RAPPORT SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET LA XÉNOPHOBIE FOCUS

RAPPORT SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET LA XÉNOPHOBIE FOCUS : LUTTER CONTRE LE RACISME ANTI-NOIRS RAPPORTlogo de la CNCDH ANNEE 2019 2 CNCDH • Rapport 2019 sur la lutte contre le racisme • Focus sur le racisme anti-Noirs 3 Être noir n’est ni une essence ni une culture, mais le produit d’un rapport social : il y a des Noirs parce qu’on les considère comme tels. Pap NDiaye « Questions de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du colorisme » dans Fassin, Éric,David (dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte, 2006, p. 37-54. 4 LE RAPPORT 2019 SUR LA LUTTE CONTRE LE RACISME, L'ANTISÉMITISME ET LA XÉNOPHOBIE La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a été nommée en 1990 Rapporteur national indépendant sur la lutte contre le racisme sous toutes ses formes. Chaque année, elle remet au Gouvernement un rapport qui dresse un état des lieux du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie en France, ainsi que des moyens de lutte mis en oeuvre par les institutions de la République et la société civile. Sur la base d’une analyse critique des politiques conduites, et en s’appuyant sur les observations des organes internationaux, la CNCDH formule une série de recommandations visant à mieux connaître, comprendre et combattre toutes les formes de racisme et de discrimination. La CNCDH s’attache à fonder ses analyses et ses recommandations sur des outils variés et complémentaires. Les enquêtes sur l’état de l’opinion, le bilan statistique du ministère de l’Intérieur, celui du ministère de la Justice, ou encore l’indice de tolérance à l’égard d’autrui, constituent autant d’éléments à analyser à la lumière des nombreuses contributions des acteurs institutionnels, associatifs et internationaux. Deux focus En 2019, la CNCDH a décidé de porter une attention particulière au racisme anti-Noirs et à la lutte contre la haine en ligne. CNCDH • Rapport 2019 sur la lutte contre le racisme • Focus sur le racisme anti-Noirs 5 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION 7 I. LE CORPS NOIR FANTASMÉ 10 A. Le mythe de la puissance du corps noir 10 Le mythe d’un manque de capacités intellectuelles compensé par un physique d’exception 10 Un corps difficile à maîtriser 12 B. L’impact de ces fantasmes dans le monde du travail 13 Les discriminations envers les personnes noires dans le monde du travail 13 La division raciale du travail 14 La réponse des victimes : justification, résignation et « stratégies de survie » 15 C. Le mythe du « bon sauvage » noir dans le quotidien du XXIe siècle 17 Les Noirs, subalternes dans l’inconscient collectif 17 Un récit collectif à refonder 19 II. LES PERSONNES NOIRES, DES CITOYENS DE SECONDE ZONE ? 20 A. Une vision monoculturelle de la France et des Français 20 Les personnes noires viendraient d’ailleurs, d’Afrique 20 Des Noirs en France : une présence questionnée 22 B. Le préjugé sur les personnes noires, « profiteuses » des aides sociales 23 Les personnes noires seraient pauvres et peu éduquées 23 Les discriminations dans le domaine du logement 24 III. COMMENT LUTTER CONTRE LE RACISME ENVERS LES NOIRS ? 25 A. Mieux connaître et reconnaître cette forme spécifique de racisme 25 B. Développer une autre image des Noirs 26 C. Renforcer l’éducation 27 CONCLUSION 28 INFOGRAPHIE 29 SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS 30 6 CNCDH • Rapport 2019 sur la lutte contre le racisme • Focus sur le racisme anti-Noirs 7 INTRODUCTION En 2018, l’enquête annuelle de la CNCDH sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie1, dressait un constat paradoxal. Au niveau des opinions, les personnes noires constituent avec les juifs, la minorité la mieux acceptée en France. Pourtant, du point de vue des comportements, elles sont parmi les plus discriminées ; sur les réseaux sociaux ou dans les stades s’exprime un racisme anti-Noirs extrêmement cru, animalisant et violent, construit par opposition à une norme blanche. Ce focus sur le racisme anti-Noirs tentera d’explorer ce paradoxe en mettant en lumière des préjugés encore très actifs, souvent sous-estimés, et de proposer quelques recommandations pour les combattre. Sans essentialiser les Noirs, il s’agit de mieux comprendre les spécificités du racisme dont ils sont victimes, pour ajuster les politiques publiques destinées à les combattre. Le terme noir désigne ici à la fois les personnes considérées par d’autres comme noires et celles qui s’identifient comme telles. L’usage de ce terme, qui s’inscrit dans le champ sémantique et historique du racisme2, renvoie à une longue expérience collective. À cet égard, l’historien Pap Ndiaye considère qu’« être noir n’est ni une essence ni une culture, mais le produit d’un rapport social : il y a des Noirs parce qu’on les considère comme tels »3. Si les races n’existent pas au sens biologique du terme4, elles font partie de l’expérience vécue, s’ancrant et s’exprimant dans des « relations de pouvoir »5 et de domination. Cette expérience est marquée par le sentiment d’être différent, par ce que le sociologue et historien W.E.B. Du Bois qualifiait déjà il a plus de cent ans de « double conscience »6. Elle s’accompagne aussi de dévalorisation ou de survalorisation de soi ou encore de manque de confiance en soi provoquées par une conscience aigüe d’appartenance à un groupe minoritaire, subalterne, différent d’une norme blanche en l’occurrence. Cette expérience inclut aussi le fait d’être la cible de pratiques racistes ou discriminatoires. Au sens positif du terme, l’identité noire renvoie quant à elle à 1. Voir supra la présentation du sondage de cette année par l’Institut Ipsos et l’analyse des chercheurs, en particulier la partie VI « Racisme et couleur de peau ». 2. Comme le rappelle le Dictionnaire historique et critique de Racisme de Pierre-André Taguieff, les termes de « noir » et de « nègre » ont longtemps été synonymes pour s’ouvrir ensuite sur le concept de « race noire » puis, bien plus tard et de façon positive sur l’idée d’une fierté noire. 3. Ndiaye, Pap, « Questions de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du colorisme », dans Fassin, Éric,David (dir.), De la question sociale à la question raciale, Paris, La Découverte, 2006, p. 37-54. 4. Lévi-Strauss, Claude, Race et histoire, Paris, UNESCO, 1952. Dans cet ouvrage, Lévi-Strauss explique qu’il n’y a qu’une race humaine et que les différences qui existent ne peuvent être que culturelles. 5. Selon la sociologue Colette Guillaumin, des parallèles peuvent être faits entre les catégories de sexe et de race puisque, dans les rapports sociaux, elles sont utilisées comme des catégories « naturelles » permettant d’établir une relation de domination. Voir notamment Guillaumin, Colette, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Éditions iXe, 2016. 6. Dans The Souls of Black Folk (1903), Du Bois définit la double conscience (double consciousness) comme un sentiment de division ressenti par les personnes noires entre leur identité noire et leur identité américaine. Cela les mènerait à constamment se considérer à la fois à travers la perspective du regard blanc et leur propre perspective. Du Bois évoque notamment « le sentiment de se regarder à travers les yeux des autres » (the sense of looking at one’s self through the eyes of others). 8 une conscience de groupe, fondée notamment avec le mouvement de la négritude et qui peut s’exprimer à travers des affirmations identitaires, culturelles et politiques, à l’image par exemple du mouvement « black is beautiful » aux États-Unis ou du hashtag #fierténoire en France. Le racisme anti-Noirs comprend un certain nombre de particularités. Tout d’abord, il s’ancre dans une symbolique des couleurs dans laquelle le sombre est synonyme de mal, par opposition à une supposée pureté du blanc. L’expérience des poupées, reproduite aux États-Unis en 20167, en est particulièrement représentative. Cette symbolique est d’autant plus problématique que les personnes noires sont toujours repérables dans l’espace public par leur couleur de peau, et ne peuvent donc échapper à l’imposition d’une identité noire qui en fait potentiellement des victimes de violences et de discriminations. De plus, le racisme anti-Noirs est imprégné par le racisme d’exploitation pratiqué pendant des siècles dans le cadre des traites négrières et de l’esclavage. Ce dernier a émergé à partir de la fin du XVIe8 siècle puis s’est poursuivi aux XVIIe et XVIIIe siècles avec le développement de théories sur la hiérarchie des races humaines justifiant l’exploitation de celles classées comme inférieures. Des caractéristiques anthropomorphiques et intellectuelles ont alors été attribuées aux personnes noires, assignées en conséquence aux emplois et positions sociales inférieurs. Ces racines historiques du racisme anti-Noirs méritent qu’on s’y attarde car les théories racistes sont encore vivantes dans les représentations contemporaines : elles nourrissent et justifient des discriminations. L’ampleur du racisme anti-Noirs est dénoncée depuis longtemps par les associations défendant ces minorités – associations noires, afro-féministes, africaines, afro-caribéennes tout comme par les associations universalistes mobilisées dans la lutte contre le racisme.9 Ce constat de terrain est corroboré par différentes études. L’enquête Trajectoires et Origines (TeO), qui porte sur les descendants d’immigrés établis en France, indique que les descendants de Subsahariens ont 1,3 fois plus de risque de subir des traitements inégalitaires ou des discriminations que uploads/Management/ rapport-racisme-2019-focus-racisme-anti-noirs-vdef.pdf

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  • Publié le Aoû 25, 2022
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