Techniques & Culture Numéro 54-55 (2010) Cultures matérielles .................

Techniques & Culture Numéro 54-55 (2010) Cultures matérielles ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Jean-Michel Geneste Systèmes techniques de production lithique Variations techno-économiques dans les processus de réalisation des outillages paléolithiques ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. T oute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Jean-Michel Geneste, « Systèmes techniques de production lithique », Techniques & Culture [En ligne], 54-55 | 2010, mis en ligne le 31 août 2011. URL : http://tc.revues.org/5013 DOI : en cours d'attribution Éditeur : Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme http://tc.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://tc.revues.org/5013 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Cet article a été téléchargé sur le portail Cairn (http://www.cairn.info). Distribution électronique Cairn pour Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme et pour Revues.org (Centre pour l'édition électronique ouverte) T ous droits réservés L’importance du domaine technique en archéologie et plus généralement dans les sciences sociales, parmi lesquelles l’ethnologie, l’archéologie et l’histoire se trouvent concernées en premier lieu, n’est plus à souligner aujourd’hui. Cependant, un demi-siècle après que l’œuvre maîtresse d’André Leroi-Gourhan en matière d’élaboration théorique et de concep- tualisation du domaine technique en ethnologie et archéologie ait été conçue, force est de constater – d’autres l’ont fait avant moi – que dans notre discipline, plusieurs décennies se sont écoulées avant que le fil discursif légué ait été repris. Ce temps de latence est dû en partie au manque de réceptivité du milieu scientifique, engagé alors dans d’autres problématiques et confronté, sous l’emprise d’autres paradigmes, à la résolution d’autres problèmes. Aujourd’hui, des méthodes de fouille de plus en plus précises associées à des méthodes de datation mieux adaptées, ont permis de réduire pro- gressivement l’hétérogénéité des ensembles d’objets exhumés et de préciser leur localisation spatio-temporelle. À partir de tels ensembles, témoins d’activités techniques relativement homogènes, ont pu se développer des conceptions nouvelles de ce qui était habituellement recouvert par la notion « d’industrie préhistorique ». Jean-Michel Geneste Service Régional d’Archéologie d’Aquitaine Techniques & Culture 54-55 volume 2, 2010 : 419-449 SySTèMeS TeCHnIQUeS De PRODUCTIOn LITHIQUe Variations techno-économiques dans les processus de réalisation des outillages paléolithiques Cultures matérielles 2 - VII in Techniques & culture 17-18, 1991 : 1-35 420 Jean-Michel Geneste La technologie en archéologie du paléolithique Les perspectives et les principes pouvant servir à l’élaboration des fondements théo- riques d’une interprétation de la technique, qu’il s’agisse des objets ou des corps, ont été posés en ethnologie et en archéologie par André Leroi-Gourhan il y a une cinquantaine d’années dans un courant de recherche ouvert au début du XXe siècle en France par Durkheim et Mauss. Pourtant une relative désaffection du technique s’est manifestée jusqu’à une période récente en ethnologie, qui a aussi touché de façon paradoxale le domaine archéologique ou, tout au moins, n’y a pas suscité de recherches aussi actives que dans d’autres disciplines. Dans le même temps, en effet, le dernier demi-siècle a vu naître et se multiplier des réflexions théoriques sur la technique, l’objet technique, la pensée technique dans diffé- rents secteurs des sciences humaines. Évolution et techniques d’André Leroi-Gourhan a été élaborée de 1943 à 1945 au même moment que l’œuvre d’A.-G. Haudricourt et de B. Gille ou que le travail de G. Simondon. À cette même période des recherches interdisciplinaires donnaient naissance à des conceptions et des courants technologiques nouveaux, comme la cybernétique, la théorie des systèmes, l’intelligence artificielle, ou les ordinateurs à réseau neuronal. Ce mouvement avait des répercussions sur toutes les sciences humaines, sociales et de l’esprit comme sur les sciences appliquées et fondamentales, et les chercheurs intégraient dans leur démarche les effets de ce dynamisme des recherches anthro pologiques. Mais pendant que d’autres sciences évoluaient et élaboraient un corps conceptuel tant pour la technique que la connaissance technique, l’archéologie, plus isolée, tardait à intégrer une conceptualisation théorique du technique. Elle subit aujourd’hui encore les conséquences de ce retard. De l’histoire des techniques à la technologie culturelle Cette situation est paradoxale car la production technique humaine est omniprésente et ancienne tant en archéologie qu’en ethnologie (Holmes 1893 ; Mason 1895) sans citer les autres disciplines où elle occupe une place importante. R. Cresswell en donne deux raisons : l’ignorance des relations sociales dont font partie outils, objets et techniques, et surtout le fait que ce sont des objets plutôt que des processus qui ont été la préoccu- pation principale des chercheurs en technologie culturelle (Cresswell 1983). En effet, s’il est acquis clairement que la technologie culturelle est bien « la branche de l’ethnologie qui traite des systèmes techniques » (Lemonnier 1991), on doit s’inter- roger, comme cela a été fait en ethnologie (Cresswell, Lemonnier, Sigaut par exemple), sur le statut de la production technique en archéologie. La discipline fonde depuis toujours une large part de ses recherches sur les données issues des vestiges techniques qui servent de base à ses connaissances concrètes. Elle a toutefois longtemps hésité à formaliser et à développer une théorie de la production technique qui intégrerait conceptuellement le technique aux autres champs scientifiques qu’elle développe. Des théories de l’évolution des systèmes techniques ont été proposées en histoire (Gille 1978), en technologie (Sirnondon 1989 ; Deforge 1985, 1989), comme en bio- logie et surtout en sciences fondamentales, par suite d’une application générale de l’analyse des systèmes (Bertalanffy 1973). À leur suite l’ethnologie y puisait la matière 421 Systèmes techniques de production lithique conceptuelle nécessaire à la description et à la définition de systèmes techniques (Lemonnier 1983 ; Sigaut 1991). L’archéologie paléolithique quant à elle, après avoir dédaigné ce type de démarche, l’intègre aujourd’hui progressivement sous l’effet de problématiques liées à la cognition humaine dans les domaines de la psychologie et de la primatologie par exemple. À partir d’exemples archéologiques et dans le cadre d’un système technique de pro- duction défini avec des règles spécifiques de lecture et d’interprétation, nous voudrions montrer comment l’élaboration et la maîtrise de référents fiables sont, pour le préhistorien, une étape préalable à l’analyse des processus de formation des ensembles archéologiques résultant du travail de la pierre. Systèmes techniques de production lithique Vers une conception des systèmes De L’objet vers un système en archéologie préhistorique La technique, production sociale évidente, est aussi très spécifique. La production lithique est associée depuis les origines à l’émergence de l’homme. Archéologiquement, l’histoire de l’humanité, pendant des millions d’années, se réduit au seul technique. A. Leroi-Gourhan (1971-1973) considérait qu’au cours de cette gestation, à partir d’un certain seuil, le technique se manifestait philogénétiquement comme un phénomène d’extériorisation. Cette conception rejoint celles d’autres recherches qui fournissent des bases à une analyse des systèmes techniques en tant qu’entités manipulables au sein d’un contexte anthropologique. La technique obtiendrait assez rapidement une autonomie et développerait un système évolutif parallèle bien qu’intégré à l’évolution humaine. Les systèmes techniques peuvent être dès lors manipulés indépendamment de leur contexte anthropologique et en partie analysés grâce à des principes de fonctionne- ment et des règles évolutives propres. La notion de lignées évolutives de G. Simondon (1989a, 1989b) que l’on retrouve dans Technologie et génétique de l’objet industriel chez Y. Deforge (1985) et surtout la conception de l’épiphylogénèse définie par B. Stiegler (1991) permettent d’envisager une évolution des systèmes techniques de production indépendante de celle des types humains qui les ont réalisés ou adoptés, et ainsi de traiter des problématiques archéologiques telles que les passages de Homo erectus à Néandertal et de Néandertal à l’homme moderne. L’objet technique (c’est-à-dire l’objet étudié comme aboutissement d’une chaîne opératoire) est d’abord le fruit d’une connaissance abstraite conçue et sécrétée par le cerveau humain ; il est ensuite fabriqué au moyen d’un processus technique de réa- lisation qui organise progressivement une matière inorganique et la finalise comme un prolongement du corps humain vers le milieu extérieur. Interface entre le corps et l’environnement, l’objet est enfin un outil d’action sur le milieu. L’objet technique peut donc être interprété en fonction d’un registre de lectures appropriées : qu’il soit 422 Jean-Michel Geneste physique (contraintes de la matière, environnement), biologique (comportements, séquences gestuelles), économique ou psychique (méthodes et connaissances). Les données qui interviennent dans tout le processus de la réalisation peuvent être abordées de deux manières. D’une part la caractérisation d’une production d’outillage lithique taillé en tant que système technique doit être replacée rétros pectivement dans son contexte fonc- tionnel et environnemental sur la base d’autres données et, en particulier, d’analyses paléoenvironnementales. La combinaison de paramètres strictement techno logiques avec des paramètres uploads/Philosophie/ geneste-1991.pdf

  • 41
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager