Vocabulaire de ... Collection dirigée par jean-Pierre Zarader Professeur à - -

Vocabulaire de ... Collection dirigée par jean-Pierre Zarader Professeur à - - 347513 Absolu(e), Absolument (absolutus, absolute) * Le spinozisme n'est pas une philosophie de « l'absolu », mais de « l'absolument ». Le terme « absolu », adjectif ou adverbe, jamais sub­ stantif, y est en effet toujours en position subordonnée, ou seconde, par rapport aux notions centrales du système, qu'il contribue à déterminer et à préciser. **Adverbe, « absolument» est le plus souvent subordonné à l'adjectif « infini » en position d'attribut. Dieu est ainsi défini (I dé f * 6) comme « être absolument infini » <absolute in finitum> plutôt qu' « infini en son genre» (voir aussi I 1 3: «substance absolument infinie»). Spinoza res­ pecte l'usage courant : « absolument infini » s'oppose à « infini en son genre» comme « infini dans tous les domaines» s'opposerait à « infini dans un domaine particulier». En termes spinozistes : « ce qui n'est infini qu'en son genre, nous en pouvons nier une infinité d'attributs ; tandis que, ce qui est absolument infini, appartient à son essence tout ce qui exprime une essence et n'enveloppe pas de négation» (I dé f 6 exp/.). «Absolument» signifie donc «complètement», «totalement» (V 23), « sans restriction » (l 1 1 sc.), et parfois, de façon elliptique, « absolument parlant» (I 1 6 cor. 3, I 25 sc., V 41). Les emplois de l'ad jectif« absolu» suivent aussi l'usage, que ce soit pour intégrer certaines notions à la doc­ trine : « affirmation absolue » (I 8 sc. 1 ), « pensée absolue » (absoluta cogitatio, I 21 dém.), « puissance» (potentia) et «pouvoir» (potestas) absolus (III pré f, IV app. 32), ou pour en critiquer ou en rejeter d'autres : « volonté absolue » (I 17, II 48 : « ou libre » ), « empire absolu » sur les affects (imperium absolutum III préf, V préf. - expression que l'on retrouvera au sens tout différent d' « Etat absolu», ou «régime absolu», pour qualifier la démocratie, au chap. 1 1 du Traité politique). L'adjectif « absolu » est cependant joint le plus souvent au terme « nature » : les «modes infinis», par exemple, sont d'abord désignés comme «tout ce qui suit de la nature absolue d'un attribut de Dieu» (I 21, 23 et dém., 28 dém.). Mais la «nature absolue» d'un attribut de Dieu n'étant rien d'autre que la nature même de Dieu (I dé f 4 ), elles se voient toutes deux explicitées par la formule de I app. : « la nature absolue de Dieu, c'est-à­ dire <sive> sa puissance infinie». La « nature absolue» d'une chose, c'est donc son essence considérée en elle-même -l'essence de l'essence, faudrait-il dire-, comme l'indique II 34 à propos de l'idée vraie :« toute idée qui est absolue en nous, c'est-à-dire adéquate et parfaite, est vraie». * Voir la table des abréviations p. 59. 5 Dans la même collection Le vocabulaire de Hume, par Philippe Saltel Le vocabulaire de Kant, par Jean-·Marie Vaysse Le vocabulaire de Platon, par Luc Brisson et Jean-François Prc.. deau Le vocabulaire de saint Thomas d'Aquin, par Michel Nodé-Langlois Le vocabulaire de Schopenhauer, par Alain Roger Le vocabulaire de Spinoza, par Charles Ramond <> A paraître : Le vocabulaire d'Aristote, par Pierre Pellegrin Le vocabulaire de Bergson, par Frédéric Worms Le vocabulaire de Hegel, par Bernard Bourgeois Le vocabulaire de Popper, par Renée Bouveresse ISBN 2-7298-5833-4 © ellipses 1 édition marketing S.A., 1999 32 rue Bargue, Paris (lSe). La loi du 11 mars 1957 n"autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective >>, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans Je consentement de J'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ». (Alinéa 1er de l'Article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l'éditeur ou du Centre français d'Exploitation du Droit de Copie (3, rue Hautefeuille, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code pénaL Une philosophie exposée «à la manière des géomètres» fournit elle­ même les définitions de ses principaux concepts. Le vocabulaire de Spinoza que nous présentons ici au lecteur est cependant bien autre chose qu'un simple relevé. Spinoza ne définit pas toujours les termes qu'il emploie ; et il lui arrive de les employer en plusieurs sens. Étudier le vocabulaire de Spinoza est ainsi .un geste un peu irrespectueux, vérification soupçonneuse plutôt que récitation docile ; mais un geste très respectueux aussi, respec­ tueux de ·la moindre phrase effectivement écrite par le philosophe, du moindre mot, du moindre adjectif, jusqu'au genre, jusqu'au nombre. Ce res­ pect irrespectueux dans l'attention aux détails, qui fait vivre la doctrine dans son interprétation, n'est-ce pas d'ailleurs Spinoza lui-même qui nous l'aurait enseigné, dans sa patiente et impatiente lecture des Écritures ? *** « Absolu », selon l'étymologie, signifie « délié », « sans relation » (c'est le contraire du « relatif »), donc « autonome », « auto-suffisant ». En un sens, ce sont bien là les caractéristiques du Dieu de Spinoza (sans extériorité), comme de l'idée adéquate ou vraie (norme d'elle-même). Inversement, on peut lire, dans l'immanence comme dans l'adéquation (c'est-à-dire, dans le processus rationnel lui-même) la nécessité de la liai­ son, de la relation : l'absolu tire alors vers le complet, l'achevé, le parfait. Absurde (absurdus) 6 * « Certaines choses existant dans la nature [ . . . ] m'ont paru jadis vaines, sans ordre, absurdes » (quaedam naturae [ . . . ] mihi antea vana, inordi- nata, absurda videbantur -Lettre 30, à Oldenburg, 1665). ** Cette déclaration de Spinoza fait partie des nombreuses traces de l'angoisse existentielle réelle à partir de laquelle, et contre laquelle, s'est édifiée la doctrine de l'Éthique. Les premières pages du TRE évoquent par exemple avec la dernière insistance les incertitudes quasi mortelles du jeune Spinoza sur la nature des biens à rechercher : « je me voyais en effet dans un extrême péril <in summo periculo>, et contraint de cher­ cher de toutes mes forces un remède, fût-il incertain ; de même un malade atteint d'une affection mortelle <veluti aeger lethali morbo laborans>, qui voit la mort imminente <mortem certam> s'il n'applique un remède, est contraint de le chercher, fût-il incertain, de toutes ses forces, puisque tout son espoir est dans ce remède <nempe in eo tota ejus spes est sita> ». Un monde absurde serait un monde « sans ordre », c'est­ à-dire un monde dans lequel les combinaisons chimériques deviendraient possibles. Une telle possibilité n'a jamais cessé de préoccuper Spinoza, s'exprimant sous la forme d'exemples cocasses (TRE § 34 ; « éléphant passant par le trou d'une aiguille » ; § 38 : « mouche infinie », « âme carrée » ; § 40 : « cadavres qui se promènent » ; E I 8 sc. 2 : « hommes naissant de pierres », « arbres parlants » ; TP IV 4 : « tables » qui « mangent de l'herbe » ), ou de traits d'humour particulièrement noirs : « je l'affirme alors [ . . . ] : si quelque homme voit qu'il peut vivre plus commodément suspendu au gibet qu'assis à sa _table, il agirait en insensé en ne se pendant pas » (Lettre 23, à Blyenbergh, 1 3 mars 1665). *** De ce point de vue, le système spinoziste de la nécessité et de l'ordre rationnel de la nature ne correspondrait pas à une intuition fondamentale, mais serait plutôt la solution constamment renouvelée à un problème engendré par le système lui-même : si tous les degrés de puissance sont réalisés dans la nature, comme le veut la doctrine, et s'il n'y a que des choses singulières, et pas de réalités générales, il devient difficile de séparer les espèces les unes des autres, et, partant, de refuser les combi­ naisons les plus absurdes à première vue- autre nom du chaos. Af..:compagil1er (concomitor) * Le verbe « accompagner» est intimement lié à l'exposé spinoziste de la doctrine des affects : « L'amour est une joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure », et « la haine est une tristesse qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure » <concomitante ideâ causae externae> (III 1 3 s c.) . Spinoza ne définit pas explicitement le terme « accompagner » ; mais, en III a pp. 6 exp!., il insiste sur le fait que cet « accompagnement » d'une joie par « l'idée d'une cause extérieure » donne « l'essence de l'amour », contrairement aux autres définitions (notamment à celle de Descartes : « volonté de l'amant de se joindre à la chose aimée »), qui n'en donneraient que des « propriétés ». ** Je suis aimé par qui éprouve une joie qu'accompagne l'idée de moi (III 33 uploads/Philosophie/ charles-ramond-le-vocabulaire-de-spinoza-1.pdf

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