1 © Éditions d’Organisation Chapitre 1 Créer l’organisation orientée stratégie
1 © Éditions d’Organisation Chapitre 1 Créer l’organisation orientée stratégie LA CAPACITÉ À EXÉCUTER LA STRATÉGIE. Une étude portant sur 275 responsables révéla que la capacité à exécuter une stratégie était plus importante que la stratégie elle-même1. Ces responsables citaient la mise en œuvre de la stratégie comme étant le facteur majeur de l’évaluation du management de l’entreprise. Cette découverte semble surprenante dans la mesure où ces vingt dernières années, les théoriciens et consultants du management ainsi que la presse professionnelle se sont surtout penchés sur la façon d’élaborer des stratégies qui généreraient la performance maximale. Il semble même que la formulation de la stratégie n’ait jamais été aussi importante. Pourtant d’autres observateurs confirment l’étude et pensent que la mise en œuvre de la stratégie peut être plus importante que la stratégie elle- même. Une étude, réalisée par des consultants en management au début des années 80, révélait que moins de 10 % de stratégies correctement formulées étaient appliquées avec succès2. Plus récemment, un dossier de Fortune, consacré aux échecs des grands dirigeants, concluait que l’accent 1. Measures That Matter Ernst & Young (Boston, 1998), 9. 2. Walter Kiechel, « Corporate Strategists under Fire » Fortune, 27 décembre 1982, 38. COMMENT UTILISER LE TABLEAU DE BORD PROSPECTIF 2 © Éditions d’Organisation placé sur la stratégie et la vision pouvait laisser croire à tort qu’une bonne stratégie était suffisante pour réussir. « Dans la majorité des cas — que nous estimons à 70 % — le réel problème ne venait pas (d’une mauvaise stratégie, mais)… d’une mauvaise exécution. » précisaient les auteurs 3 . Ainsi, avec des taux d’échecs de l’ordre de 70 à 90 %, nous pouvons comprendre pourquoi des investisseurs expérimentés en sont venus à penser que la mise en œuvre est plus importante qu’une bonne vision. Pourquoi les organisations ont-elles du mal à appliquer des stratégies bien formulées ? L’un des problèmes vient de ce que les stratégies, — les seuls moyens durables par lesquels les organisations créent de la valeur — sont en train de changer alors que les outils pour les mesurer n’ont pas suivi. À l’époque industrielle, les entreprises créaient de la valeur avec leurs actifs matériels, en transformant les matières premières en produits finis. Une étude du Brookings Institute en 1982 montrait que les valeurs comptables matérielles représentaient 62 % de la valeur de marché d’une entreprise industrielle. Dix ans plus tard, ce taux était passé à 38 % 4 . Et des études récentes estimaient qu’à la fin du vingtième siècle, la valeur comptable des actifs matériels ne représentait plus que 10 à 15 % des valeurs des entreprises sur le marché 5 . Il est clair que les occasions de créer de la valeur passent de la gestion des actifs matériels à la gestion des stratégies fondées sur le savoir, qui font appel aux actifs incorporels : la relation clientèle, les services et produits innovants, les processus de fonctionne- ment de haute qualité et réactifs, la technologie de l’information et les bases de données ainsi que les capacités, les compétences et la motivation des salariés. Dans une économie caractérisée par les actifs matériels, les indicateurs financiers étaient adaptés pour enregistrer les stocks, les biens, les usines et le matériel, sur les bilans des sociétés. Les comptes de résultats pouvaient également retracer les dépenses associées à l’utilisation de ces actifs matériels pour générer des recettes et des profits. Mais l’économie actuelle, où les actifs incorporels sont devenus des sources majeures d’avantages concurrentiels, exige des outils qui décrivent les actifs fondés sur le savoir et les stratégies de création de valeur que ces actifs génèrent. 3. R. Charan et G. Colvin, « Why CEO’s Fail, » Fortune , 21 juin 1999. 4. M. B. Blair, Ownership and Control : Rethinking Corporate Governance for the Twenty- First Century (Washington, DC : Brookings Institute, 1995), chapitre 6. 5. Recherche menée par le Professeur Baruch Lev de l’Université de New York, citée dans « New Math For a New Economy » Fast Company , janvier-février 2000, 217-224. Créer l’organisation orientée stratégie 3 © Éditions d’Organisation En l’absence de tels outils, les entreprises ont eu du mal à gérer ce qu’elles ne pouvaient ni décrire ni mesurer. Les entreprises ont également eu des difficultés à tenter d’appliquer des stratégies fondées sur le savoir à des organisations conçues pour la concurrence de l’ère industrielle. Même vers la fin des années 70, de nombreuses structures fonctionnaient de façon centralisée au moyen de grands départements fonctionnels. La stratégie pouvait être élaborée d’en haut et appliquée grâce à une culture hiérarchique d’ordre et d’exécution. Les changements étaient progressifs, aussi les responsables pouvaient-ils utiliser des systèmes de contrôle de gestion lents et tactiques tels que le budget. Mais de tels systèmes ont été conçus pour les entreprises indus- trielles du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ils ne sont plus adaptés à l’environnement dynamique et constamment changeant d’aujourd’hui. Et pourtant de nombreuses entreprises continuent à les utiliser. Est-il dès lors surprenant qu’elles rencontrent des difficultés à appliquer des stratégies totalement nouvelles élaborées pour une concurrence fondée sur le savoir au XXe siècle ? Les organisations ont besoin d’un nouveau système de management conçu pour la stratégie et non pour la tactique. La plupart des structures de nos jours fonctionnent en équipes et en centres de profit décentralisés qui sont bien plus proches du client que les états-majors des grandes sociétés. Ces structures savent que l’avantage concurrentiel vient davantage des relations, des compétences et des connaissances immatérielles créées par les salariés que des investisse- ments en actifs matériels et de l’accès au capital. La mise en œuvre de la stratégie exige donc que tous les centres de profit, les services de soutien et les salariés soient en phase avec la stratégie. Et en raison des change- ments rapides de la technologie, de la concurrence et des réglementations, la formulation et l’application de la stratégie doivent devenir un processus participatif continu. Aujourd’hui les entreprises ont besoin d’un langage pour communiquer leur stratégie, tout comme elles ont besoin de processus et de systèmes qui contribuent à appliquer cette stratégie et avoir un retour sur cette stratégie. Le succès ne vient qu’à partir du moment où la stratégie devient la préoccupation quotidienne de chacun. Il y a quelques années de cela, nous avons lancé le tableau de bord pros- pectif 6 . À cette époque, nous pensions que le tableau de bord prospectif 6. R. S. Kaplan et D. P. Norton « The Balanced Scorecard : Measures That Drive Performance » Harvard Business Review (janvier-février 1992) ; 71-79. COMMENT UTILISER LE TABLEAU DE BORD PROSPECTIF 4 © Éditions d’Organisation concernait la mesure et non la stratégie. Nous étions partis de l’hypothèse qu’en se fiant exclusivement aux indicateurs financiers d’un système de gestion les entreprises prenaient de mauvaises décisions. Les indicateurs financiers sont des indicateurs de suivi ; ils rendent comptent des résultats, des conséquences des actions passées. En se fiant exclusivement aux indi- cateurs financiers, les entreprises favorisaient des comportements à court terme, qui sacrifiaient la création de valeur à long terme au profit de la performance à court terme. La méthode du tableau de bord prospectif conservait les indicateurs de performance financière, les indicateurs de suivi, mais les complétait par des mesures sur les inducteurs, les indica- teurs prospectifs, des futures performances financières. Mais quels étaient les bons indicateurs de la future performance ? Si les indicateurs financiers incitaient à faire les mauvaises choses, quels indica- teurs inciteraient à faire les bonnes choses ? En fait, la réponse est venue d’elle-même : ceux qui mesuraient la stratégie ! Ainsi tous les objectifs et les indicateurs sur le tableau de bord prospectif, qu’ils soient financiers ou non financiers, devraient découler de la vision et de la stratégie de l’organisation. Et bien que nous ne nous soyons pas pleinement rendu compte de toutes ses implications à l’époque, le tableau de bord prospectif devint très vite un outil de gestion de la stratégie, un outil pour traiter les taux d’échec de 90 %. Plusieurs des premières compagnies qui ont fait appel à nous pour mettre en place le tableau de bord prospectif — la division Marketing et Raffi- nage Amérique du Nord de Mobil, la division Assurance Dommages de CIGNA, Chemical Retail Bank et la division Rockwater de Brown & Root Energy Services — connaissaient des difficultés ; elles perdaient de l’argent et étaient à la traîne dans leur secteur. Chacune s’était récemment dotée d’une nouvelle direction pour redresser la situation. Et chaque nouvelle équipe de direction avait adopté des stratégies totalement nouvelles pour mieux orienter leurs structures vers le client. Ces stratégies ne se contentaient pas seulement de réduire les coûts et de se recentrer, elles nécessitaient de repositionner l’organisation sur son marché concur- rentiel. Et, en outre, les nouvelles stratégies impliquaient que l’ensemble de l’organisation adopte un nouvel ensemble de valeurs et de priorités culturelles. À la réflexion, il nous avait été demandé de mettre en place le tableau de bord prospectif dans quatre des uploads/Management/ organisation-orientee-strategie.pdf
Documents similaires










-
31
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 17, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.1625MB