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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : erudit@umontreal.ca Article Peter McCormick Philosophiques, vol. 8, n° 2, 1981, p. 227-237. Pour citer la version numérique de cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/203167ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/documentation/eruditPolitiqueUtilisation.pdf Document téléchargé le 21 avril 2010 « Sur le développement du concept de l’intentionnalité chez Brentano et Husserl » PHILOSOPHIQUES, Vol. vin, numéro 2, Octobre 1981 SUR LE DEVELOPPEMENT DU CONCEPT DE L'INTENTIONNALITE CHEZ BRENTANO ET HUSSERL* par Peter McCormick RÉSUMÉ. La théorie de l'intentionnalite de Brentano a des sources thomistes et cette provenance lui confère un penchant réaliste, en ce sens qu'elle n'exclut aucunement une relation entre les objets intentionnels et les objets physiques existant dans le monde. Par contre, la façon dont Husserl a interprété la théorie de Brentano révèle un penchant vers l'idéalisme puisque, d'après son explica- tion, il ne peut y avoir aucune relation nécessaire entre cette catégorie d'objets intentionnels, que nous appelons des percep- tions, et les objets physiques existant dans le monde. ABSTRACT. Brentano's theory of intentionality is of scholastic origin, which confers on the theory a "realist" tendency, in the sense that the theory does not exclude relations between intentio- nal objects and physical objects. By contrast, Husserl's way of interpreting Brentano shows an idealist strain, but in the sense that there can be no necessary relations between perceptions and physical objects. The major difficulty is that the theory is too general and the central concept too ambiguous. Le concept d'intentionnalité, qui est la clé de la distinction du psychique et du physique chez Brentano, doit être compris d'après sa source et en fonction de son influence. Cette source est scolastique, notamment thomiste, et cette influence phénoméno- logique, notamment husserlienne. Pour évaluer de façon critique la convenance de ce concept d'intentionnalité, nous le situerons par rapport à cette double perspective. Notre stratégie consiste à relever les éventuelles faiblesses critiques de l'intentionnalite par l'examen minutieux de son origine et de l'accueil qui lui a été réservé. * Version révisée d'un texte présenté au Congrès de ΓACFAS, à Québec, mai 1980, dans le cadre d'une table ronde sur L'intentionnalite: phénoménologie vs positivisme et philosophe analytique. 2 2 8 PHILOSOPHIQUES I. BRENTANO C'est en grande partie dans l'histoire que Brentano a puisé la notion d'intentionnell. Il le reconnaît pleinement lui-même dans les longues notes qui sont presque toujours omises lorsqu'on cite ses explications sur l'intentionnalité et qui figurent dans son livre Psychologie du point de vue empirique ( 187 4)2. L'influence prépondé- rante a bien sûr été celle de Thomas d'Aquin3. Il est évident, en effet, que c'est chez l'Aquinate que Brentano a puisé la première des deux notions qui forment son concept d'intentionnalité, la notion d'«inexistentia intentionalis». Les auteurs ne s'entendent pas sur la provenance du deuxième élément constitutif de ce concept, la notion de «référence à un contenu, visée d'objet . . . objectivité immanente.» Spiegelberg a soutenu, dans sa History of the Phenomenological Movement, que la notion de référence à un objet était un apport original de Brentano. Dans le sens contraire, A. Marras a prouvé de façon convaincante que cette notion n'est pas originale puisque « . . . non seulement elle n'est pas incompatible avec l'idée scolastique de Γ «inexistentia inten tionalis» , mais elle est en fait constitutive de cette idée4». Sans entrer dans le détail de cette controverse, je crois que, sur la foi des arguments présentés jusqu'ici, nous devons conclure provisoi- rement à l'origine scolastique des deux éléments principaux de la théorie de Brentano; ils ne proviennent pas de Brentano lui- même. Cette discussion sur la provenance de la doctrine de Bren- tano n'est pas étrangère à notre préoccupation immédiate d'une évaluation critique du concept de l'intentionnalité. Elle attire en effet notre attention sur l'une des plus importantes questions que nous pouvons soulever concernant la convenance du concept 1. Sur la doctrine de Brentano voir notamment R.M. Chisholm, «Brentano's Descriptive Psychology and the Intentional», dans Phenomenology and Existentialism, éd. M.H. Mandel- baum et E.N. Lee (Baltimore, 1967); R.M. Chisholm et W. Sellars, «Intentionality and the Mental», dans H. Feigl, et al. éds, Concepts, Theories, and the Mind-Body Problem (Minneapolis, 1958); L. McAlister, «Franz Brentano and Intentional Inexistence», Journal of the History of Philosophy, 8(1970), 423-430; et J.C. Morrison, «Husserl and Brentano on Intentionality», Philosophy and Phenomenological Research, 31 ( 1970), 27-46. Les deux lectures de Chisholm sont défectueuses. 2. Voir la deuxième édition allemande, Psychologie vom empirischen Standpunkt, Leipzig 1924 et la traduction française de M. De Gandillac, Psychologie du point de vue empirique, Paris, Aubier, 1944. 3. Voir A. Marras, «Scholastic Roots of Brentano's Conception of Intentionality», dans L. McAlister, éd., The Philosophy of Brentano (Londres, 1976), pp. 123-139. 4. Marras, op. cit., p. 129. SUR LE DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT . . . 229 d'intentionnalité de Brentano. Et cette question, comme le mon- tre très clairement Marras, est de savoir si la notion d' «inexisten- tia intentionalis» entraîne la dépendance existentielle de tout objet connu. Bref, le problème est de savoir si cette notion présuppose une épistémologie idéaliste plutôt que réaliste. Dans l'affirma- tive, comme le pense Spiegelberg, la reconstruction du concept de l'intentionnalité ne peut tirer profit de toutes les possibilités qu'offre ce concept5, car l'existence indépendante de l'artefact en serait fatalement compromise. Après avoir analysé à fond les textes scolastiques auxquels Brentano renvoie, Marras conclut que Spiegelberg s'est trompé à ce sujet. On peut en effet tenir la doctrine de Γ «inexistentia intentionalis» et donner une explica tion connexe de l'existence indépendante des objets non mentaux; car cette doctrine ne nous engage qu'à poser l'existence d'une représentation {species ou forme) de l'objet. Et cette représenta- tion, «lo. species ou ïintentio, n'est pas ce qui (id quod) est directe- ment ou d'abord connu par l'entendement (comme l'est 'l'expres- sion' ou 'l'idée' de l'empirisme classique), mais est plutôt ce par quoi (id quo) l'objet extramental est connu. C'est-à-dire que la species est le véhicule qui porte la référence à l'objet extramental non immanent, qui seul est fondamentalement connu6». Le texte essentiel sur lequel s'appuie cette interprétation convaincante de Γ «inexistentia intentionalis» est celui de Thomas d'Aquin: «Spe cies intelligibilis, écrit ce dernier, non est quod intelligitur sed id quo intelligit intellectus1». (Voir dans un autre sens les passages, par exemple ST, I, 81, 1, où Thomas d'Aquin écrit: « . . . Actus enim apprehensivae virtutis non ita proprie dicitur motus, sicut actio appetitus: nam operatio autem virtutis apprehensivae perfï- citur in hoc, quod res apprehensivae sunt in apprehen- dente . . .»). Quels que soient donc les termes réels utilisés par Brentano dans ses écrits philosophiques tardifs (la prétendueImmanenzkrisis 5. Voir H. Spiegelberg, «'Intention' and 'Intentionality' in the Scholastics, Brentano, and Husserl», dans McAlister, éd. (1976), pp. 108-127, et The Phenomenological Movement, 3 e édition, (La Haye, 1975). 6. Marras, op. cit., p. 138. 7. Somme Théologique, I, 85, 2, citée dans Marras, p. 138, note 34. Un lecteur anonyme suggère que «l'étude de la doctrine de F. von Brentano pourrait être approfondie, en particulier en ce qui concerne la distinction entre les phénomènes physiques et psychiques (distinction que Husserl conteste sur plusieurs points, notamment à propos des caractéristiques des phénomè- nes psychiques, de Γ «inexistentia intentionalis» et du rapport à un objet). Pour cette étude, les suppléments rendus publics par O. Kraus en 1924 sont fort utiles.» 230 PHILOSOPHIQUES de 1905 au cours de laquelle Brentano a cessé de croire à des objets dépendants-de-la-pensée, c'est-à-dire à des entités idéales qui auraient été les seuls referents des actes mentaux, au profit de sa prétendue affirmation «réistique» d'objets indépendants- de-1'esprit, c'est-à-dire d'entités réelles qui seraient ses referents), il est évident qu'il n'y a aucune incompatibilité à soutenir que son concept d'intentionnalité, tel que nous nous en sommes servi, nous permet de tenir en même temps à l'existence d'entités réelles, referents des actes mentaux. S'il y a une lacune fondamentale dans la notion d'intention- nalité, elle doit être cherchée ailleurs que dans son origine, en fin de compte scolastique. II. DE BRENTANO À HUSSERL Se pourrait-il que la transmission de ce concept de Brentano à Husserl nous instruise8? Le principal texte est ici la discussion de la doctrine de Brentano au début du chapitre II de la Ve Recherche logique de Husserl9. Nous devons donc prêter attention à ce qui est effective- ment dit ici, comme nous l'avons fait dans l'interprétation de Brentano et des scolastiques. Mais, il est difficile de savoir ce qui est dit, pour une double raison. Tout d'abord parce que uploads/Philosophie/ intention-nal-it-e.pdf
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- Publié le Mar 04, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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