchent à développer par tous les moyens l’esprit critique de leurs contemporains : contes philosophiques de Voltaire ou articles de l’Encyclopédie où le lecteur doit savoir déchiffrer les idées subversives que cachent certains articles apparemment anodins. (ex. article « nommer » reproduit p230 du manuel) Ils condamnent la censure et affirment le droit à la liberté d’expression, facteur de progrès social. La foi dans le progrès de l’humanité. Les philosophes des Lumières croient en effet au progrès : l’homme, pensent-ils, a son avenir entre ses mains. (Voltaire : Candide « Il faut cultiver notre jardin. ».) L’amélioration de la condition humaine dépend donc de la diffusion des idées philosophiques dans la société et du développement d’une économie libérale à visage humain( refus de l’esclavage). Le droit au bonheur. Les philosophes reconnaissent à l’être humain le droit à un bonheur immédiat, conforme à la nature, qui est un épanouissement à la fois individuel et collectif. Ils réhabilitent le plaisir. Leurs idées vont donc à l’encontre de la religion chrétienne qui voit dans la vie terrestre une épreuve et une purification par la souffrance. I. UN STYLE DE VIE : ACTION ET SOCIETE Au XVIII° siècle, c'est un homme pratique, soucieux de la réalité quotidienne, guidé par trois principes essentiels : être utile, être sociable, être cosmopolite 1) Etre UTILE, et donc collaborer au progrès de la civilisation ; agriculture ou commerce sont parfois qualifiés de "philosophiques"... Le philosophe est capable d'analyser les problèmes socio-culturels de son temps Les philosophes défendent les techniques et métiers manuels - Voltaire, Lettre à Damilaville, "(Le penchant) d'un philosophe n'est pas de plaindre les malheureux, c'est de les servir. (...) Le vrai philosophe défriche les champs incultes, augmente le nombre des charrues, et par conséquent des habitants ; occupe le pauvre et l'enrichit, encourage les mariages, établit l'orphelin, ne murmure point contre des impôts nécessaires, et met le cultivateur en état de les payer avec allégresse. Il n'attend rien des hommes, et il leur fait tout le bien dont il est capable. Il a l'hypocrite en horreur, mais il plaint le superstitieux ; enfin il sait être ami." Voltaire oppose "héros" et "grands hommes" : "Il ne reste plus rien que le nom de ceux qui ont conduit des bataillons et des escadrons ; il ne revient rien au genre humain de cent batailles données ; mais les grands hommes dont je vous parle ont préparé des plaisirs purs et durables aux hommes qui ne sont pas encore nés. Une écluse du canal qui joint les deux mers, un tableau de Poussin, une belle tragédie, une vérité découverte sont des choses mille fois précieuses que toutes les relations de campagne ; vous savez que chez moi les grands hommes sont les premiers et les héros les derniers ; j'appelle grands hommes tous ceux qui ont excellé dans l'utile ou dans l'agréable. Les saccageurs de provinces ne sont que des héros." (Lettre à Thieriot, 1 juillet 1735) 2) Etre SOCIABLE, et donc vivre dans la cité des hommes : - Dumarsais, art. "Philosophe" dans l'Encyclopédie Le philosophe est "un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile"... Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu'il y en ait. Le philosophe au contraire démêle les causes autant qu'il est en lui, et souvent même les prévient, et se livre à elles avec connaissance: c'est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentiments qui ne conviennent ni au bien-être, ni à l'être raisonnable, et cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l'état où il se trouve. La raison est à l'égard du philosophe ce que la grâce est à l'égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir; la raison détermine le philosophe. Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion : ce sont des hommes qui marchent dans les ténèbres; au lieu que le philosophe, dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion; il marche la nuit, mais il est précédé d'un flambeau. La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, et qu'il croie trouver partout; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'apercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblance ce qui n'est que vraisemblance. Il fait plus, et c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif pour juger, il sait demeurer indéterminé [...] L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes ; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins. L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer ou dans le fond d'une forêt : les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire et dans quelqu'état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien-être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connaisse, qu'il étudie, et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables. Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre; il veut trouver du plaisir avec les autres; et pour en trouver, il faut en faire ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre et il trouve en même temps ce qui lui convient: c'est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile […] Le vrai philosophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, et qui joint à un esprit de réflexion et de justesse les mœurs et les qualités sociales. Entez un souverain sur un philosophe d’une telle trempe, et vous aurez un souverain parfait. César Chesneau Dumarsais - Article de L'Encyclopédie Introduction César Chesneau Dumarsais (1676-1756) est un grammairien. Il est surtout connu pour un Traité des tropes, c’est à dire une théorie des figures de style, un ouvrage de rhétorique. Ami de Diderot, et de d’Alembert, maîtres d’œuvres deL’Encyclopédie, il est chargé par eux de rédiger pour cet ouvrage l’article « Philosophe » uploads/Philosophie/ le-philosophe-du-siecle-xviii.pdf
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- Publié le Dec 07, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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