La fabrique eamans _______¿. Jacques Rancière Le destin des images _ I l © La F

La fabrique eamans _______¿. Jacques Rancière Le destin des images _ I l © La Fabrique éditions, 2003 Conception graphique : Jérôme Saint-Louhert Bié/design dept. La Fabrique éditions Révision du manuscrit: Maria Muhle 9, rue Saint-Roch Réalisation: Elisabeth Welter 75001 Paris Impression: Floch, Mayenne lafabrique@free.fr ISBN: 2-913372-Z7-9 Diffusion: Les Belles Lettres Sommaire I - Le destin des images - 7 Ualtérité des images - 11 Image, ressemblance, archi-ressemblance - 16 D'un régime d'imagéité à un autre _ 19 La fin des images est derrière nous _ 26 Image nue, image ostensive, image métamorphique - 31 II - La phrase, Pimage, Phistoire - 41 Sans commune mesure ? _ 44 La phrase-image et la grande parataxe - 54 La gouvernante, l'enfant juif et le professeur - 61 Montage dialectique, montage symbolique - 66 III - La peinture dans le texte - 79 IV - La surface du design - 103 V - S'il ya de l'irreprésenta.ble _ 123 Ce que représentation veut dire - 129 Ce qu'anti-représentation veut dire -- 134 La représentation de l'inhumain - 139 UN/på) L'hyperbole spéculative de Firreprésentable _* of W «,\ Q, Notes - 155 à I ______!_ I. Le destin des images Mon titre pourrait laisser attendre quelque nouvelle odyssée de l'image, nous conduisant de la gloire auro- rale des peintures de Lascaux au crépuscule contem- porain d'une réalité dévorée par l'image médiatique et d'un art voué aux moniteurs et aux images de syn- thèse. Mon propos pourtant est tout différent. En exa- minant comment une certaine idée du destin et une certaine idée de l'image se nouent dans ces discours apocalyptiques que porte l'air du temps, je voudrais poser la question: est-ce bien d'une réalité simple et univoque qu”ils nous parlent? N'y-a-t-il pas, sous le même nom d”image, plusieurs fonctions dont l'ajus- tement problématique constitue précisément le travail de l'art ? À partir de là, il sera peut-être possible de réfléchir, sur une base plus ferme, à ce que sont les images de l'art et aux transformations contempo- raines de leur statut. Partons donc du commencement. De quoi parle-t- on et que nous dit-on au juste lorsque l'on affirme que désormais il n'y a plus de réalité mais seulement des images ou, à l'inverse, qu'il n'y a désormais plus d'images mais seulement une réalité se représentant incessamment à elle-même ? Ces deux discours sem- blent opposés. Nous savons pourtant qu'ils ne cessent de se transformer l'un dans l'autre au nom d'un rai- sonnement élémentaire: s'il n'y a plus que des images, il n'y a plus d'autre de l'image. Et s'il n'y a. plus d'autre 9 Le destin des images de l'image, la notion même d'image perd son contenu, il n'y a plus d'image. Plusieurs auteurs contempo- rains opposent ainsi l'Image qui renvoie à. un Autre et le Visuel qui ne renvoie qu'à lui-même. Ce simple raisonnement suscite déjà une question. Il est aisé de comprendre que le Même est le contraire de l'Autre. Il est moins aisé de comprendre ce qu”est l'Autre ainsi invoqué ? À quels signes, d'abord, recon- nait-on sa présence ou son absence ? Qu'est-ce qui nous permet de dire qu'il y a de l'autre dans une forme visible sur un écran et qu'il n'y en a pas dans une autre ? Qu'il y en a, par exemple, dans un plan de Au hasard Balthazar et qu'il n”y en a pas dans un épi- sode de Questions pour un champion ? La réponse la plus couramment donnée par les contempteurs du <<visuel ›› est celle-ci: l'image télévisuelle n'a pas d”autre, en raison de sa nature même: elle porte en effet sa lumière en elle-même, quand l'image ciné- matographique la tient d'une source extérieure. C'est ce que résume Régis Debray dans un livre intitulé Vie et mort de limage: «L'Image ici a sa lumière incor- porée. Elle se révèle elle-même. Se sourçant en soi, la voilà à nos yeux cause de soi. Définition spinoziste de Dieu ou de la substance'. ›› De toute évidence, la tautologie posée ici comme essence du visuel n'est que la tautologie du discours lui-même. Celui-ci nous dit simplement que le Même est même et que l'Autre est autre. Il se fait passer pour plus qu'une tautologie en identifiant, par le jeu rhétorique des propositions indépendantes télesco- pées, les propriétés générales des universaux avec les caractéristiques d'un dispositif technique. Mais les propriétés techniques du tube cathodique sont une chose, les propriétés esthétiques des images que nous voyons sur l'écran en sont une autre. Précisé- ment l'écran se prête à accueillir aussi bien les per- formances de Questions pour un champion que celles 10 Le destin des images de la caméra de Bresson. Il est donc clair que /ce s0nt ces performances qui sont intrinsèquement differentes. La nature du jeu que la télévision nous propose et des affects qu'il suscite en nous est independante du fãlî que la lumière vienne de notre appareil. Et la nature intrinsèque des images de Bresson demeure lnühfln- gée, que nous voyions les bobines projetées salle, une cassette ou un disque sur notre écran de television ou encore une vidéo-projection. Le même n'est pas d'un côté et l'autre de l°autre. Identité et altérite se nouent différemment 1'une a l”autre. Notre poste a lumière incorporée et la caméra de Questions pour un champion nous font assister a une performance de mémoire et de présence d'esprit qui leur @St en elle-même étrangère. En revanche la pellicule de la salle de projection ou la cassette de Au hasard Bal- thazar visualisée sur notre écran nous font voir des images qui ne renvoient a rien d'autre, qm sont elles- mêmes la performance. L'a1térité des images Ces images ne renvoient à «rien d'autre››. Cela ne veut pas dire qu'elles sont, comme l'on dit vol0nt1eI“S, intransitives. Cela veut dire que l'altérite entre dans la composition même des images, mais aussi que cette altérité tient à autre chose qu'aux pr0Pf1et9§ mate' rielles du médium cinématographique. Les images de Au hasard Balthazar ne sont pas d'abord_les mam- festations des propriétés d'un certain medium tech- nique, ce sont des opérations: des relations entre un tout et des parties, entre une visibilité et une puis- sance de signification et d'affect qui lui est aSSOC1B€, entre des attentes et ce qui vient les remplir. Regar- dons le début du film. Le jeu des «images» a C0111- mencé déjà quand l'écran était encore noir, avec, les notes cristallines d'une sonate de Schubert. Il s est 4 11 ,. .i _ - ' W - « -“fe _ ,j Le destin des images poursuivi quand* tandis (1116 le générique défilait sur 32 Îänd ãvoquant aussi bien une muraille rocheuse, braierlÿlr Ê pierres seches ou du carton bouilli, un _ en s est substitue a la sonate, puis la Sgnaœ a repris son cours, recouverte ensuite par un bruit de grelots qui s'enchaîne avec le premier plan du film; âne tete d anon, tetant sa mère en plan rappr0(;hé_ ne main tres blanche descend alors le long du Cou Êgligbiîle de l anon tandis que lacarnéra remonte en \verse vers la fillette proprietaire de cette main, son frere et son père. Un dialogue accompagne ge Îlht/Èlvenljifent («ll nous le faut» - <<Donne-le nous ›› - _ se ants, c est impossible ››) sans que nous voyions Jalïlals 13 b0UChB qui profère ces mots : les enfants s'adressent à leur père en nous tournant le dos leurs åîîïãã ënalÎq}1Q11_î S0n visage pendant la réponse. Un le contrnc aiãie mtroduit alors un plan qui nous montre aire e ce que les paroles annonçaient: de dos, en Plan large, le pere et les enfants redescendent en Κïläîèeãiîiäl ane. Un autre fondu enchaîne avec le bap- _ ane* auffe Plan rapproche qui nous laisse von* seulement la tete de l'animal le bras du garçon qui Vešåeulneau et le buste de la fillette qui tient un cierge. entier d,%enen,(_1u,e ef t1`0{S Plans nous avons un régime liiageite, c est-a-dire un regime de relations entre des elements et entre des fonctions C'est d'abord Fopposition entre la neutralité de l'écran noir ou gris t , . . _ e . e§åIï1¿Î:tebS_0110å§- La melodie qui va droit son che- tlïemrrlom t d s ien eitachees et le hraiement qui l'in- Venjr Clê Cotliliënent deja toute la tension de la fable à d,um:} main bî`&Stlï1est relaye par l opposition visuelle ration entre l anc .e sur un_p°1l nom et Pal' la Sépa- l 1 ` es voix et les visages. Cette dernière est äljo 011308 a son tour par Fenchaînement entre une e ` ' . . . 0lSi0n verbale et sa contradiction visuelle, entre le procede technique du fondu enchaîné qui imensifie a continuite et le contre-effet qu'il ngug m0m1~e_ 12 \ s " -. Le destin des images Les «images» de Bresson, ce ne sont pas un âne, deux enfants et un adulte; pas non plus seulement la technique du cadre rapproché et les mouvements de caméra ou fondus enchaînés qui Félargissent. Ce sont des opérations qui lient et disjoignent le visible et sa signification uploads/Philosophie/ j-ranciere-ch-1-2-le-destin-des-images-2003.pdf

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