La notion de rapport au savoir commence à se répandre dans le champ des science

La notion de rapport au savoir commence à se répandre dans le champ des sciences humaines. Elle attire l’attention sur le savoir comme sens et plaisir et ouvre un espace de dialogue entre disciplines. Mais par là même elle court le risque de devenir attrape-tout. L’auteur, qui est l’un des « pères » de la notion, entreprend ici de lui donner statut de concept. Ce faisant, il bouscule quelques idées reçues sur « les causes » de l’échec scolaire et transgresse un tabou en avançant l’idée d’une sociologie du sujet. Prenant appui sur une réflexion anthropologique, il explore diverses « figures de l’apprendre » et propose plusieurs définitions du rapport au savoir. Ce livre repose sur un pari : rien n’est plus utile que la théorie, dès lors qu’elle parle du monde, en un langage accessible à tous. Du Rapport au Savoir Éléments pour une théorie Bernard CHARLOT Anthropos Diffusion : Economica, 49, rue Héricart - 75015 Paris Sommaire Couverture Présentation Page de titre Dédicace INTRODUCTION CHAPITRE I - « L’échec scolaire » : un objet de recherche introuvable 1. Les chercheurs et les objets soda-médiatiques 2. « L’échec scolaire » n’existe pas. Ce qui existe, ce sont des élèves en échec CHAPITRE II - La reproduction, l’origine sociale et les handicaps sont-ils « la cause de l’échec scolaire » ? 1. Les sociologies de la différence 2. L’origine sociale n’est pas la cause de l’échec scolaire 3. Les élèves en échec ne sont pas des handicapés socioculturels 4. De la lecture en négatif à la lecture en positif CHAPITRE III - Pour une sociologie du sujet 1. Une sociologie sans sujet : Durkheim et Bourdieu Durkheim Bourdieu 2. Une sociologie de la subjectivation : Dubet 3. Le « fantôme d’autrui que chacun porte en soi » : une incursion chez les psychologues CHAPITRE IV - Le petit d’homme, obligé d’apprendre pour être : une perspective anthropologique 1. Naître, c’est être soumis à l’obligation d’apprendre 2. Mobilisation, activité, sens : définition des concepts CHAPITRE V - Le savoir et les figures de l’apprendre 1. Il n’est pas de savoir sans rapport au savoir 2. Les figures de « l’apprendre » 2.1. Les figures de l’apprendre : repères 2.2. Le rapport épistémique au savoir 2.3. Le rapport identitaire au savoir 2.4. Le rapport social au savoir CHAPITRE VI - Le rapport au savoir : concept et définitions 1. Le concept de rapport au savoir 2. Le rapport au savoir comme objet de recherche 3. Les définitions du rapport au savoir 4. Rapport au savoir et désir de savoir 5. Rapport au savoir et représentation du savoir 6. Rapport au savoir et rapports de savoir CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE Notes Copyright d’origine Achevé de numériser À Marie-Louise, mon présent À Manon, mon surlendemain... INTRODUCTION Pourquoi certains élèves sont-ils en échec à l’école ? Pourquoi cet échec est-il plus fréquent dans les familles populaires1 que dans d’autres familles ? Mais aussi : pourquoi certains enfants de milieux populaires réussissent-ils malgré tout à l’école, comme s’ils parvenaient à se glisser dans les interstices statistiques ? Telles sont, sous leur forme brute, les questions qui ont présidé à la naissance de l’équipe de recherche ESCOL2, en 1987, et qui, aujourd’hui encore, sont à l’horizon de ses travaux. Pour tenter d’y répondre, ESCOL mène des recherches sur le rapport au savoir et le rapport à l’école de jeunes fréquentant des établissements scolaires situés en banlieue. Une première recherche a porté sur les collèges et, dans une moindre mesure, sur les écoles primaires (Charlot, Bautier et Rochex, 1992). L’équipe s’est ensuite intéressée aux lycées : Élisabeth Bautier et Jean-Yves Rochex ont travaillé sur les lycées généraux et techniques, et moi-même3 sur les lycées professionnels ; ces recherches donneront lieu à deux livres, actuellement en cours de rédaction. Toutefois, il ne suffit pas de recueillir des données, encore faut-il savoir ce qu’on cherche exactement. C’est encore plus nécessaire lorsqu’on aborde une question ancienne d’une façon relativement nouvelle. Or, telle est précisément notre ambition. Nous travaillons sur la question de l’échec scolaire, c’est-à-dire dans un champ saturé de théories construites et d’opinions de sens commun. Nous abordons cette question classique en termes de rapport au savoir et à l’école. Or, si l’expression « rapport au savoir » tend à se répandre, on ne dispose pas actuellement d’une théorie du rapport au savoir suffisamment bien établie pour que la recherche puisse prendre appui sur des fondements solides et stables. Lorsque les membres de l’équipe ESCOL présentent leurs recherches, en interne ou à d’autres équipes, ou lorsque chacun d’entre nous travaille à l’interprétation de ses données, la nécessité d’un approfondissement conceptuel et théorique apparaît vite. Nous avions remis cet approfondissement à plus tard car nous pensions plus urgent de prolonger vers le lycée nos recherches antérieures sur l’école primaire et le collège. Mais lorsque j’ai commencé à rédiger le livre sur les élèves des lycées professionnels, il m’a paru indispensable d’expliquer pourquoi je posais en termes de rapport au savoir des questions habituellement traitées en termes d’échec scolaire, d’origine sociale ou même de handicaps socio-culturels. La question n’est pas simple... et le texte a pris de l’ampleur ! J’ai ainsi construit, sans en avoir eu initialement l’intention, un texte d’élaboration théorique4 et ai finalement décidé de le publier sous forme de livre. Pourquoi étudier l’échec scolaire (ou la réussite) en termes de rapport au savoir ? Que faut-il entendre exactement par rapport au savoir ? Telles sont les deux questions, liées, qui sont abordées dans ce livre. Le premier chapitre explique que « l’échec scolaire » est un objet socio- médiatique que l’on ne saurait adopter tel quel comme objet de recherche : si l’on veut analyser les phénomènes habituellement désignés comme « échec scolaire », il faut construire un objet de recherche précis. Le deuxième chapitre se penche sur l’objet que la sociologie de la reproduction construit pour étudier l’échec scolaire : les différences entre positions sociales. Il analyse également l’idée que l’origine sociale et les handicaps socio-culturels seraient causes de l’échec scolaire. Le troisième chapitre prolonge les analyses précédentes et amorce l’effort de construction théorique qui suivra. Il avance l’idée d’une sociologie du sujet, à partir d’une étude critique des travaux de Pierre Bourdieu, de ceux de François Dubet et d’un livre récent que l’équipe de recherche animée par Jacky Beillerot a consacré au rapport au savoir, dans une perspective psychanalytique. Le quatrième, le cinquième et le sixième chapitres portent sur le rapport au savoir, considéré comme un objet de recherche permettant d’étudier « l’échec scolaire » autrement qu’on ne le fait classiquement. Le quatrième tente d’ancrer le concept de rapport au savoir dans une approche anthropologique de la condition du petit d’homme. Le cinquième est consacré aux diverses figures de « l’apprendre ». Le sixième précise le concept de rapport au savoir et en propose des définitions. CHAPITRE I « L’échec scolaire » : un objet de recherche introuvable Certains objets du discours social et médiatique ont acquis un tel poids d’évidence que les chercheurs risquent de s’y laisser prendre. Il en est ainsi, par exemple, de « l’exclusion », de « la crise de l’éducation » ou de « l’échec scolaire », auquel nous nous intéresserons dans ce livre. 1. Les chercheurs et les objets soda-médiatiques De tels objets renvoient toujours à des pratiques et à des situations et ils sont censés rendre compte du « vécu » et de « l’expérience ». Les enseignants reçoivent quotidiennement dans leurs classes des élèves qui n’arrivent pas à apprendre ce qu’on voudrait leur faire apprendre, les dispositifs d’insertion accueillent chaque jour des jeunes dépourvus de diplômes et parfois de repères : dans ces conditions, comment nier « la réalité » de l’échec scolaire ? Il est exact que de tels jeunes existent et que l’on rencontre de telles situations. Pour autant, « l’échec scolaire » n’est pas un « fait », que « l’expérience » permettrait de « constater ». L’expression « échec scolaire » est une certaine façon de mettre en mots l’expérience, le vécu et la pratique – et par là même une certaine façon de découper, d’interpréter et de catégoriser le monde social. Plus la catégorie ainsi construite est large et plus elle est polysémique et ambiguë. Ainsi, la notion d’échec scolaire est utilisée pour exprimer aussi bien le fait qu’un enfant ne passe pas dans la classe suivante que le fait qu’il n’a pas acquis certains savoirs ou certaines compétences ; elle réfère aussi bien aux élèves de Cours préparatoire qui n’apprennent pas à lire en un an qu’à ceux qui échouent au baccalauréat, voire en premier cycle d’université ; elle a même pris une telle extension qu’une sorte de pensée automatique tend aujourd’hui à l’associer à l’immigration, au chômage, à la violence, à la banlieue... Une notion à laquelle on fait dire tant de choses et qui renvoie à tant de processus, de situations et de problèmes, par ailleurs si différents, devrait apparaître comme floue et vague. En fait, il n’en est rien : chaque manifestation uploads/Philosophie/ bernard-charlot-du-rapport-au-savoir-elements-pour-une-theorie-anthropos-1994.pdf

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