Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Univ
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article par Louis-André Dorion Philosophiques, vol. 20, n° 2, 1993, p. 485-502. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/027237ar DOI: 10.7202/027237ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/apropos/utilisation.html Document téléchargé le 30 December 2012 01:46 « La dialectique d’Aristote dénaturée » Ouvrage recensé : Yvan Pelletier, La dialectique aristotélicienne. Les principes clés des Topiques, Montréal, Bellarmin (collection « Noêsis »), 1991, 419 pages. PHILOSOPHIQUES, VOL. XX, NUMÉRO 2, AUTOMNE 1993, p. 485-502 LA DIALECTIQUE D 9ARISTOTE DÉNATURÉE par Louis-André Dorion Yvan Pelletier, La dialectique aristotélicienne. Les principes clés des Topiques, Montréal, Bellarmin (collection « Noêsis »), 1991, 419 pages. La dialectique d'Aristote a fait l'objet, depuis quelques décennies, d'études à la fois nombreuses et remarquables. La plupart de ces travaux se sont surtout intéressés au statut de la dialectique dans l'œuvre d'Aristote. On a assisté à une mutation décisive de l'interprétation : alors qu'on écrivait encore, au début du siècle, que la dialectique n'avait plus rien à voir avec la découverte de la vérité, et que la rédaction des Analytiques frappait de caducité les Topiques (désormais Top. ), plusieurs interprètes ont montré que la dialectique est la démarche effec- , tive d'Aristote en science, que les Top. conservent toute leur raison d'être mal- gré les Analytiques et l'on a même soutenu que la philosophie première, qui est impuissante à se constituer comme science, demeure au niveau de la dialecti- que. Si la dialectique a fait l'objet d'un incontestable regain d'intérêt, les Top. ont en revanche été un peu plus négligés jusqu'au début des années i960. Paraissent alors plusieurs études importantes qui se penchent sur les Top. pro- prement dits : les actes du Symposium d'Oxford1, l'édition de Brunschwig2 et le livre de De Pater3. Or toutes ces études ne seraient pas parvenues, selon Pel- letier (désormais P.), « à éclairer de façon satisfaisante les principes fondamentaux » (p. ig) des Top., si bien que nous n'avons atteint qu'une « compréhension inadéquate des notions élémentaires et de la véritable portée de l'oeuvre {se. les Top. ) » (p. 19). Contrairement à ce que le titre de la page cou- verture pourrait laisser entendre, P. ne s'intéresse pas à l'ensemble de la dialec- tique aristotélicienne, mais plutôt à la dialectique des Top. Le sous-titre du livre (« Les principes clés des Topiques ») est à cet égard important et il aurait peut- être dû figurer comme titre purement et simplement Mais peu importe : le pro- jet de P. est donc de reprendre à nouveaux frais l'interprétation des Top.par le biais d'une analyse approfondie des notions qu'il estime être « les principes clés des Top. ». Cette analyse est également très ambitieuse, puisqu'elle entend montrer, à l'encontre de la vue très répandue selon laquelle les Top. décrivent les règles d'un jeu auquel on ne joue plus, que ce traité est toujours d'actualité, en ce que les Top. « décrivent la recherche naturelle menée par la raison 1. Aristotle on dialectic : the Topics, (G.E.L Owen, dir.), Proceedings of the Third Symposium Aristotelicum (Oxford, 1963), Oxford, Clarendon Press, 1968. 2. Brunschwig, J., Aristote : Topiques I-IV, [introduction, texte, traduction et notes], Paris, Les Belles-Lettres, 1967, cxiix-i77p. 3. De Pater, W. A., Us Topiques d'Aristote et la dialectique platonicienne, Fribourg, 1965. 486 PHILOSOPHIQUES humaine » (p. 28). On verra plus loin ce qu'il faut penser de cette thèse hardie qui va à contre-courant de l'interprétation actuelle des Top. Il n'y a pas que les interprétations des Top. qui ne satisfassent pas P., mais aussi les traductions de cette œuvre, et en particulier les traductions françai- ses. Même la traduction de Brunschwig, qui a pourtant été unanimement saluée comme un modèle du genre, ne trouve pas grâce aux yeux de P. Ce der- nier reproche en effet à la traduction de Brunschwig de n'être pas assez scru- puleuse [cf. p. 24-25). Formulée par l'auteur d'une traduction des Catégories* qui a été plutôt froidement accueillie5, cette accusation fait plutôt sourire. Étant donné que je n'aurai pas trop de l'espace qui m'est accordé pour discuter les thèses développées par P., je ne m'attarderai pas à relever les contresens con- tenus dans ses traductions des Top. et des Réfutations sophistiques (désormais RS), ni à critiquer le style raboteux et le parti pris discutable du mot-à-mot qui ren- dent très souvent presque inintelligibles les passages traduits. Chose certaine, si P. traduisait de bout en bout les Top. et les K S de la même façon qu'il en a traduit certains passages dans son livre, ces deux œuvres d'Aristote deviendraient encore plus obscures et rébarbatives qu'elles ne le sont déjà. L'ouvrage de P. se divise en dix chapitres et chacun d'eux se consacre à l'analyse et à l'interprétation d'un prétendu « principe clé » des Top. il s'agit, dans l'ordre, de l'endoxe (p. 33-70), de la dialectique (p. 71-97), du dialogue (p. 101- 12g), de l'attaque (p. 131-152), de l'investigatoire (p. 153-205), de la probatoire (p. 208-247), du lieu (p. 251-304), de l'espèce (p. 305-319), de l'instrument (p. 321-337) et, enfin, du genre (p. 339"365J1 Disons-le tout de suite : le choix de ces notions est de prime abord passablement arbitraire et je déplore que P. n'ait pas jugé bon d'exposer clairement, au début de son ouvrage, les raisons pour lesquelles ces notions, et ces notions seules, lui semblent essentielles et indispensables 4. Cf Pelletier, Y., Aristote : Les attributions (catégories). Le texte aristotélicien et les prolégomènes d'Ammonios d'Hermeias (sic), !traduction], Paris-Montéal, Les Belles Lettres-Bellarmin, 1983.. 5. Cf., entre autres, les comptes rendus de Bodéùs, R., c. r. de Pelletier (ibid.), dans Revue philoso- phique de Louvain, 82,1984, p. 120-121 ; Hoffmann, P., c. r. de Pelletier (ibid.), dans Revue des études grecques, 98,1985, p. 219-221 ; Segonds, A.P., c. T. de Pelletier (ibid.) dans Revue d'histoire et de phi- losophie religieuse, 66,1986, p. 464-465 ; et l'étude critique de Leroux, étude critique de Pelletier (ibid.), dans Dialogue, 25,1986, p. 523-531. 6. Je ne résiste pas à la tentation de relever au moins un « hénaurme » contresens. À la p. 127, P. affirme doctement que le Stagirite « aime qualifier le processus dialectique de Xoyixàv, de rationnel. » On s'attendrait à ce que P. fonde cette affirmation sur des références à des pas- sages d'Aristote. Or il n'en est rien. P. croit en effet nous convaincre du bien-fondé de son affirmation en citant longuement Thomas d'Aquin (p. 127 n. 91) qui, comme chacun sait, ne connaissait pas le grec ! Mais qu'en est-il au juste de l'adjectif Xcryix6v appliqué à la dialectique ? Je me contenterai de rappeler un fait pourtant bien connu : Aristote emploie souvent les termes Xoyixôv et Xovixûç de façon péjorative, notamment lorsqu'il est question de dialectique. Ces termes désignent alors un type d'argumentation vide et purement verbal, par opposition à une argumentation qui s'appuie sur la nature même de la chose considérée. Pour cette signification de Xoyixàv etXoYixûç, crTBonitz, H., Index Aristotelicus, Berlin (1870) ; réimpression : Graz, Akademische Druck und Verlagsanstalt 1955, p. 432b5~io et Décarie, V., Aristote -.Éthique àEudème, [introduction, traduction et notes], Paris-Montréal, Vrin-Presses de l'Université de Montréal, 1978, p. 92 n. 66, qui donnent plusieurs références à des textes d'Aristote. LA DIALECTIQUE L7ARISTOTE DENATUREE 487 à la pleine intelligibilité des Top. La liste de P. n'est pas seulement arbitraire, mais elle semble n'obéir à aucune logique bien précise d'exposition, c'est-à-dire qu'on ne voit pas bien les articulations entre les différents chapitres ni les raisons pour lesquelles tel chapitre précède ou suit tel autre7. P. dit s'émerveiller de la cohérence interne des Top.d'Aristote ; le moins qu'on puisse dire est que la « cohérence » de son plan est loin de susciter un tel émerveillement ! L'ouvrage de P. est complété par une bibliographie relativement abondante (p. 379-395), un vocabulaire dialectique des Top. (p. 397-409), un index des « termes clés » si court (p. 411-412) et si incomplet qu'il en devient inutile, et, enfin, un index des principaux termes grecs cités (p. 413-416) qui fait un peu double emploi avec le vocabulaire dialectique des Top. Je déplore vivement l'ab- sence d'un index des passages et d'un index des auteurs (anciens et modernes) cités. L'index locorum, en particulier, fait cruellement défaut, car pour un ouvrage de ce genre, où de nombreux textes sont traduits et commentés — cer- tains passages étant même cités plusieurs fois — , il est absolument nécessaire que le lecteur puisse rapidement contrôler si l'auteur a tenu compte, ou non, d'un uploads/Philosophie/ la-dialectique-d-x27-aristote-denaturee.pdf
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- Publié le Jan 06, 2023
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