Théories et recherches Théories et recherches La sociologie au Maroc Grandes ét

Théories et recherches Théories et recherches La sociologie au Maroc Grandes étapes et jalons thématiques HASSAN RACHIK ET RAHMA BOURQIA Résumés Français English Español Sans prétendre à l’exhaustivité, l’article donne un aperçu de la genèse et du développement de la sociologie, produite par les sociologues marocains, depuis l’indépendance du Maroc et jusqu’en 2006. Il faire ressortir les grandes étapes, les grands thèmes de recherche et éventuellement les paradigmes théoriques qui les orientent, tout en tenant compte du caractère flou des frontières entre la sociologie et d’autres disciplines, notamment l’anthropologie. Sociology in Morocco. Major steps and thematic milestones While not pretending to thoroughness, this article gives an overview of the origins and the development of the sociology produce by Moroccan sociologists, from Morocco’s independence until 2006. It will highlight its major steps, the main research themes, and eventually theoretical paradigms that orient them. It will also take into account the blurring of the boundaries between sociology and other fields, especially anthropology. La sociología en Marruecos. Principales etapas y jalones temáticos Sin pretender ser exhaustivo, este artículo permite atisbar la génesis y el desarrollo de la sociología producida por los sociólogos marroquíes, desde la independencia hasta 2006. Se subrayan las principales etapas, los principales temas de investigación y eventualmente los paradigmas teóricos que los orientan teniendo en cuenta la imprecisión de las fronteras entre la sociología y las otras materias particularmente la antropología. Entrées d’index Mots-clés : décolonisation, engagement, histoire de la sociologie, Paul Pascon, sociologie coloniale Texte intégral Sans prétendre à l’exhaustivité, le présent article tente de donner un aperçu de la genèse et du développement de la sociologie, produite par les sociologues marocains, depuis l’indépendance du Maroc (1959-2006) 1, de faire ressortir de manière schématique les grandes étapes, les grands thèmes de recherche et éventuellement les paradigmes théoriques qui les orientent 2. 1 Il faut attirer l’attention sur une difficulté inhérente essentiellement aux champs scientifiques « jeunes » où les limites entre les disciplines ne sont pas souvent 2 La sociologie au Maroc file:///C:/Users/nomadwell/Downloads/La sociologie au Maroc.htm 1 sur 12 19/10/2013 13:24 D’Ibn Khaldoun à la sociologie coloniale Engagement et décolonisation tranchées. Plusieurs chercheurs, notamment à partir des années 1980, « mélangent les genres ». Nous serons donc attentifs à cette caractéristique et tenterons, autant que possible, de tenir compte du caractère flou des frontières entre la sociologie et d’autres disciplines, notamment l’anthropologie. Comme la masse critique de chercheurs permettant l’autonomie des champs n’est pas encore atteinte, on assiste à un va-et-vient entre plusieurs disciplines, ce qui crée des identités scientifiques complexes, floues, mixtes ou ambiguës (sociologue et anthropologue, politologue et anthropologue…). La sociologie après l’indépendance du Maroc se retrouve avec un legs d’études et de monographies produites durant la période coloniale par des sociologues et des officiers des affaires indigènes, mobilisés par l’administration coloniale au profit d’une intervention se basant sur une connaissance de la société marocaine de l’époque. 3 Signalons que suivre le grand itinéraire de la sociologie en terre marocaine ne pourrait se faire sans évoquer Ibn Khaldoun, que les sociologues marocains des années d’après l’indépendance enseignaient aux étudiants comme un précurseur de la sociologie. La figure d’Ibn Khaldoun demeure insolite dans l’histoire de la pensée sociologique arabe. S’il a initié une sorte d’objectivité dans l’analyse de la dynamique des sociétés et des dynasties, il n’a pas été suivi dans cette voie par ses successeurs penseurs arabes qui se sont inscrits dans la continuité d’une lecture normative et religieuse de la société. Pourquoi Ibn Khaldoun est-il demeuré sans héritiers dans la pensée arabe ? Une telle question dépasse le cadre de cette contribution. 4 La réflexion sur la sociologie au Maroc, son évolution et ses thématiques, débouche sur « cette naissance illégitime » qui eut lieu durant la période coloniale. Déjà la sociologie est associée à une déterritorialisation de la science au profit de l’expansion coloniale qui ne pouvait se passer de la connaissance du colonisé. Revenir sur cela, c’est revenir sur une demande idéologique dans sa forme la plus accomplie. Les publications régulières telles que les Archives Berbères, Hespéris Tamuda, Archives marocaines, ainsi que l’abondante littérature sociologique, encadrée à la fois par les sociologues français et par les officiers des affaires indigènes ont constitué un héritage colossal et nécessaire à la connaissance de la société marocaine de l’époque. 5 La demande faite à la sociologie provient d’un projet de société. Il s’agit d’un projet colonial où la science est mobilisée pour fournir un encadrement scientifique. Inutile de rappeler la thèse de Robert Montagne sur « les berbères et le Makhzen » qui représente le summum de la théorie coloniale. Néanmoins, affirmer le caractère idéologique et colonial de la sociologie coloniale est une tautologie. Ce fait, cependant, ne lui retire point le mérite d’être une connaissance empirique organisée et fouillée. Examiner ce savoir, ses thématiques est un projet qui dépasse le cadre de cet article. Mais soulignons néanmoins qu’une sociologie naissante après l’indépendance du Maroc en 1956commence par se positionner par rapport à cet héritage. 6 La genèse de la sociologie du Maroc indépendant est fortement associée au nom de Paul Pascon (1932-1985, naturalisé marocain en janvier 1964). Il fonda avec des collègues appartenant à différentes disciplines la première structure de 7 La sociologie au Maroc file:///C:/Users/nomadwell/Downloads/La sociologie au Maroc.htm 2 sur 12 19/10/2013 13:24 « Du point de vue de ce qu’on appelle encore le tiers monde, nous ne pouvons prétendre que la décolonisation a pu promouvoir une pensée radicalement critique vis-à-vis de la machine idéologique de l’impérialisme et de l’ethnocentrisme, une décolonisation qui serait en même temps une déconstruction [emprunté à Jaques Derrida] des discours qui participent, de manières variées et plus ou moins dissimulées, à la domination impériale… » (Khatibi ([1981] 2002, pp. 113-129). « recherche ». Faire de la sociologie était alors conçu comme une action militante qui devait compter sur le rôle de l’État. Et comme l’État était perçu comme l’acteur central du changement et du développement, les premiers chercheurs, majoritairement de gauche, étaient, pour ainsi dire, forcés d’accompagner, d’impulser, d’orienter l’action publique tout en défendant leur engagement politique, leur autonomie de pensée et l’intérêt des masses populaires. La majorité des études à caractère sociologique, effectuée par Paul Pascon et ses collègues, était réalisée dans le cadre des politiques publiques (politique agraire, politique hydraulique…). Si l’apport de Paul Pascon à la sociologie rurale a été des plus importants, en raison de sa production qui témoigne d’une rigueur scientifique, d’autres sociologues affiliés à d’autres institutions universitaires se sont inscrits dans cette sociologie d’engagement tels que Abdelkébir Khatibi et Mohamed Guessous 3. 8 La sociologie pratiquée dans les années 1960 et 1970 se voulait critique sur le plan théorique et politique. Décoloniser l’appareil conceptuel colonial était presque un slogan, une précaution que tout chercheur – progressiste – doit professer et éventuellement mettre en œuvre. Selon Abdelkébir Khatibi, la « décolonisation de la sociologie suppose une non dépendance scientifique de la métropole et une politique scientifique critique basée sur l’analyse comparative des pays sous-analysés ou plutôt mal analysés » (Khatibi, [1981] 2002, p. 42). 9 La tâche essentielle de la sociologie consiste à mener un double travail critique : déconstruire les concepts ethnocentristes des sociologues qui ont parlé à la place des Marocains, et mener une critique du savoir et des discours élaborés par la société marocaine (ou arabe) sur elle-même. Dans un article intitulé « Décolonisation de la sociologie », Abdelkébir Khatibi écrit : 10 Pour la première génération des sociologues marocains, la recherche et l’engagement politique devaient aller de pair. À cette époque, l’engagement dans un projet de société plus ou moins défini et explicité allait de soi. Ceci se traduit par ce que Paul Pascon (1983) appelait une « sociologie d’action », notion plus proche d’une sociologie appliquée engagée. Dans un texte programmatique, La Sociologie : pourquoi faire?, il pose les grands principes de son activité scientifique (Pascon, 1986, pp. 59-70). Selon, lui la connaissance doit être faite pour transformer le monde, la sociologie politiquement neutre est inopérante... La défense des paysans et des masses exploitées doit animer l’activité du sociologue (« Les ruraux doivent émerger au rang de l’expression politique », « Nous aimerions que ce soient les ruraux qui posent des questions… »). 11 Le cadre de cette sociologie militante est que l’enseignement de la sociologie était considéré comme une action militante en soi. Cette tendance se reflète dans les cours et les travaux de Mohamed Guessous qui mobilise en tant que militant politique son savoir sociologique et inversement. Intervenant dans des débats politiques, sur des questions liées à la démocratie, à l’enseignement, au développement, etc., il a souvent la hantise de préciser de façon pédagogique ce qu’il trouve confus et ambiguë. Il est fréquent de trouver dans ses entretiens des exposés critiques, quoique succincts et simplifiés, sur les théories et les concepts du changement, de la modernisation, de la spécificité, de la culture et de l’idéologie. Il 12 La sociologie au Maroc file:///C:/Users/nomadwell/Downloads/La sociologie au Maroc.htm 3 sur 12 19/10/2013 13:24 Une approche holiste « c’est-à-dire qu’elle n’est pas uploads/Philosophie/ hist-la-sociologie-au-maroc.pdf

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