Jean-Michel MALDAME op Science et spiritualité Bibliothèque de Domuni.org, Univ
Jean-Michel MALDAME op Science et spiritualité Bibliothèque de Domuni.org, Université Dominicaine © 2008 – Tous droits réservés www.domuni.org 1 L’Affaire Galilée Le dossier Galilée, son histoire et ses derniers développements La figure de Galilée habite à bon droit la mémoire française. Je dis bien la figure de Galilée et non Galilée lui-même, parce que ce fondateur de la science moderne a été présenté par la tradition anticléricale comme emblématique de l’opposition entre l’église et la communauté scientifique. Cette présentation est erronée, car elle est anachronique. En effet au début du XVIIe siècle, il n’y a pas comme au XIXe un face à face entre des institutions d’enseignement et de recherche qui correspond au conflit entre la République et l’Eglise catholique ou encore les athées (ou agnostiques) et les croyants. Il y a une grande unité entre l’église romaine et les scientifiques puisque la plupart des fondateurs de la science sont chrétiens et même ecclésiastiques et que d’autre part la science et la foi ne sont pas séparées. Cette unité est une des conditions même de la naissance de l’affaire Galilée. Faut-il rappeler que dans les écoles et les universités européennes le texte le plus cité et qui a valeur emblématique pour la vie intellectuelle est un verset du livre grec de la sagesse qui dit que Dieu a tout créé « avec mesure, nombre et poids 1» (en latin : omnia in mensura, et numero et pondere posuisti). C’est sur cet horizon d’unité des savoirs scientifiques et théologiques que se comprend la démarche de Galilée et sa condamnation. 1 Traduction Bible de Jérusalem. Jean-Michel Maldamé L’affaire Galilée Bibliothèque de Domuni.org, Université Dominicaine © 2008 – Tous droits réservés www.domuni.org 2 Aussi, il importe dans un premier temps de bien situer Galilée dans son temps et sa culture et pour cela s’enquérir de sa personnalité de Galilée. Ensuite je présenterai des éléments de l’histoire des sciences pour montrer comment se situe la nouveauté scientifique apportée par Galilée avant d’aborder, dans une troisième partie, ce qui concerne les options théologiques de Galilée et ainsi de comprendre sa condamnation. Ceci permettra de situer situer l’ « Affaire Galilée » et ses relectures depuis 1633. Je présenterai donc Galilée en relevant des aspects qui sont peu connus de manière à montrer les difficultés du Procès et de l’Affaire qui s’en suivit. 1. Une personnalité riche, complexe et ambitieuse Plusieurs points demandent à être explicités. Galilée est un humaniste, Galilée est un ingénieur, Galilée est un mathématicien ; cette triple compétence est la base d’une ambition immense qui s’accorde avec ce que nous venons de dire de la visée de sagesse qui caractérise la Renaissance italienne. 1.1. Galilée humaniste Il est habituel de présenter Galilée comme un scientifique. Mais la notion de science telle que nous l’employons aujourd’hui est très spécifique – ceci est dû à la spécialisation des formations scolaires et universitaires. Il n’en était pas de même au début du XVIIe siècle où les privilégiés qui faisaient des études n’étaient pas confinés dans une spécialisation. Galilée a vécu son enfance dans un milieu culturel privilégié. Son père était musicien ; il était aussi artisan fabriquant d’instruments de musique ; ce n’était pas un artisan, mais un théoricien justifiant la structure des instruments par des considérations arithmétiques dans un contexte qui doit beaucoup à la tradition pythagoricienne unissant mathématiques et musique, selon des considérations que nous connaissons bien dans les éléments que nous apprenons sur les vibrations et les ondes. Un tel travail supposait la participation à un milieu cultivé désireux de renouer avec les sources grecques de la pensée européenne. Galilée a été éduqué dans ce milieu : il était non seulement musicien, mais il aimait les lettres, et ses conférences et discours sur les auteurs anciens et les modernes ont retenu l’attention et expliqué ses succès dans les milieux aristocratiques et ecclésiastiques. Il connaissait fort bien la poésie de Dante et il faisait partie de ces premiers « modernes » qui ont voulu s’exprimer dans la langue italienne née dans sa pureté en Toscane. Ce point n’est pas étranger à son œuvre majeure qui est scientifique, puisque Galilée le premier publia ses travaux en italien – les œuvres scientifiques étaient alors publiées en latin. Ainsi les travaux de Copernic et de Kepler étaient diffusés dans des milieux très restreints, tandis que les œuvres de Galilée l’étaient dans les milieux cultivés de manière très large et les débats qu’ils ont suscité n’étaient pas réservés à des cercles érudits, mais faisaient partie du domaine public : en l’occurrence les milieux aristocratiques et les milieux ecclésiastiques qui dominaient la culture de ce temps. Le caractère humaniste n’est pas extérieur à l’affaire Galilée. Il en est un élément fondateur. Jean-Michel Maldamé L’affaire Galilée Bibliothèque de Domuni.org, Université Dominicaine © 2008 – Tous droits réservés www.domuni.org 3 1.2. Galilée ingénieur Le deuxième point qui permet de situer la riche personnalité de Galilée est son appartenance à la génération des ingénieurs de la Renaissance qui ont dominé la pensée européenne à partir de l’Italie. L’ingénieur de la renaissance est un homme d’invention dont le génie est dans les machines. Galilée participe de cette aventure. Galilée n’a pas inventé la lunette astronomique. Mais il l’a perfectionnée. On retrouve là le fruit de son éducation, puisque son père fabriquant d’instrument de musique lui a donné le sens du matériau, de la précision, de la finesse du travail qui perme de construire un instrument. Galilée a construit d’autres instruments de mesure – sans lesquels il n’est pas de science. En particulier une balance inspirée d’Archimède pour déterminer la composition des bijoux. Ce travail d’ingénieur n’est pas resté à de la fabrication, mais il a été lié à une théorisation. Galilée est fort connu pour ses travaux de mécanique en particulier ce qui concerne la chute des corps. On débat pour savoir si Galilée a réellement fait les expériences de la chute des corps à la tour de Pise où il fut jeune professeur de mathématiques, mais il est sûr que son étude de la chute des corps sur des plans inclinés était une étude novatrice qui a donné les bases à la cinématique qui est un élément décisif pour fonder la science nouvelle, puisque la base de la science d’Aristote est sa philosophie du mouvement. Galilée aura toute sa vie une activité d’ingénieur. À Padoue, il travaille au célèbre Arsenal de Venise et il met au point, divers instruments d’ingénierie (le « compas géométrique militaire »), il fait des travaux d’architecture militaire. Galilée ingénieur a travaillé ensuite sur des projets qui avaient une grande importance pour le monde politique. En particulier, il a travaillé avec succès à la solution d’une question qui était un des grands soucis de l’Etat pontifical : l’assèchement des marais qui rendaient la ville de Rome insalubre (en particulier pour la diffusion du paludisme). Ces travaux ont été menés en lien avec le futur pape Urbain VIII, Maffeo Barberini, qui lui savait gré de sa contribution à la solution de ces problèmes importants pour la vie du peuple des Etats pontificaux. Mais ce qui caractérise Galilée, c’est le désir de ne pas en rester au seul plan technique, mais d’aller au fond des choses et de découvrir les principes de la réalité. Pour cela à l’école de Platon et d’Archimède, il fut mathématicien et philosophe. 1.3. Galilée mathématicien Un autre trait de la personnalité de Galilée est sa découverte de la beauté des mathématiques. Il se passionne pour cette discipline ce qui est la marque de l’esprit humaniste redécouvrant a philosophie platonicienne, qui avait été recouverte par l’aristotélisme. Or celle-ci valorise l’approche mathématique du réel2. Mathématicien à Pise, Galilée a l’occasion de publier des travaux de style universitaire qui lui valent la reconnaissance de ses collègues, en particulier un traité sur la détermination du centre de gravité des conoïdes paraboliques. Il obtient l’estime et l’amitié du 2 Dans le livre qui est au cœur de la polémique, Le Dialogue, Galilée fait dire dès le début à celui qui défend sa propre pensée la valeur de l’approche mathématique du réel. Jean-Michel Maldamé L’affaire Galilée Bibliothèque de Domuni.org, Université Dominicaine © 2008 – Tous droits réservés www.domuni.org 4 mathématicien Clavius, mathématicien du Collège Romain3 tenu par les Jésuites de Rome, alors la plus brillante institution scientifique du monde latin. Professeur de mathématique, Galilée s’inspire des cours de mathématiques du Collège romain ; les notes qui lui ont servi pour les cours montrent son attention aux questions nouvelles dans la fidélité à la physique et à la logique d’Aristote. Il y a un art de la démonstration qui dénote la grande maîtrise de son intelligence. L’événement le plus important est la lecture de Copernic. L’œuvre de celui-ci se veut strictement mathématique. Galilée est séduit par cette œuvre dont il discute la valeur parce qu’il est persuadé que tout « système du monde » doit avoir une signification physique et ne pas se contenter d’être une manière de présenter les calculs. Nous avons là un trait important pour la philosophie des uploads/Philosophie/ l-x27-affaire-galilee.pdf
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- Publié le Mai 25, 2022
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