COLLÈGE DE SAUSSURE PHILOSOPHIE 4 Considérations morales 1 24/09/2007 Hannah Ar
COLLÈGE DE SAUSSURE PHILOSOPHIE 4 Considérations morales 1 24/09/2007 Hannah Arendt, Considérations morales • Partie I : p. 28-40 Dans la première partie de ces Considérations, Hannah Arendt va donc avoir à examiner ce qui donne droit (quaestio juris) à la philosophie de prétendre à une compréhension fondamentalement vraie et authentique de la pensée. Ecartées1 la définition commune ou l’approche scientifique de ce que penser veut dire, on pourrait s’attendre à ce que Arendt se tourne vers la tradition philosophique et le sens que cette tradition donne au fait de penser. Mais une crise profonde de légitimité mine la philosophie contemporaine. Arendt ne prétend pas être une « philosophe professionnelle » mais c’est tout de même en philosophe (et non en spécialiste des sciences humaines) qu’elle commence par répondre aux critiques disqualifiantes et aux objections qui peuvent être faites à la recherche philosophique. • « Qu’est-ce que la pensée ? », « qu’est-ce que le mal ? » L’examen de ces questions se développe en deux temps : A. Objection : la crise des valeurs métaphysiques : (p. 28 – 31) disqualifie la philosophie à prétendre répondre à ces questions et à déterminer la nature ou l’être de la pensée ou du mal. B. Réponse à cette objection ; postulat : l’homme est un être pensant, p. 31- p.40 B.1 La distinction kantienne entre connaître (Verstand) / penser (Vernunft),p.31-33. B.2 Penser comme Vernunft propre à tout homme ; fonde la possibilité de choix éthiques (bien/mal) : p.33-34. B.3 Penser vs agir : p.34-35. B.4 Penser (s’) abstraire « hors de l’ordre » : p.35-37. B.5 Conclusion : un exemple d’expérience de la pensée ainsi définie ► partie II A. « Qu’est-ce que penser ? », « Qu’est-ce que le mal ? Ces questions semblent évidentes pour le bon sens ordinaire mais elles sont devenues terriblement embarrassantes pour la philosophie. Si le fait de penser ne fait pas problème pour l’opinion commune ou pour les sciences qui font de l’homme leur objet d’étude, ces questions s’avèrent problématiques pour une discipline qui, depuis la fin du 1 Par un choix méthodologique qui caractérise la phénoménologie, un courant de la philosophie contemporaine dans lequel Arendt a formé sa réflexion. 1 1 XVIIIe, traverse une crise de scepticisme profond et qui est régulièrement poussée à douter de sa légitimité face au développement des sciences et aux crises sociales, religieuses, culturelles qui se sont déclarées depuis ce moment-là. • Mort de Dieu – Fin de la métaphysique Au cours du XVIIIe qui s’achève avec la Révolution française et avec l’instauration d’une nouvelle forme de pouvoir basée sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, s’est accéléré en Europe un mouvement de « désenchantement du monde »2 qui modifie radicalement notre expérience et notre compréhension de ce monde. Ce mouvement culmine au XIXe et trouve son expression chez des penseurs comme FEUERBACH, MARX ou NIETZSCHE chez qui l’on retrouve des variations sur cette formule : « Dieu est mort. » En même temps, dans la foulée des découvertes scientifiques expérimentales qui se sont manifestées au cours du XVIe et du XVIIe (COPERNIC, GALILÉE, NEWTON), ce nouvel esprit scientifique soutient la naissance et le développement des sciences modernes (comme la biologie) ou des sciences humaines (histoire, économie, psychologie, psychologie…). Tout en héritant de la vocation spéculative de la connaissance philosophique traditionnelle, ce nouvel esprit scientifique positiviste associe la recherche de connaissances aux développements pratiques mis en œuvre par la technique 3. On se souviendra alors que, comme bien des Occidentaux, Adolph Eichmann, à l’origine de ce questionnement, n’est somme toute qu’un technicien ordinaire et que, comme tel, il est illustre l’homme moderne lié à cette aventure scientifique. Il est vrai, cependant, que dans l’esprit des scientifiques et des savants modernes, la connaissance devrait en principe permettre d’améliorer l’existence des hommes, leur donner les moyens de transformer les conditions matérielles dans lesquels ils vivent. Au XIXe, la littérature a bien repéré cette transformation profonde de notre société et de ses valeurs mais les artistes n’ont pas toujours pris pour du bon argent tous les vœux pieux de la science. En France par exemple, on pensera à Baudelaire et à sa haine du credo progressiste ayant cours en son temps ou aux personnages de Flaubert figurant les disciples de ce nouveau credo comme Homais, le pharmacien de Madame Bovary ou comme les deux compères de Bouvard et 2 Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde, une histoire politique de la religion, Gallimard, 1985. 3 Chez Descartes, déjà, on trouve explicitement formulée la finalité de la recherche scientifique et philosophique. Se justifiant d’avoir tout de même pris le parti de communiquer au public les résultats de ses méditations et de ses recherches philosophiques, Descartes, dans la sixième et dernière partie de son Discours de la méthode, développe cet argument en faveur des conséquences de sa philosophie: « …j’ai remarqué où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais pas les tenir cachées, sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général à tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans [au siècle suivant, on retrouve cette comparaison réalisée dans l’introduction de d’Alembert à l’Encyclopédie], nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre maîtres et possesseur de la nature. » (GF, p. 98-99) 2 2 Pécuchet et leur recherches encyclopédiques qui finissent dans ce roman des grandes idées reçues. En évoquant cette crise, Arendt évoque naturellement Nietzsche (1844-1900), un penseur qui cherchait volontiers du côté des œuvres artistiques les signes révélateurs de cette crise profonde des valeurs propres à notre monde et à notre culture; lorsque NIETZSCHE parle de la mort de Dieu, c’est à la disparition d’un monde essentiel orientant les recherches métaphysiques qu’il pense clairement et cette mort convient bien à son entreprise de renverser le platonisme qui, selon lui, représente un coup de force pour imposer à la philosophie une manière de penser dogmatique tout en censurant d'autres manières de penser propres aux premiers. Mais après Nietzsche, et en deçà de Platon, ce sont aux origines mêmes de l'histoire de la philosophie que des penseurs contemporains ont repéré la structure fondamentalement métaphysique qui a donné naissance à la pensée et à la rationalité occidentale. Cette impulsion métaphysique dans laquelle s’enracine l’histoire de la philosophie prend appui sur la question initiale : « qu’est-ce que ? »4 Et, en effet, cette question métaphysique fondamentale indique clairement que l’étonnement philosophique des premiers penseurs (Arendt mentionne Parménide) prend forme dès le moment où ces derniers sont conduits à penser que les choses considérées ne sont pas réellement ce qu’elles semblent être à première vue. Cette question présuppose en tous les cas nécessairement que notre expérience des choses comporte deux faces : l’une visible, sensible, celle des phénomènes, de l’apparence (des ombres comme dans la fameuse allégorie platonicienne ; l’autre face, méta-physique (au-delà de la physique ou de la matière sensible), oriente la connaissance vraie vers ce qui est réellement et véritablement. Cette opposition fondamentale entre l’apparence et l’essence est la structure paradigmatique5 qui règle toutes 4 En ouverture d’un cours consacré en 1935-36 aux Questions fondamentales de métaphysique, Martin Heidegger, l’un des maîtres de Hannah Arendt, commence par indiquer : « Nous posons dans ce cours une question parmi celles s’inscrivent dans le cercle des questions fondamentales de la métaphysique. Elle s’énonce : « Qu’est-ce qu’une chose ? » Question déjà ancienne. Elle n’est toujours neuve que parce qu’il faut sans cesse la poser à nouveau. » Martin Heidegger, Qu’est-ce qu’une chose ?, Gallimard, 1971, p.13. 5 Au sens linguistique de cette expression, c’est-à-dire les rapports d’opposition qui déterminent la valeur ou le sens d’un terme dans la chaîne parlée. 3 3 les recherches philosophiques ainsi que l’essentiel des débats entre les différents philosophes qui alimentent la discipline. Cette structure peu à peu perdu s’est mise à perdre son sens, invalidée en particulier par des recherches philosophiques se méfiant des égarements auxquels peut conduire la métaphysique et soucieuses de s'en tenir à l'expérience et à l'évidence des faits. L’empiriste anglais, David HUME (1711-1776) n'avait-il pas bien démontré que la connaissance humaine issue de l’expérience est exclusivement phénoménale ; la causalité, que la science cherche à établir dans les phénomènes qu'elle expérimente, provient de la régularité avec laquelle l'enchaînement de deux phénomènes se manifeste à notre observation; c'est une simple habitude qui nous pousse à croire que nous disposons de lois pour expliquer la nature. Nous ne pouvons uploads/Philosophie/ considerations-morales-i-1 1 .pdf
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- Publié le Jan 23, 2021
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